Saint-Jean
l'Evangéliste dans le passé.
Il
s'agit d'un reportage sur le carillon de l'église Saint-Jean l'Evangéliste
de Liège. Un grand merci au carillonneur titulaire, monsieur Jean-Christophe
Michallek, pour l'accueil. La moitié des photos a été
réalisée par Sandy De Wilde. Merci
à Lon Persich pour sa présence.
Située
place Xavier Neujean, cette église accueille aujourd'hui des Dominicains.
Fondée vers 980 par Notger, qui essaie de reproduire l'église palatine
d'Aix-La-Chapelle, elle ne conserve de l'époque romane que sa tour, en
grès houiller et calcaire. La flèche est couverte d'ardoises tandis
que les abat-son sont en bois, recouverts d'une fine épaisseur de tôle
zinguée. La tour est flanquée d'une large tourelle d'escalier, éclairée
par deux baies géminées surmontée de chapiteaux.
A
propos du campanaire.
Il y a deux salles de cloches. L'ensemble campanaire est situé
au sommet de la tour et dans le bas de la flèche. Les cloches de
volée sont à un étage inférieur tandis que
les petites cloches sont situées au dessus de la cabine du carillonneur.
Elles sont placées sur une armature mixte acier/bois et ne sont
pas facilement accessibles. Quelques cloches, un peu plus importantes,
sont situées en salle haute, au pourtour de la cabine. Durant l'ancien
régime, la tour compta jusqu'à neuf cloches, mais elles
ont été volées à la Révolution. Le
carillon d'aujourd'hui est très hétérogène.
Sur quatre octaves, on trouve quatre siècles différents
de fondeurs. C'est pourquoi le carillon a un son hétéroclite,
non pas forcément faux, mais en tout cas l'expression de sensibilités
d'époques différentes. Une cloche du 17ème siècle,
au son cabossé, est différente d'une Paccard récente,
au son limpide et cristallin. C'est ce qu'on appelle des différences
de tessiture.
Les cloches de volée comportent des volants en bois, tout comme à la collégiale Saint-Feuillen de Fosses-La-Ville. Jean-Christophe Michallek explique que ça a quelque chose de logique, car ces deux lieux proviennent tous deux de l'impulsion de l'évêque Notger à la fin du 10e siècle. De plus, Fosses et Liège faisaient partie comme "bonnes villes" de la principauté de Liège. Le beffroi est en bois, en madriers de chêne assez dégradé par plusieurs décennies de guano. L'ensemble est en restauration depuis 1990, sous l'impulsion de quelques particuliers passionnés. Certains madriers comportent des ouvertures en partie inférieure, qui permettaient d'accueillir des cloches de carillon. Cela signifie que des remaniements importants ont eu lieu (restauration de 1930 ?).
Le clavier du carillon est un Désiré Somers de Malines (Mechelen). C'est un fabriquant de structures pour carillons assez réputé (1849-1936). La société est encore active aujourd'hui, mais sous forme de reprises successives. Les bâtons sont en frêne. Il peut être surprenant au premier abord de les voir avec une couleur foncée, mais c'est uniquement une question de vernis.
Le carillon comporte 35 cloches, dont 6 cloches de volée. Il n'existe aucun système de volée automatique, la volée est manuelle. Il n'y a non plus aucune ritournelle automatique. La volée est actionnée à l'ancienne, avec des cordes. En effet, plutôt que d'avoir un endroit stérile digne d'une muséographie d'Etat, Jean-Christophe Michallek souhaite que les lieux soient vivants et pédagogiques. C'est pourquoi on peut accéder en salle basse à une salle des cordes comme dans l'ancien temps, ce qui est rare. Chaque jour, un sacristain s'occupe de lancer les cloches en volée.
