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Savonnières en Perthois (3/4)

Nous commençons la visite par ce qui semble être la véritable entrée "Espérance". C'est à dire qu'il y a deux autres entrées quasiment dans le même secteur. Donc pour s'y retrouver, je parlerais de Espérance Nord, Espérance Centre (point K10) et Espérance Sud, celle que nous prenons. C'est un double cavage assez imposant. L'un des deux cavages sert de garage. Juste avant de rentrer, deux voitures arrivent. Ce sont des personnes qui vont réparer une voiture. Nous en profitons pour discuter des carrières (appelées caves), des champignonnistes et des grottes présentes dans le coeur du réseau.

Principale nouveauté , ça sera la découverte du secteur Besace et Cayenne qui m'étaient totalement inconnus, puis toute la partie située sous le village. Ce sont de vastes champignonnières dont les piliers sont souvent consolidés avec des murs de béton, des muraillements massifs et des coins en béton. Dans ces secteurs là, il n'y a pratiquement aucun problème de tenue. Il y a juste un secteur qui tient mal, mais il est situé sous la forêt, près de la gare.

On y découvrira les classiques reliques des carriers, berlines, trains de blocs à l'abandon, gouges, escoudres, lèvres... le tout dans une ambiance propre : un parfait état de conservation. A noter la présence d'une lèvre de 4 mètres de long et bien 5 centimètres d'épaisseur. C'est un outil qui ressemble à une barre à mine, je vous laisse imaginer le poids ! Et puis une multitude de puits esthétiques. Quelquefois, on a l'impression qu'ils sont au milieu du village.

Au soir, nous irons prospecter Behonne, Le Congo, La Californie qui sont toutes à ciel ouvert. Par contre, il y a une carrière sans nom (avec un beau cavage) en face de la Renaissance Sud, au bout du chemin. Elle est assez petite et ne rejoint pas le reste du réseau. D'après François, il n'y a pas de point d'intérêt majeur dans ces galeries.

Dans les jolies couleur du matin, nous irons visiter la carrière de Savonnières par un autre cavage (sans nom) situé au sud de la Courte Raie. Nous nous rendrons compte qu'il s'agit d'un creusement vers le sud à partir du cavage. De ce fait, cette carrière ne rejoint pas le reste du réseau. C'est un réseau assez moderne. Il y a eu de la champignonnière. Ils ont tout nettoyé, c'est à la limite d'avoir l'impression qu'ils ont passé le balai !

A un coin de galerie, nous trouverons un morceau de berline probablement destiné à sortir un moellon entier (la structure de la berline est conséquente). Nous ne trouverons rien d'autre méritant d'être cité, sinon des témoignages relativement nets de l'extraction. Comment pratiquaient-ils l'extraction ? Dans la paroi, ils faisaient une saignée en bas en premier lieu, puis droite et gauche ensuite. Pour terminer, ils détachaient le bloc avec des coins en tapant sur le haut. Comme ils n'ont pas accès derrière le bloc, il est fréquent de voir une cassure du fond informe, avec de la perte de matériau. Une fois le premier bloc tiré, ils pouvaient accéder au fond et donc découper les suivants avec plus de facilité. Dans ces cas là, ils faisaient de multiples forages dans le fond, ce qui fragilisait et facilitait la cassure nette.

Juste après cette visite, nous partons au point K10 : Renaissance Centre. Un passage par Marlière, quelques cafouillages vers la Tourelle, puis entrée de la Gare. De là, nous repartirons sur La Sonnette puis La Grande Viaille.

Il pleut un peu et nous mangeons sous un hangar. Après le repas, nous sommes quasiment happés par un groupe de chasseurs. Allez, venez boire un canon ! Difficile de refuser, nous nous retrouvons à la tablée d'Asterix et Obelix. Nous est servi dans la foulée du sanglier cuit dans la braise. Et ça joue aux cartes, et l'alcool coule à flots, et ça braille du bon patois. Nous sommes bien sûr resté au jus de fruits. Mais tu prendras bien un canon hein ? T'es pâle comme un cul...

Le soir, nous irons dormir dans une ancienne maison de carrier, devenue refuge des chasseurs. Il y a trois bûches qui crépitent dans la cheminée. J'étais loin de croire que nous nous retrouverions ici.

Le lendemain, les paysages sont dans la brume du matin, c'est joli. Au loin, on voit deux petites tours d'aération de la carrière. Dans le hangar à côté, des gens s'activent avec un bulldozer, peut-être pour une champignonnière que nous n'avons pas localisée ? Nous voilà donc partis pour Brauvilliers. C'est un ancien village de pierres, on y retrouve une dizaine de carrières souterraines signalées et quelques-unes en ciel ouvert.

La première carrière (visitée la veille au soir) est un réseau minuscule vaguement circulaire. On y trouvera rien d'intéressant, sauf la présence d'une grotte. C'est au matin que nous ferons les plus belles découvertes. D'après la carte, la carrière intéressante s'appelle "Le Point du Jour". Elle passe sous la route et rejoint une seconde entrée, près du Moulin. C'est une carrière qui n'a pas un grand développement, c'est visitable en trois heures. Elle est passionnante sous deux aspects : la diversité de creusement et le renseignement abondant. En effet, un carrier a passé pas mal de temps à écrire sur les parois, du mariage d'Adèle au climat du jour, en passant par la fête du village et les décès d'un tel et un tel. Entre toutes ces informations, il y a beaucoup de renseignements sur les carriers.

