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La cloche en Belgique


Essai de caractérisation de la cloche et du fondeur en Belgique


Le plenum à Liège.

Il existe de très nombreuses littératures locales sur les cloches. Ces études, souvent brèves, ont la portée d'un village : Anvers, Malines, ou bien la portée d'une petite entité régionale : les fondeurs Anversois. Il n'existe pas à ce jour d'étude qui vienne caractériser la cloche et le fondeur en Belgique d'une manière globale et comparative. A contrario, une ou des études de grande portée existent en France (1) ou en Allemagne (2). Cet essai est une introduction fortement résumée à ce genre d'étude.

Les raisons de ce manque sont multiples et bien que faciles à comprendre, compliquées à surmonter. Elles sont, sous réserve qu'il s'agit d'une analyse personnelle, au minimum au nombre de trois :

1/ La Belgique est un pays trilingue administrativement fractionné. De ce fait, l'aspect culturel de l'activité campanaire est tranché. Il y a une association campanaire en Wallonie (l'ACW), qui englobe aussi, plus ou moins, la petite entité germanophone, bien que cette dernière soit un peu moins fréquemment évoquée (3) ; il y a une association campanaire en Flandre (la VBV) qui traite donc de la question flamande. En matière d'inventaire et d'étude, le cas particulier de Bruxelles se révèle quasiment être un vide (4). Entre les associations, des contacts sont pris régulièrement, notamment pour la question transfrontalière des carillons. Cependant, il n'y a pas - à ma connaissance - de partage de bases d'inventaires, ce qui fait qu'un clocher aura ou perdra son auréole d'intérêt en fonction de sa localisation à droite ou à gauche de la frontière linguistique. Les recherches en matière d'inventaire sont donc cloisonnées et se cantonnent à des surfaces qu'en France, on considérerait comme étant des régions - comme la Bretagne ou le Rhône-Alpes.

2/ Si le cloisonnement est une caractéristique d'aujourd'hui, il faut bien prendre conscience que ça répond à un aspect culturel plutôt établi, bien que jamais parfaitement tranché. Le chercheur qui cherche la généralisation doit faire face à des difficultés supplémentaires (tout en gardant à l'esprit que la Belgique est un petit pays) : c'est à dire la rencontre avec des objets campanaires dont l'écrit d'épigraphie est en ancien français (Jean Jacquot), en ancien flamand (De Haze parfois), en allemand (Von Trier parfois), en latin qui mélange du flamand (les Van Den Ghein parfois). Il faut donc s'adapter à des écrits bancals, de sources culturelles variées.

3/ La Belgique est un petit pays, il est difficile d'édicter des généralités - je dirais presque des belgicismes - étant donné qu'en un saut de puce, on est en France, en tendant le bras aux Pays-Bas et en faisant un pas de côté au Luxembourg. Avec rudesse mais non sans lucidité, on peut dire qu'une étude sur la cloche en Belgique est une hérésie, étant donné qu'on est un pays jeune (1830), longtemps balloté par l'histoire (Ducs de Bourgogne, Principauté de Liège), que nos frontières sont relativement peu significatives d'un point de vue unité culturelle, que le pays est petit par rapport à d'autres entités. A comparer avec la France, où de grands traits généraux peuvent être tirés, on peut assez justement se demander si pour la Belgique, cela ne revêt pas d'un petit sentiment d'artificialité.

Pourtant pour nous, il y a un réel intérêt à se lancer dans une édiction de faits généraux. Cet intérêt est basé sur trois aspects :
1/ Il y a eu un grand nombre de fondeurs belges et de grand rayonnement.
2/ Il y a une série de spécificités liées à la Belgique, que nous listerons.
3/ Un corpus de 10185 cloches (5) (6) nous parait une base suffisante pour démarrer une étude ; bien que cette édiction doit être contrebalancée par le fait que le Recib, cumulé à l'index Irpa/Kik, ne couvrent que 30% à 35% des cloches. C'est faible. Ce sont cependant des valeurs qu'on peut observer pour d'autres pays... Disons donc que cette étude pourra être amenée à être revue. C'est la moindre des choses sur un principe d'honnêteté intellectuelle...