Les cloches présentes sont les suivantes
:
* 6 cloches Plumère &
Thomas, des cloches datées de 1717. Joseph Plumere et Joseph Thomas
sont des fondeurs hutois, Joseph est le fils de Pierre Thomas, bourgmestre
de Huy, on le trouve parfois cité sous le nom de Joseph Thomas
Dawir. Les Plumère quant à eux sont des fondeurs originaires
du Bassigny lorrain, qui furent chassés par la guerre. On trouve
quelques-uns de leurs travaux dans le pourtour de Huy et à la ville
de Huy même. Le bourdon présent ici pèse 570 kilogrammes,
il sonne le La bémol. Rien ne dit si les battants sont d'origine
ou non. Ils sont en tout cas très usagés.
* 1 cloche Nicolas Le Vache de 1726. Ce fondeur s'appelle sur certaines
cloches Levache en un seul mot. C'est une famille de fondeurs de Liège,
dans lesquels on retrouve Nicolas et Pierre, son frère, Jean-Baptiste
et Nicolas, les fils de Pierre. Il est assez difficile de déterminer
quel est le fondeur de telle cloche, car leurs travaux sont imbriqués.
Cette cloche Le Vache provient en tout cas de l'ancien carillon de Saint-Adalbert.
Leur période d'activité s'étend de 1716 à
1742. Ces cloches sont assez peu répandues en Belgique. Elles ont
la fâcheuse réputation de ne pas sonner juste.
* 1 cloche Séverin Van Aerschodt de 1889. Les Van Aerschodt sont
des fondeurs de Louvain, descendants des Vanden Gheyn.
* 13 cloches Gillett & Johnston, allant de 1930 à 1934. Fabrique
anciennement établie à Croydon, au Royaume-Uni. Les dédicaces
sont réalisées avec des lettres toutes simples et très
maladroites, qui font penser de prime abord à un apport d'un liseré
de soudure. En réalité, c'est un moule à la cire
perdue complètement raté. Le milieu des lettres possède
un renflement proche d'une cannelure.
* 13 cloches anonymes. Elles pourraient être des Le Vache, vu la
similitude des rinceaux, mais rien ne permet de l'affirmer, étant
donné qu'elles n'ont pas reçu d'expertise à la datation
radiométrique. Il est plus prudent de ne pas les attribuer à
un fondeur particulier pour le moment.
* 1 cloche Thibaut Boudart, de 2006. La Hulpe, Belgique. C'est la plus
petite cloche du carillon. Particularité : cette
cloche a été coulée au pied de la tour !
Sources.
- Dictionnaire
des facteurs d'instruments de musique en Wallonie, M. Haine, N. Meeùs.
Editions Mardaga.
- Le patrimoine monumental de Belgique, volume 3, Liège. Editions
Mardaga.
- GCNA - The Guild of Carillonneurs in North America, Bellfoundries.
- Le site de Fabrice Muller sur Liège, www.fabrice-muller.be
Vous pouvez écouter le carillon ci-dessous, l'interprète est Jean-Christophe Michallek.
https://tchorski.fr/9/audio/liege01.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/liege02.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/liege03.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/liege04.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/liege05.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/liege06.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/liege07.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/liege08.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/liege09.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/liege10.mp3
Nous allons maintenant monter à la salle des cloches.
L'église
se situe derrière ce cloître.
Un
cloître placé sous la surveillance austère de l'évêque
Notger.
Liège : tu dois Notger au Christ, et le reste à Notger
!
L'escalier
de la large tourelle. Les lumières extérieures font de jolis jeux
de couleurs.
A
la fin de la tourelle, nous allons à présent utiliser un dédale
d'échelles.
Après
ce beau parcours, nous arriverons alors enfin au carillon !
La salle haute
Le
carillon est située au dessus de la cabine.
Jean-Christophe
Michallek au clavier.
Réglage
des tringleries. En effet, avec les variations de température et d'humidité,
il est nécessaire de tendre ou détendre les tringleries.
Une
partition vivante (qui a vécu), le symbole même de l'esprit anti-poussière.
Voici l'estampille du fabriquant de la structure du carillon.
Détail
sur les tringleries.
Le
clavier, presque dans son entièreté.
Le
pédalier, pour les plus grosses cloches.
Une
des cloches située en pourtour de cabine.
On
voit bien la tringlerie qui maintient le battant.