Au niveau structure, c'est une carrière en gros cavage. Il y a une galerie principale qui se subdivise en multiples caves régulières. Une moitié du site est creusé à la lance tandis que l'autre est faite à la haveuse-rouilleuse. Les parois havées sont lisses, c'est surtout là que nous y retrouverons les romans les plus lisibles.

Un graffiti 1904 nous informe que la carrière existait déjà à cette année là. Elle est probablement plus ancienne, mais aucune preuve n'a été trouvée. En 1953, ils faisaient un avancement de 15 mètres par mois (ce n'est pas un calcul, je recopie une inscription). En 1957, les carriers étaient Christian Varinot, Roland Varinot, Mario Massini (Né à Revigny sur Ornain), Colomban, Vanola. Plus tard en 1967, c'était Louis Knavié en probable chef de chantier, puis Jeanmaire, Sindomino, Gonzato, Beaujour, Canni (Cagny), Hormencey et Roger Audinot. On notera que Louis Knavié est né le 18 avril 1914. En 1967 lorsqu'il écrivait au mur, il avait 53 ans.

Dans les divers évènements, on apprend que le garde mine Rolly est passé le 15 février 1967, il signale une rupture de voûte à étançonner (ce qui n'a pas été fait d'ailleurs). Le 9 avril, ils ont passé deux heures à réparer la perceuse. Ce qui est comique, c'est qu'ils indiquaient les fins de chantier. On retrouve donc à divers endroits les dates de fermeture. Un quartier ouvert en janvier 1964 et fermé le 1er mars 1968. (Fin de chantier, au revoir). Plus loin, une fermeture le 31 mars 1968 puis finalement tout au bout de la carrière, une fin de chantier le 18 novembre 1971.

Dans les dernières informations à signaler, je noterai la fréquence de tables. Ce sont des listes de blocs sortis avec les dates et les carriers concernés. Ca aidait sûrement à faire les fiches de salaire. On y remarquera la fréquence des mois d'hiver. Il devait y avoir une activité continue, mais une présence renforcée en hiver durant la saison morte des champs. Un bloc moyen avait cette dimension : largeur 4.85m longueur 3.20m hauteur 3.00m. En décembre 1958, Vanola sortait 29 moellons par mois.

A noter que du côté Moulin, le double porche d'entrée de la carrière est d'une grande beauté. Les arches sont doublées, les parois muraillées. Malheureusement, il y a deux très moches graffitis en rouge fluo (lamentable). Juste à côté dans les bois, une troisième entrée. Mais celle-ci est en état terminal, de multiples plaquages très dangereux.

Pour cette carrière, ça s'en arrête là. Ce nombre d'informations est déjà très important car d'habitude, nous n'avons rien ou juste un vague graffiti. Juste à côté dans la carrière La Comette, c'est à peu près du même tenant. Même type de creusement, cette fois ci on a même un portrait du probable chef de chantier, dont j'ai fait une photo. Cette seconde carrière a été exploitée un peu plus tôt, apparemment vers 1915 - 1925. Les carriers étaient C. Bertrand à Brauvilliers, Alcide Guillemin et Marcel Guillemin de 1915 à 1926 et Guy Lemaire.

Après, nous partons visiter les carrières situées au sud de Brauvilliers, appelées "carrière de Rinval". Il y a 3 entrées, dont une principale en gros cavage toujours aussi esthétique. C'est dans la forêt, il y a du lierre un peu partout et de la mousse sur les pierres. A l'entrée, un graffiti : 1er mai 1893, Rinvale HR. C'est très probablement la date d'ouverture de la carrière.

A l'intérieur , un parcours un peu labyrinthique dans les remblais, ce n'est pas très grand. Dans celle la plus loin de la principale, on aura le droit à un objet rare. Il y a un grand bac en pierre de taille, le genre d'auge magnifique et concrétionnée, de 5 mètres de long pour un de large et de haut. On entendait croâ crôôa croâ. Hey t'entend, y'a une grenouille ! Mais en fait non... On l'a cherché la grenouille et c'était une culotte. Une personne avait accroché une culotte au mur et elle s'est entièrement concrétionnée. L'eau qui coulait dedan, faisait des petits croissements. Aucun doute que dans deux mois, le concrétionnement aura évolué et le bruit ne sera plus là.

Un graffiti nous apprend que le 31 janvier 1894, c'était la fin du projet. Ils ont creusé 34 mètres "du fond au devant de la porte". Un simple calcul apprend qu'ils faisaient un enfoncement de 3,7 mètres par mois, soit environ 6 moellons. Ca devait être assez peu actif. Au vu de la présence de l'eau, ils étaient peut-être embêtés durant certains mois pluvieux.



Une des nombreuses tables de comptage de Louis Knavié.


Vue du Tunnel près de La Zita.


Restes d'une haveuse et à droite, une lèvre.


Non loin de Cornuant, l'un des ateliers de champignonnistes.


Puits d'aérage près de la Tourelle.


Un pilier 69. Quelle indécence, quelle audace ! Deux ans de prison ferme pour cette photo.
Vous remarquerez que les protagonistes ont caché leur visage avec l'acétylène.


Allez Hue Louis, Vas-y pousse !


Au plafond, on voit bien les vaguelettes. C'était du temps où la mer était à ce niveau.

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