Avant de démarrer, quelques rappels de définition :
-Recib : inventaire des cloches présentes en clocher.
-Refond : inventaire des fondeurs ayant officié pour un pays donné.
-Inventaire IRPA/KIK, basé sur le fonds De Beer : inventaire des cloches enlevées par les allemands en 1943, dont un faible nombre est retourné en clocher.

Nous allons répondre à de grandes questions, afin de simplifier l'étude.

La cloche Belge est belge de fondeur ?
La réponse est plutôt oui. Si l'on compte en cloches de Recif, 8,5% des cloches sont étrangères à la Belgique. Si l'on compte en Refond, 7% des fondeurs sont étrangers à la Belgique. Cette différence se justifie par le fait que peu de fondeurs étrangers ont réussi à s'investir dans la fonte des carillons, à l'exception des Hemony, Eijsbouts, Petit & Fritsen, un peu Paccard. Ceci est probablement dû aux accords commerciaux que nouaient les magistrats de l'époque.

Cette donnée est à minorer pour tout ce qui est médiéval, étant donné que la Belgique n'avait pas la frontière qu'on lui connait aujourd'hui. Par une vue réduite, nous considérons l'étude par les frontières de nos jours, et donc que les Hemony sont néerlandais, ce qui n'est que peu (ou pas) une hérésie en somme. En cloche de sonnerie, on notera un apport assez important des fondeurs du Bassigny, une absence des allemands, une présence faible des hollandais, sauf pour les firmes récentes.

Cette donnée est aussi expliquée par le fait qu'après la seconde guerre mondiale, en matière de dommage de guerre et de fonte de nouvelles cloches, une prééminence totale de fondeurs belges a existé, ce qui a exclu les fondeurs étrangers. On retrouve donc une préséance logique de fondeurs belges (et récents) en nombre d'instruments.

Où est la cloche en Belgique ?
Actuellement, ce qui signifie une exclusion des inventaires de l'IRPA, elle se situe avant tout dans un édifice catholique ; 15% des cloches sont en carillon, dont environ 8% en beffroi civil et 7% en église (cathédrale, collégiale, etc) ; 6% se trouvent dans des musées. Cela signifie que 88% des cloches se trouvent en fonction dans une église. L'église protestante ainsi que l'église orthodoxe étant insignifiantes d'un point de vue campanaire, on obtient donc une valeur écrasante pour l'édifice catholique.

Le 7% concernant le carillon en église est une valeur délicate. En effet, c'est une utilisation civile de cloches dans un édifice religieux. Cela engendre parfois des confrontations un peu étranges entre le monde religieux et le monde civil. Notons qu'il est rare que ça se passe mal.

De qui est la cloche en Belgique ?
Pour un répertoire (au 7 février 2011) de 318 fondeurs pour 10185 cloches connues attribuées, on peut dire qu'on a peu de fondeurs pour une production importante. Cela s'oppose à la France, où de nombreux fondeurs existent, pour une production limitée chacun les concernant, bien que quelques majors existent - comme partout ; la production belge rejoint assez bien la production des Pays-Bas. Notons tout de même que pour le cas des carillons, où quelquefois 49 cloches sont fondues d'un seul fondeur pour un seul instrument, ça marque inévitablement les comptages.

La production belge est assez marquée par la particularité de la dynastie, un nombre non négligeable de fondeurs majeurs fait partie d'une lignée ; on note les Van Den Gheyn, les Van Aeschodt, les De Clerck, les Ser, les Causard...

La production belge est marquée par deux castes de fondeurs écrasants en nombre d'instruments : les Causard (incluant les Slegers) et les Michiels. Ce nombre important d'objets campanaire est, comme évoqué précédemment, le fait de remplacement en masse d'instruments volés en 1943. C'est un particularisme. Par exemple en France, on note une dominante écrasante de Paccard en matière de carillon, c'est un autre particularisme, qui ne s'applique nullement en Belgique.

