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Doel (1/2)


Doel Beveren

Ce petit reportage photographique concerne le village inoccupé de Doel, dans l'entité de Beveren, au nord-ouest d'Anvers, en Belgique. Il ne s'agit pas - comme on le lit partout - d'un village abandonné, tels ceux de l'Espagne et de l'Italie. Les rues sont entretenues par les ouvriers municipaux de Beveren, une ville au territoire conséquent regroupant quasiment 50.000 habitants au sein de 2 villes, 5 villages et 1 hameau. Le village est en grande partie inoccupé considérant qu'il y eut de nombreuses expropriations. Le but de la démarche a été de laisser place à l'extension vers le nord du port d'Anvers et non comme on le lit souvent, du fait de la centrale nucléaire de Doel. Les tendances économiques moroses et les incessantes difficultés juridiques provoquent que ce projet d'extension du port est actuellement à l'arrêt, ou tout du moins en difficultés.

Doel est située au nord de la Belgique, sur le rivage de l'Escaut, à la frontière avec les Pays-Bas. Il s'agit d'un emplacement stratégique. Localisée en face de Lillo, Doel se trouve en plein dans la zone d'extension portuaire d'Anvers, un site industriel majeur. Sur la rive droite de l'Escaut, le port s'étend sans discontinuité jusqu'à Zandvliet.

L'extension de la rive droite a entraîné la suppression complète des villages de Lillo, Wilmarsdonk, Oorderen et Oosterweel.

En une certaine époque, il est apparu logique d'étendre le port de la même manière en rive gauche. C'est de la sorte que Doel, posée sur d'anciens terrains de polders et de marécages, inondée régulièrement par les marées de l'Escaut jusqu'à la construction massive des digues au 18ème siècle, fut expropriée ou plutôt projetée comme telle. Les terrains sont immanquablement mauvais, à ce titre le village est quasiment bordé au nord des 'Verdronken Land van Saeftinghe', un immense terrain de vasières aux Pays-Bas. Verdronken signifie inondé. Y implanter une extension portuaire paraissait amplement logique.

Cependant ça ne s'est pas passé comme ça ; débutait de la sorte la légende de Doel.

Le hameau a une longue histoire, ponctuée d'inondations et de terrains marécageux. Il fut un temps et notamment en ce qui précède la construction des digues au XVIIIème siècle, Doel n'était accessible que par bateau. Lors d'une reconstruction qualifiée de stratégique, le hameau fut implanté selon un schéma urbanistique en damier, ce qui constitue un fait unique en Belgique. Le hameau fut bâti en cette époque selon trois rues parfaitement parallèles à la digue, et quatre rues perpendiculaires. Cette situation est toujours visible de nos jours. Dans les vasières d'un bras mort de l'Escaut fut récemment découverte une cogue, un bateau marchant, datant de 1325 et échoué en 1404. Doel, ville marchande, est très ancienne.

Les premiers évènements marquants concernant l'extension du port sont signifiés par une interdiction de bâtir, entrée en vigueur en 1968. Cette démarche administrative de l'époque est destinée à empêcher l'extension de Doel. La crise pétrolière y met cependant un terme à peu près complet. Seul le Doeldok est creusé, l'interdiction est levée en 1978.

Dans les années 1990, de nouveaux projets sont constitués, dont notamment celui du Deurganckdok. Ce bassin à marée situé immédiatement au sud de l'habitat commence sérieusement à poser question concernant le hameau de Doel, cerné par les implantations industrielles : centrale nucléaire au nord, bassins industriels au sud. En 1995 les projets administratifs sont rendus publics ; ils incluent une suppression du hameau. Peu à peu une lutte acharnée s'installe, avec notamment une médiatisation débutant en 1997.

En 1999 un premier gros coup de massue tombe. La Région Flamande rend la décision administrative que le village est invivable (administrativement : onleefbaar). Certains habitants s'en réjouissent du fait que cela va provoquer un règlement d'expropriation équitable. Les opposants sont par contre furieux et mettent en ouvre toutes leurs capacités afin de résister. Le plan de secteur prévoit dès lors une décision de faire disparaître Doel, totalement, d'ici 2020.

