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La montagna dimenticata (partie 5/5) - page 1/5


Dans ce dernier volet sur la montagna dimenticata, nous allons aborder le hameau de Rozze, immédiatement attenant à Beltrai (non documenté) et géographiquement très proche de California, bien qu’un bras du Molini les sépare. Ensuite, nous évoquerons l’avenir de ces villages ruraux croulants. Ca peut paraître étonnant, car ces hameaux n’ont aucun avenir. Les mots sont gardés pour la fin.

Rien ne distingue Rozze des autres localités. On retrouve la structure d’habitat dispersé, essentiellement vouée à l’agriculture. Du point de vue architectural, certaines maisons sont interchangeables ou presque, de vastes bâtisses avec un balcon au grenier par exemple. La seule nuance, c’est qu’à Rozze, plusieurs familles différentes habitaient, tandis qu’aux autres hameaux, c’était un noyau unifamilial. On retrouve tout de même à Rozze un important noyau de Da Rozze (les hameaux ont souvent les noms des familles, exemples : Ciet, Pongan, Paganin, Masoch, etc). Il se peut que la famille ait été en déclin ou fortement expatriée – hypothèse la plus probable – et que dès lors, des maisons aient été revendues.

L’accès à Rozze est loin (très loin) d’être simple. Il faut d’abord traverser le torrente Mis. Ca peut paraître ridiculement facile, mais nous sommes deux à avoir piteusement goûté les délices de la baignade ! Les roches du fond sont glissantes. De toute manière, la suite correspond à la remontée du torrente Molini. Il vaut mieux le faire dans l’eau car les jeunes saulaies sont impénétrables. Au bout de 500 mètres dans le torrent, après une falaise, il faut remonter une pente très abrupte. C’est l’ancien sentier muletier de Beltrai, Rozze et Turbai. Il est refermé à de nombreux endroits.

Le hameau se caractérise par un état de démolition fort avancé. Seules quelques maisons sont encore vaillantes, encore que… c’est de toutes celles où les escaliers sont dans les états les plus piteux je trouve. L’un d’eux était incliné à 45°, il ne tenait plus que d’un côté. Je n’en ai pas de photos car l’heure était tardive. D’ailleurs, les photos qui suivront n’ont pas d’autre intérêt que de garder une mémoire. Le but de ce dernier documentaire est de tracer un état des lieux complémentaire, mais finalement beaucoup d’informations commencent à se recouper.

La maison principale était habitée par Fiori Da Rozze. Il est déclaré comme rempailleur de chaises, ce qui était un métier très fréquent dans cette région de l’Italie. Il était marié à Elisabeth Da Zanche, avec qui il a divorcé en 1954. Durant quelques années de jeunesse, il a émigré à Montmélian, en Savoie. Aujourd’hui en France, il ne reste plus qu’un seul Da Rozze déclaré dans l’annuaire, à Paris. En Belgique aucun, en Suisse quatre, en Italie cinq, en Allemagne aucun. En Italie, c’est exclusivement dans le Veneto, puisqu’ils sont soit à Gosaldo, soit à Sedico. Il est possible que Fiori ait eu une enfant, la correspondance avec Mariana semble être de ce type, elle mentionne le mot genitori. Dans les courriers, il est mentionné aussi Ida Da Rozze, Zia Da Rozze. Ces personnes sont inconnues.

Une seconde maison mentionne Luciano Stallivieri. La maison est assez malsaine, les seuls documents vestiges sont ceux de longues maladies. Un hameau Stalliviere existe à proximité immédiate du village de Tiser.

Une dernière habitation mentionne des Masoch et des Da Zanche.

Dans ces trois maisons, les documents s’arrêtent au plus tard à fin 1965. Il est très probable que les inondations de 1966 aient été responsables d’une désertification. En effet, les hameaux de California, Beltrai et Rozze, qui nous concernent ici, sont en bout de course concernant les eaux. Il n’y a pas de hameaux plus bas, sauf Titelle (qui a la chance d’être près d’un axe de circulation) et sauf Marcuz, ruiné. Nos trois hameaux ont donc concentré les inconvénients des ruissellements, des glissements de terrains, des effondrements, des recouvrements des cultures par des roches.


Sur cette image du centre de Don di Gosaldo, on voit l’axe du torrente Molini. On se rend compte que son lit, habituellement de taille modérée, est devenu une plaine alluvionnaire. Les flots ont été dévastateurs. Les maisons du haut sont le début du hameau de Pette. Spagnoi se trouve en contrebas du Molini à gauche.


Sur ces deux images du centre de Gosaldo, on se rend compte que les rues ne sont plus que des tas de roches. Or, Don est encore à une belle altitude par rapport à California, nous avons entre les deux une dénivelée de 400 mètres. Don di Gosaldo n’a encaissé que les eaux du Nagher. A California se sont accumulées les eaux dévastatrices du torrente Nogher (avec un o), du Pezzea, du Sagron-Mis, du Molini. On s’imagine de véritables scènes d’apocalypse…


Sur cette image, fort intéressante pour nous, on voit le hameau de California en bas, mais aussi au dessus à droite Beltrai et Rozze. C’est avant inondation. Ce qui est frappant, c’est que la montagne possède des maisons et des champs. Certes, ça fait depuis 15 pages qu’on en parle, mais ici c’est marquant parce que la vue d’aujourd’hui, ce ne sont que des arbres. On a peine à imaginer que ce lieu est devenu une forêt.

Nous allons donc parcourir les ruines de Rozze. Les photos ont été faites la nuit tombante, elles sont de piètre qualité. Les documents retrouvés sont relativement anecdotiques. Il n’y a rien d’exceptionnel, sauf l’un d’eux qui est le plus ancien de tous ceux datés en ma possession, 1791. Après notre passage dans ces ruines, nous irons à Conedera.


Le hameau de Rozze se cache dans cette forêt touffue, dans le début de la colline du fond.


Il reste parfois le vestige d'un ancien chemin muletier.


Au bout d'un parcours peu avenant, voici les premières ruines.


La plupart des maisons ont perdu leur toiture.


Cela fait qu'elles n'ont plus de vestiges ou presque.


Le reste d'une cheminée collée à un mur solitaire.


Après quelques ruines décevantes, une première maison prometteuse se dessine.


Elle a le profil des maisons de Spagnoi et Martinoi. C'est pour ainsi dire une copie conforme.
Bien sûr, aucune vitre cassée, sauf celle que le vent fait claquer. Le lieu est pesant de solitude amère.


Quand on ouvre la porte de la chambre, on trouve ça...


Ou ça...


Heureusement, quelques documents commencent à traîner.


Les escaliers sont parfois effrayants. Je n'ai pas pris en photo le pire, il faisait nuit. Il tenait uniquement par
le côté et penchait à 45 degrés. Il fallait vraiment faire attention, ce n'était pas évident...


On trouve alors ce qui ressemble à un contrat, localisé à California.
Le hameau de California était à l'époque un bon centre d'emploi avec l'hôtellerie.


Il est mentionné comme président Da Rozze Giacomo. Il est aussi mentionné : Angelo Masoch, Pietro Masoch,
Domenico Maschio, Giovanni Da Rozze, Luigi Masoch, Antonio Masoch, Gilio Masoch, Umberto Masoch.


Chose étonnante, l'écriture est aisée, alors que d'habitude, on a affaire à des documents
mentionnant des gens peu familiarisés avec le papier.

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