De quand date la cloche en Belgique ?
La cloche est récente. C'est une donnée incontournable et extrêmement tranchée.
Nous avons 0,0000% de cloche romane (!), 0,03% de cloche gothique, 11% de cloche renaissance et 89% de cloches plutôt récentes.
Cette immense majorité est due au fait que nombreuses cloches ont été enlevées par les allemands en 1943 (a priori 3962 cloches ont été inventoriées comme enlevées, au moins, avec peu de garanties de retour), voir à ce titre l'analyse du Fond De Beer par Thibaut Boudart. On peut aussi attribuer ce fait à l'analyse suivante : on connait les cloches du XVIIIe siècle comme étant assez généralement plus mauvaises que les autres. On connait les cloches médiévales comme étant un peu plus approximatives et surtout non accordées par technique d'accordage en alésage. Etant donné que la Belgique a comporté de nombreux fondeurs de talent, on peut supposer que les instruments un peu plus mauvais (les Tordeur, les Grongnart, les Plumère, les Chaudoir) ont été refondus en masse.

Ce manque de cloche historique, c'est une donnée qui est dure. En réalité, ça nous place comme un pays étant peu intéressant d'un point de vue archéologie campanaire (7). Si l'on compare avec les Pays-Bas, il y a peu de différence, ils ont aussi une dominante de cloches récentes. A peu près idem pour l'Allemagne ou le Luxembourg, bien que ce soit moins marqué (8). Par contre, en France, où les cloches ont été très rapidement protégées à titre de monument historique, il y a une différence importante. La France, l'Espagne, la Suisse, l'Autriche, possèdent en réalité bien plus de cloches historiques.

Il faut bien remarquer que nous n'avons pas, en Belgique (ou très peu ?), de clocher-porche. De ce fait, nos instruments sont plus accessibles qu'en Languedoc, où pour nombre d'installations, il faut la grande échelle des pompiers !

La Belgique, un pays de carillon ?
Oui et non. La réponse est mitigée. Ce qui est certain, c'est que dans le paysage culturel belge, c'est une donnée incontournable, le carillon compose 15% des cloches belges, et celles les plus connues du grand public. Le carillon belge est un élément assez révélateur de la cloche, apprécié du grand public. On observe moins cette culture en Italie, en Espagne, et même dans le sud de la France. Les pays nordiques (Norvège, Suède) ont une densité légèrement moindre, à l'exception du Danemark. L'Autriche ainsi que l'Allemagne perpétuent moins de tradition de carillon qu'en Belgique. Ces données vont être ramenées dans un tableau.

De manière éparse, on peut dire que, à la différence de la France, les carillons sont souvent plus lourds en Belgique. Le carillon belge est plus puissant (en terme de décibels) que le français. Il est constitué d'un peu plus de cloches que le carillon allemand. A la différence des Pays-Bas, les carillons belges sont plus hétéroclites. On a des assemblages de cloches provenant de sources variées. A la différence de l'Allemagne et des Pays-Bas, le carillon est relativement moins entretenu. A la différence des Etats-Unis, le carillon Belge se trouve au cour historique de la ville. Aux Etats-Unis, le carillon peut se trouver régulièrement un peu à l'écart, dans les parcs, dans des grosses tours en béton confortables mais un peu plus anonymes (et donc moins chargées d'histoire). La Belgique comporte un carillon en tierce majeure (Deinze).

Ces données sont un peu hétéroclites. Qu'en est-il des chiffres ?
D'après la fédération mondiale du carillon, 85 carillons sont présents en Belgique pour 39 en Allemagne et 56 en France. Les Pays-Bas, champions toutes catégories, caracolent à 182 carillons ! (9) (10). Si l'on va un peu plus loin, on notera la présence de 166 carillons aux Etats-Unis.