Cependant en 2002 a lieu un rebondissement de taille. Le Conseil d'État casse la décision de la région. De ce fait, c'est le plan de secteur de 1978 qui revient en force de loi, ce qui signifie qu'à défaut d'être une zone industrielle, le hameau de Doel revient à sa fonction initiale de 1978, à savoir une zone résidentielle. Le village entre en cette période dans une zone de haute conflictualité juridique.

Après le creusement du Deurganckdok, mis en service en 2005, l'administration prévoyait jusqu'alors le creusement du Saeftinghedok, en lieu et place direct du hameau de Doel. Comme ce fut évoqué, des conflits juridiques sont venus remettre en cause le projet, sans pour autant réussir à l'annuler purement et simplement. Le projet est toujours quelque part sur les tables de nos jours, en tout cas en 2018.

La situation du village de Doel est depuis 20 ans bâtarde et instable.

Doel Beveren

Dès 1999, tous les habitants qui souhaitaient se voir exproprier le pouvaient. Les maisons devenaient alors la propriété de la Maatschappij Linkeroever, une société de gestion financière des projets portuaires à Anvers. Les maisons n'étaient (et ne sont toujours pas) pour autant vidées de leurs habitants. Les résidents gardaient un droit d'habitabilité, prolongé de ci de là plus ou moins tous les 5 ans. Reste que, nombre de résidents partent, considérant un peu au même titre que Goussainville, que le lieu devient invivable.

Dès 2003, l'effondrement d'habitat cumulé à l'anti-résidentialisation sont tels qu'il ne reste plus qu'un tiers de la population initiale, ce qui entraîne de facto la fermeture de l'école villageoise. La situation se renverse toutefois, car s'installent un nombre élevé de squatteurs (estimés entre 150 et 200). La situation fait l'objet d'une tolérance durant un certain temps, autant par la société de gestion du foncier que par les autorités communales. Cependant, au vu des vagues de délinquance qui s'ensuivent, la situation est réprimée.

La suite des évènements n'est qu'un amoncellement de chaos. La société de gestion du foncier entre en 2007 une demande de permis afin de démolir 40 habitations. Cependant ce permis est cassé en référé par le tribunal de Dendermonde. De nos jours ces maisons sont toujours visées par les projets de démolition. La situation est tout autant bloquée.

Dans l'attente et dans le cadre d'un contexte économique morbide, la situation est globalement celle de l'arrêt. Il ne se passe pas grand-chose de lisible, dans une atmosphère d'opacité. Doel fait l'objet d'un tourisme incessant au vu de son statut de village largement désaffecté. Il est apparu un effet de mode au cours de l'année 2010. Une maison sur deux environ est inoccupée. Toutes sont très soigneusement fermées en vue de s'affranchir des éventualités de squats.

En outre, le village est entretenu par les autorités, au vu que le hameau n'est ni déserté ni démoli. C'est une gigantesque épine dans le pied au sein de la gestion communale. Au fil d'intimidations incessantes, de coups d'éclat et de conflits, les autorités font tout ce qu'elles peuvent en vue de démolir. 2013, ce sont pas moins de 300 maisons qui sont visées par un projet, au hameau de Doel mais aussi sur les parcelles d'Ouden-Doel et de Rapenburg. Bien que 15 maisons aient été rasées du fait de leur instabilité et de leur dangerosité publique, une part non négligeable reste en échec de devenir. Le tribunal statue que le fait de vivre dans un environnement à ce point rasé est une nuisance trop importante pour les riverains restants.

Durant 2016, les défenseurs du village de Doel obtiennent l'acquis fragile que le village ne sera aucunement rasé, malgré le fait écrasant que 99% des maisons appartiennent désormais à la gestion foncière du port. La situation obtenue est celle d'un énième statu-quo. Si Doel comporte au sein de son extension environ 300 habitants, il s'avère que les 7 rues visées par les démolitions n'en comprennent plus que 18. Dans une situation non loin de l'ubuesque, une église est maintenue en parfait état (on rejoint là encore l'ambiance de Goussainville), un bar bien vif accueille encore une clientèle régulière. Le reste n'est que ruines soigneusement murées, sous un ballet incessant de touristes.

