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Les bénitiers (1/2)




Au sujet des bénitiers en fonte, je vous conseille de prendre connaissance de l'ouvrage : La fonderie d'art en Berry au moyen-âge, recherches sur les cloches et bénitiers de fonte, par Mathijs Schoevaert. Il existe en réalité une centaine de bénitiers tels que présentés ci-dessous. L'ouvrage fait un inventaire de ces éléments de fonderie d'art. Edité par l'association Aubois de Terres et de Feux.


Ce petit article concerne des bénitiers. C'est chose originale pour un site dédié au patrimoine industriel ou religieux, car un bénitier c'est plutôt banal ! Mais soit, il y a là quelque chose de particulier. Lors d'un voyage en Bourgogne, j'ai été interpellé par la présence de bénitiers en fonte de fer ou en bronze. Sur certains, la technique de réalisation est assez apparentée aux cloches, on peut se poser la question si ce n'étaient pas des fondeurs de cloches qui au passage, acceptaient une commande. A propos de ces bénitiers, Jean-Christophe Michallek explique : N'étant pas un spécialiste de bénitiers (à ce sujet, je ne sais pas s'il en existe !), je puis vous dire que j'ai remarqué que chaque église avait sa manière d'utiliser les matériaux naturels, ainsi que les artisans proches. Exemple, l'église du Tréport (Fr, 76) possède un bénitier en coquillages, puisque ville port de mer. On peut donc se poser la question si le sujet du bénitier en métal n'est pas une spécialité de Bourgogne. D'après les monuments et sites, ça semble peu usité ailleurs. Du point de vue campanaire, la Bourgogne se situe un peu à l'écart des sphères d'influence des grands fondeurs : Cornille-Havard en Normandie, Paccard dans les Alpes, Bollée dans la région Centre... Du coup, on observe à première vue une tradition campanaire assez variée, de petits fondeurs, allant des grosses casseroles (Nolay, Etang sur Arroux et surtout Decize) au bourdon superbe (Tonnerre). Certaines cloches donnent une impression assez marquée d'être de la récupération de canons. Les bénitiers en sont-ils ? La question restera posée.

Je vous propose donc un petit voyage original. Il y a longtemps, très longtemps, les fondeurs de cloches fondaient aussi, peut-être...

Les bénitiers de Corbigny

Avant de décrire ce bénitier, je souhaite remercier l'église de Corbigny pour les aménagements. En effet, tout en respectant le culte, de petites affiches discrètes permettent au touriste de prendre connaissance du patrimoine. Une description détaillée des cloches est placée au pied de la tour, avec date, nom de fondeur, etc. Ah, si seulement ça pouvait toujours être comme ça... En plus, suite à des remplacements, ils ont gardé un ancien joug et un ancien battant ; ils sont aujourd'hui exposés dans la nef. Génial ! Alors voilà, un très grand merci, c'est rare et ça mérite d'être cité.

Il y a deux bénitiers dans l'église de Corbigny (au sens de bénitier nous intéressant plus particulièrement, mais désaffectés, car pour le culte il y a un bénitier normal). Le premier semble être en fonte, le second semble être en acier.

Le premier bénitier est un ouvrage qui nous pose BEAUCOUP de questions. Oui, je mets en lettres majuscules, mais c'est vrai. Dans ma petite enquête, je me suis rendu compte que personne ne sait répondre pour l'instant. Il faut dire que l'étude du bénitier n'est probablement pas une vocation ! Ce qui nous interpelle, c'est le nom inscrit sur la paroi. C'est une femme. Loin de moi l'idée de dire que c'est mal, mais c'est simplement qu'en principe, vu la date, ça ne se faisait pas. Si une femme était fondeur à cette époque, elle n'inscrivait pas son nom mais celle de son mari. Notons par exemple que ça a été le cas chez les Causard en Belgique et d'ailleurs de manière encore bien postérieure.

Que pouvons-nous déduire ? Et bien honnêtement, pas grand chose...
Jacqueline Foullé n'est citée nulle part dans des études de médiévistes. Ca nous empêche de monter des plans d'étude, ce ne serait pas un fondeur régulier.
Hypothèse 1 : La date 1584 n'est pas juste, c'est 1884. En zoomant sur l'épigraphie, ça semble tout de même improbable. Cependant, Jacqueline, ce n'est pas un nom à consonance médiévale... Alors ?
Hypothèse 2 : Elle est la commanditaire ? ou la donatrice ?
Hypothèse 3 : C'est un faux. C'est le travail d'un artiste qui a été récupéré pour en faire un mobilier sacré. En effet, ça semble bizarre de marquer son nom en grand sur un bénitier.

Nous ne saurons donc pas grand chose. Aucune des hypothèse ne semble tangible.

D'un point de vue campanaire, l'objet peut nous intéresser pour sa technique. En effet, l'épigraphie est techniquement celle de cloches ultra-primitives. Les lettres sont effectuées en rouleaux soudés ou en ajouts de bourrelets. On note avec aisance que c'est un travail maladroit. La hauteur est de 47 centimètres pour un diamètre de 62 centimètres. Dans l'inventaire des monuments et site, il n'est fait aucune remarque sur la date et le fondeur, le tout parait normal.

Le second bénitier semble être en acier. Il n'est pas daté mais de manière assez franche, il semble d'une conception ancienne. Il est techniquement bien réalisé et comporte quatre visages en décor. Ces visages sont identiques en 2 - 2. Le premier visage semble représenter le visage d'un chien (?). Le second visage représente un homme à chapeau, un notable (?). Il semblerait que ce bénitier ait été forgé et les visages rapportés à chaud.

La hauteur est de 70 centimètres pour un diamètre de 120 centimètres. Dans l'inventaire des monuments et site, il est évoqué que c'est une fonte de fer et non d'acier. Il est daté du XVIème siècle. Cet objet est donc probablement en fer, vu la date estimée.

Le bénitier de Decize

C'est un magnifique objet. Il est en bronze. Cet aspect indiscutable nous place dans une certaine proximité d'une tradition campanaire, étant donné que l'épigraphie est réalisée exactement comme pour une cloche. Il date du XVème siècle d'après les inventaires des monuments et sites, mais il n'y a pas plus de précision. Il fait 43 centimètres de haut pour un diamètre sommital de 70 centimètres. La réalisation est très soignée.

L'épigraphie comporte une ligne de dédicace en bandeau saillant au sommet, écrite en onciale. C'est un aspect remarquable.

La robe comporte des médaillons représentant des scènes et des personnages. Sur les médaillons, réalisés avec une technique de cire perdue, on reconnaît un christ en croix, avec un décor de végétation. Un autre médaillon représente un personnage avec les mains sur les hanches. La base est une écriture en textura quadrata que nous décryptons pas. Eventuellement, c'est IOH. Un troisième personnage porte une robe. Il y a aussi une écriture en textura, tout aussi illisible. Eventuellement c'est HOI. L'une et l'autre de ces annotations sont liées, quelles que soient les lettres, car c'est le même mot à l'endroit et à l'envers. Un dernier médaillon est une vierge à l'enfant. Il y a donc quatre types de médaillons, reproduits sur le pourtour du bénitier. Le personnage de décor, saillant, est toujours identique. On dirait une personne en train de prêcher. Ces réalisations sont toutes usées, mais on voit nettement qu'elles sont fines et qu'elles sont l'objet du travail d'un professionnel.


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