Ces valeurs ne sont pas faciles à interpréter étant donné la diversité de surface pour le nombre d'habitants. Si l'on compare le nombre de carillons rapportée à la densité d'habitants (11), pour les pays majors, cela nous donne les valeurs suivantes :

Ces données sont nous l'estimons bien plus signifiantes. On relève une densité impressionnante de carillon aux Pays-Bas (12), suivie de près par la Belgique. Ces valeurs sont aussi signifiantes pour le Danemark. Sur cette base, nous pensons pouvoir dire que les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark, sont des pays de carillon. Pour ce qui est de la Norvège et de la Suède, le faible nombre de carillon pour le faible nombre d'habitants nous fait placer les données comme. existantes, mais à considérer avec précaution. Après, pour les trois derniers pays mentionnés, nous pensons que cela redevient relevant. C'est là qu'on voit que si les Etats-Unis ont beaucoup de carillons, ils ont aussi beaucoup d'habitants. Cet ensemble de donnée nous parait intéressant (13).

Les modes de volée en Belgique
La grande majorité des cloches est en rétrograde. Nous ne possédons malheureusement pas de comptage afin d'étayer ces dires. Il est à penser, si une valeur doit être jetée, que bien neuf installations sur dix sont en rétrograde. Le lancé-franc reste rare (14) et s'il existe, il est souvent allégé (15). Le rétro-mitigé s'observe quelquefois (16), ça reste rare, les autres lancés restent quant à eux anecdotiques. Il n'y a à notre connaissance aucun rétro-lancé. Cela s'oppose à l'Allemagne et l'Alsace, et la cloche germanique d'un point de vue global, où le lancé est franc dans. neuf installations sur dix, bien que là encore nous ne possédions pas de comptage non plus.
La Belgique ne pratique aucune méthode de change-ringing, au contraire de l'Angleterre.
La Belgique ne pratique aucune méthode de volée tournante, au contraire des cultures méridionales (Languedoc, Espagne).
La Belgique ne pratique aucune méthode de coptée campanaire, sauf quelques petites installations ludiques. C'est tout à fait contraire à l'Italie, où la coptée est répandue, et à la Russie où la coptée est obligatoire d'un point de vue culturel (17).

Les records campanaires en Belgique
La Belgique n'est pas un pays détenant de véritables records campanaires.

Les cloches les plus anciennes sont, sous réserve d'inventaire :
13xx, Datation approximative, Hoeselt, anonyme.
13xx, Datation approximative. Wolvertem, Sint Laurentiuskerk, anonyme.
1309, Pulle-Zandhoven, Maria, anonyme.
1314, Mechelen-Bovelingen, Kerk Sint-Anna, Magister Johannis de Leodio.
1314, Gent, Klokke Roeland, Jan Van Roosbeke, Jan Van Ludeke.
1316, Antwerpen, Vleeshuis, Gérard de Liège.
1340, Liège, cathédrale, De Roesbeke.
1353, Hombroux-Alleur, anonyme. Unique inscription : Denise.
1359, Gouvy, Wathermal, Chapelle. Deux Jacques de Huy.
1363, Bois-De-Lessines, anonyme.
1369, Gouvy, Wathermal, 2 cloches Jacques De Huy.
13xx, Datation approximative, Ath, château Burbant, Gillis Van Castren.
1373, Espeler, Saint-Valeri, anonyme.
1379, Waremme, Bléret, Saint-Maurice, anonyme.
1390, Hal, cathédrale, De Leenknecht.
1390, Mons, Hôtel de ville, anonyme.
1392, Damme, stadhuis, Klok der Neringen, De Leenknecht probable.
1393, Tournai, 2 cloches Robins De Croisilles.
1394, Neerwinden, Egidius De Koudenberghe.
1394, Lommel, anonyme.
1398, Damme, stadhuis, Zegeklok, De Leenknecht.
1399, Schendelbeke, Jehan Le Prevost.
14xx, Datation approximative, Genk, Bokrijk openluchtmuseum, par le maître Hemelrike.
1401, Amblève, Heppenbach, anonyme.
1404, Jehay, Saint-Lambert, anonyme.
1410, Beauvechain, anonyme.
1413, Kortrijk, Kerk O.L.Vrouw, De Leenknecht.
1421, Wortel, Sint Jan de Doperkerk, nommée Pieter, anonyme.
1424, Mirwart, collection privée, anonyme. Initiales A.L. en onciales. Fondeur du Bassigny.
1427, Merlemont, anonyme. Don de Maria Coqrele. 42 cm. Photo récente de l'IRPA.
1428, Geerardsbergen, Jan Vrane.
1428, Geerardsbergen, Van Goes.
1428, Rijkevorsel, Sint Willibrorduskerk, Luiklok. Godefridus De Hintens.
1429, Hasselt, Aleydis De Rykel, sous reserve.
1430, Burg-Reuland, Ouren, Anonyme.