En février 2018, le sinistre de la mobilité et des constructions publiques, Ben Weyts, évoque que le Saeftinghedok ne sera probablement jamais creusé. On appréciera bien évidemment le « probablement ». Reste en attendant que cela fait 20 ans, ni plus ni moins, que tous les projets de démolition de Doel entrent successivement en phase d'échec. La situation ne cesse de se dégrader de surcroît, au vu des directives de protection de la nature édictées par l'Europe, et le plan de gestion des eaux du bassin de l'Escaut : de facto le creusement du bassin entraînerait la dérogation simultanée à deux directives. Autrement dit, il est extrêmement loin d'être acquis que cela puisse se faire.

De plus, l'extension des docks est en conflit total avec la directive Seveso européenne, qui interdit tout projet de nature industrielle sur un pourtour de centrale nucléaire.

Malgré tout, le gouvernement régional a encore tenté, début 2018, de démolir une maison érigée au 17ème siècle, prétextant la volonté de la reconstruire à l'identique ailleurs. Aux yeux du pouvoir régional, procéder de la sorte permettait de faire sauter un obstacle. Le tribunal des référés a interdit cette démolition.

Aussi, à noter que pas plus tard qu'en avril 2018, la municipalité de Beveren a refusé la domiciliation de deux personnes dans la vieille maison de maître de l'ancienne école municipale de Doel, arguant du fait que les bâtiments ne respectent pas le code flamand du logement. De par le passé lorsque ces situations se présentaient, le ministère de l'intérieur a systématiquement ordonné au pouvoir communal de domicilier.

En juin 2018, un rebondissement a lieu, qui ne serait pas spécialement qualifiable d'énième turpitude. En effet le sinistre Ben Weyts a fait la proposition d'un nouveau plan pour la construction-extension du Deurganckdok et l'abandon du projet de Saeftinghedok. Cette ébauche épargne totalement le village de Doel, avec un creusement dans les polders localisés immédiatement au sud du hameau. Cela permettrait de clôturer 20 ans de combat, ainsi qu'une faramineuse-gigantesque gabegie. En effet, il coûte très cher de maintenir un village complet à l'abri des vandales et ainsi, de ne pas engendrer une zone de non-droit ; surtout lorsque autant de gens contestent la politique générale. Potentiellement le groupement Doel2020 pourrait marquer un accord quant au chantier, puisque cela permet la réaffectation du village en tant qu'entité habitée. Ce n'est pas encore fait, loin s'en faut, mais jusqu'à présent jamais une proposition viable n'avait été érigée.

Reste à savoir, comment vivre à Doel ? La situation était à ce point intenable qu'en avril 2018, toutes les maisons ont été fermées de fond en comble avec des tôles inoxydables, afin d'éviter les animaux, les blessures, les visites, les squatteurs, les feux. Ça a dû coûter une fortune. Soit, de toute manière, tôle ou pas, toutes les maisons sont désormais en très-très-très mauvais état. Il fait tout de même bizarre de constater que même la rue principale est bloquée par une borne. Il n'y a plus d'accès routier au village, sauf riverain. Comment tourne De Molen ? (à défaut de vent, il s'agit surtout d'une absence de clientèle).

Entrer dans cette zone totalement déserte fait bizarre. On a l'impression de déranger.

Disons en simple résumé que les difficultés de Doel sont extrêmement loin d'être achevées. Au sein de ce paysage dévasté, les quelques habitants restants sont bien courageux.

Vous pouvez écouter l'ambiance du village ci-dessous :

 

Ce sont les terres marécageuses de l'Escaut. L'eau saumâtre fait des vaguelettes dans de vastes landes de roseaux, ça ondule lentement. Au fond, les chuintements permanents du port d'Antwerpen, les usines de Lillo et le passage des porte-conteneurs sur l'Escaut.

Doel Beveren

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