Cela nous place loin après la cloche la plus ancienne en France (1230, Fontenailles), loin des Pays-Bas (12ème siècle non signée, et 1285 pour une signée ; Hekelingen), loin de l'Angleterre (12ème siècle non daté, et 1284 en signé ; Lissett, Yorkshire) et loin encore de la plus ancienne cloche allemande (Lullusglocke, 1038, suivie par Iggensbach, 1134). Nos cloches anciennes sont elles désuettes ? Ce n'est tout de même pas si mal que ça. Ca nous place à une meilleure place que la Roumanie, la Pologne. A noter que la cloche d'Hoeselt est à prendre avec des pincettes, elle n'est pas datée. Je relève aussi les affirmations les plus folles à propos de la Maria-Klok de Rijkhoven. Nous avons préféré l'écarter, bien qu'elle soit à considérer, disons dans une étude la concernant.


La Mariaklok de Rijkhoven. Cliché Irpa.

Les cloches les plus lourdes sont, sous réserve d'inventaire :
- Tournai - Cathédrale - 9100 kg
- Koekelberg - Basilique - 8352 kg
- Liège - Cathédrale - 8227 kg
- Mechelen - Sint-Romboutskathedraal - Nieuwe beiaard - 8160 kg
- Mechelen - Sint-Romboutskathedraal - Salvator klok - 8129 kg (aussi évaluée à 8884 kg)
- Maredsous - Monastère - 8000 kg
- Lier - Sint-Gummaruskerk - 7638 kg
- Leuven - Universiteit - 7096 kg
- Gent - Belfort - Triomfante klok - 6664 kg
- Bruxelles - Cathédrale - Salvator - 6645 kg
- Antwerpen - O.L.V. Kathedraal - Carolus klok - 6434 kg
- Gent - Belfort - Klokke Roeland - 6200 kg
- Kortrijk - OLV kerk - Michiels klok - 6100 kg
- Mechelen - Sint-Romboutskathedraal - Karel klok - 6000 kg
- Brugge - Belfort - Triomfklok - 5700 kg
- Leuven - Universiteit - 5500 kg
- Mons - Beffroi - Cloche Barbieux - 5500 kg
- Tournai - Beffroi - Bancloque - 5500 kg
- Brugelette - Pairi Daiza - Cloche chinoise - 5500 kg - Poids estimé
- Antwerpen - O.L.V. Kathedraal - Gabriel klok - 5300 kg
- Liège - Saint-Martin - Cloche Slégers - 5230 kg
- Liège - Saint-Denis - Cloche Causard - 5071 kg
- Kortrijk - Sint-Maartenskerk - 5060 kg
- Antwerpen - Sint-Pauluskerk - 4625 kg
- Tournai - Cathédrale - Marie-Etienne - 4600 kg
- Liège - Cathédrale Saint-Paul - Paula - 4581 kg
- Brugge - Sint-Salvatorskathedraal - 4497 kg
- Gent - Belfort - 4459 kg
- Gent - Sint-Baafskathedraal - 4300 kg
- Leuven - Sint-Pieterskerk - 4280 kg
- Mechelen - Sint-Romboutskathedraal - Karel klok - 4235 kg
- Antwerpen - O.L.V. Kathedraal - 4200 kg
- Brugge - Belfort - Halfuurklok - 4150 kg
- Koekelberg - Basilique - 4140 kg
- Ath - Eglise St-Julien - 4070 kg
- Laeken - Notre-Dame - 4035 kg
- Brugge - OLV kerk - 4000 kg


La cloche chinoise du parc Paradisio.
Sous réserve d'expertise en matière de poids, ce serait une cloche présente dans le top 20 de Belgique.

La Belgique n'est pas un pays de gros bourdons, au contraire de l'Allemagne ou l'Autriche, où cela est plus répandu et les tonnages assez impressionnants. Voir à ce titre mon étude sur les plus lourdes cloches mondiales. Ces tonnages sont tout de même assez intéressant, étant donné qu'on ne retrouve aucune cloche en acier. La sonorité est meilleure. Quant aux défectuosités, elles sont toutes en fonction. Seule le bourdon de Tournai n'est pas actionné, pour cause de fragilité de la tour. On relève que Bruxelles n'occupe qu'une place accessoire dans le listing, d'autant plus que le poids réel de Salvator est de 6700 kg. C'est compensé par Koekelberg.

La Belgique ne possède pas de cloche en fer, cette technique médiévale rare ayant probablement rapidement périclité. La Belgique possède (au moins) une cloche en acier, à Malaise (Overijse). Cela semble être une technique très peu répandue. C'est totalement contraire avec la Pologne et encore plus la Hongrie, où les cloches d'acier sont bien répandues.

Existe-t'il des différences entre Flandre et Wallonie ?
Cela décevra peut-être certains, nous n'avons relevé aucune différence.
Il y a bien sûr la langue qui n'est pas la même en épigraphie. C'est accessoire.
Il y a bien sûr que les fondeurs flamands (Joris Du Mery, Melchior De Haze, Guillelmus Witlockx) ont plus fondu en Flandre qu'en Wallonie, mais l'inverse est valable. Cela se comprend par la dynamisme des échanges commerciaux de l'époque.
La Flandre comporte un nombre de cloches anonymes supérieur à la Wallonie. Nous évaluons cette différence comme étant non structurelle, mais uniquement liée au fait qu'un certain nombre de musées sont en Flandre (Vleeshuis, Move museum, Bijlokemuseum, Stedelijk Museum Diest, Stam Gent...), lesquels gardent bon nombre de cloches anciennes.
La Flandre comporte une densité en cloche au km² fort supérieure à la Wallonie, mais cela est liée d'après nous à l'urbanisation, qui révèle une densité d'habitant plus élevée qu'en Wallonie (18). La densité en cloche en Flandre est de 0,53 ; pour la Wallonie c'est 0,40 (19).
La seule différence que nous pourrions relever - et ça n'a rien d'un miracle - c'est qu'il y a plus de cloches provenant d'Allemagne en communauté germanophone ; encore que, sur le très faible corpus que nous possédons, ce n'est pas une généralité. Rappelons aussi qu'il y a une Heinrich Von Trier à Ellignies-Sainte-Anne, une section de Beloil... et une Willem Witlockx à Mafra au Portugal ! C'est sans compter les nombreuses Van Den Ghein exportées en Angleterre... Les exportations allaient déjà bien loin à l'époque. La différence culturelle n'a jamais été un frein.
Il n'y a pas de différence entre Wallonie et Flandre. Nous ne pouvions espérer meilleure nouvelle.

2014, une deuxième synthèse sur la cloche belge

En 2011, à l'achèvement d'un certain nombre de recherches assez primaires - ou disons plutôt primitives - un état des lieux de la cloche belge a été réalisé. Ce document (20) traçait les premiers grands traits de caractère du campanaire belge. A quelques mises à jour près, fruit des recherches complémentaires, les énoncés de ce document sont toujours valables.

L'année 2014 est marquée par des avancées très conséquentes en matière de caractérisation de la cloche en Belgique. Ces étapes sont les suivantes :

1) Le Refond (inventaire des fondeurs de Belgique) (21) est achevé. En un an et demi de validation historique, le document a connu une correction sur un fondeur mineur. Le reste semble validé. C'est un inventaire méticuleux. Est-ce que cela signifie que l'on connait tous les fondeurs ? Avec toute l'humilité que ces recherches nécessitent, il est indispensable de répondre que de très nombreux fondeurs restent inconnus, dont une part non négligeable de médiévaux. La seule affirmation que nous pouvons apporter, c'est que cette liste couvre 99,99% de ce qui existe en clocher en Belgique.

2) Le Recib (inventaire des cloches en Belgique) (22) est en voie de stabilisation. Il n'existe plus d'apports de masse. Les compléments sont des cas par cas. Le document comporte l'inventaire de 16.288 cloches au 20 mars 2014. Nous évaluons que la situation d'un clocher sur deux est connue. C'est fort loin d'être efficace, mais nous ne sommes pas professionnels.

3) Le DFC (dictionnaire des fondeurs de cloches) (23) est achevé. En trois mois de validation historique, le document a connu un ajout et une correction. Très loin d'être un document archéologique de haut vol (nous ne sommes toujours pas professionnels !), ce dictionnaire a l'avantage de compléter et corriger la littérature existante. Ce document permet d'identifier avec précision 99,99% des fondeurs ayant agi en Belgique, lorsqu'il s'agit d'une cloche encore existante à ce jour.

4) Les études sur les fondeurs du Bassigny (24) sont achevées. Le document de synthèse permet de donner une grille de lecture et un filtre sur les recherches très conséquentes menées par Henry Ronot et le centre généalogique de Haute-Marne (25).

Ces quatre thématiques de recherches sont très fortement interconnectées. Il est dès lors nullement étonnant qu'elles se soient achevées en même temps. Le mot " achevé " est un peu délicat. Ces recherches ne s'arrêtent jamais. Il s'agit plutôt d'un instant où l'on ressent que cela n'évoluera plus fortement.

Ces recherches permettent d'édicter un certain nombre d'affirmations quant au campanaire belge. Nous allons lister ces différents aspect dans ce document.

Les modes de volée en Belgique

Au sein du premier document d'étude, nous avons affirmé que 9 cloches sur 10 sont en rétrograde. Nous ne disposions toutefois d'aucun comptage. Les recherches sur des cas particuliers s'étant multipliées, nous disposons désormais d'un échantillon de 100 clochers dont l'état est connu. Nous excluons totalement les situations des carillons, car cela nous semble relever de cas particuliers.

Si l'on analyse le cas de ces 100 clochers, les valeurs suivantes sont obtenues :
75% de rétrograde.
18 % de rétro-mitigé.
2% de lancé-franc.
5 % de sonneries qui ne fonctionnent plus du tout.
Ces valeurs sont légèrement arrondies afin d'en faciliter l'interprétation.

Dire que 100 clochers est une valeur représentative est assez délicat. Nous souffrons dans de très nombreux cas de ne pas être assez invités en clocher, ou d'avoir des difficultés à obtenir les autorisations. Ces 100 clochers correspondent à des églises de village ou des cathédrales. Sans être représentatif, ça donne un aperçu.

Si le rétrograde est majoritaire, il en ressort que ce sont souvent des installations qui datent d'une période s'étalant de 1948 à 1970, c'est-à-dire la très dense période de reconstruction des sonneries en après-guerre.

Un aspect qui avait été négligé, c'est l'importance du rétro-mitigé. C'est un mode de volée nettement plus répandu que prévu !

Ce mode de volée est honni des campanologues allemands, tchèques et grecs. Les fondeurs récents ont un point de vue un peu plus nuancé sur la question. Ce sont des modes de volée qui sont encore largement préconisés à ce jour. Le rétrograde l'est nettement moins, voire même ne l'est quasiment plus.

Il existe deux soucis à ce sujet. Le premier c'est que c'est un mode de volée inesthétique. Le second, c'est le risque de rupture soudain de la jambe du battant. La cathédrale de Lille en a fait les frais très récemment sur sa cloche 2 (rupture en 2013, alors que rien ne laissait présager). Cet aspect a encore été mis en exergue dans le cas de Sint-Pieterskerk de Leuven. La parade consiste a réaliser un battant en plastique thermoforgé et seule la boule en métal. Si cela permet d'éviter le risque, c'est hautement inesthétique.

Les modes de volées en Belgique sont donc médiocres, au contraire de l'Allemagne. Mais de loin, ce n'est pas la seule chose dont il faut s'inquiéter. Notamment, l'état d'abandon des clochers est nettement plus préoccupant.

En outre, la valeur de 5% de sonneries hors d'état d'utilisation est significative.

Les fondeurs allemands sont plus nombreux que prévu

Un a priori a longuement circulé quant aux fondeurs allemands, comme quoi ils auraient délaissé la Belgique (des frontières actuelles) d'un point de vue culturel et commercial. Comme nous l'évoquons dans le DFC, cette donnée est fausse. Ceci étant, sous réserve bien évident que les frontières furent plus que chahutées, c'est indéniable.

En nombre de fondeurs, 4% des actifs en Belgique étaient allemands. C'est supérieur aux Pays-Bas (3,6%). Nous parlons bien en terme de fondeur et non en nombre de cloches, où les fondeurs hollandais possèdent une suprématie conséquente. Parler d'origine de la sorte alors que nous étions en Pays-Bas bourguignons, espagnols, principauté de Liège, etc. est quasiment une ineptie. Pourtant, il existe bien un moment où il faut analyser, découper, puis tirer une synthèse.

Nous dirons que la seule thèse indiscutable, que nous apportons ici : c'est qu'il y eut un commerce allemand, un apport culturel, une influence, des apports mineurs aussi bien que majeurs. Se limiter aux seuls Von Trier serait réducteur. Les allemands possèdent une culture campanaire forte, ils l'ont exportée en Belgique.

La Belgique campanaire est jumelée avec Illoud

Cette affirmation peut d'emblée apparaître comme relativement bizarre. Pourtant, il y a un sens réel à la formuler.

Sur la base de l'étude concernant les fondeurs du Bassigny, voir note 5 en fin de document, il appert que certains villages du Bassigny ont été de gros fournisseurs de fondeurs ayant réalisé des campagnes en Belgique. Immédiatement apparaissent Doncourt, Breuvannes, Damblain, Romain-Sur-Meuse. Dans cette courte liste (12 villages), un petit hameau sort du lot, il s'agit d'Illoud.

Le village d'Illoud est surtout et avant tout connu pour avoir été le lieu hébergeant le créateur du Caprice des Dieux. Son histoire ne doit pas se limiter à cela. Illoud a été un très fort fournisseur de fondeurs ayant migré vers la Belgique.

Pourquoi ne pas citer Breuvannes ? En 1821, Breuvannes possédait 1294 habitants. A la même date, Illoud possédait 350 habitants. Breuvannes fut un énorme fournisseur de fondeurs (tous lieux d'émigration confondus). Illoud était un centre de production relativement anecdotique comparé aux autres villages du Bassigny. Or, Illoud a fourni plus de fondeurs que Breuvannes.

Breuvannes a fourni 7 fondeurs peu réguliers, Illoud a fourni 11 fondeurs réguliers et influents.
Illoud a comporté 26 fondeurs en tout, d'après Henry Ronot.

Pourquoi Illoud a-t-elle tissé un lien particulier avec la Belgique ?
Il n'y a aucune réponse parfaite, nous ne le savons pas. Seules quelques suppositions existent.

La supposition d'une corporation de métier. Les fondeurs d'Illoud se connaissent, travaillent ensemble, et se destinent à un but plutôt commun. La Belgique est un lieu connu. On y va par habitude, parce que cela facilite les choses.

Cette hypothèse est probable, mais la " géographie " des groupes de fondeurs a été variable. Certaines campagnes visaient des régions particulières, où ils ne sont jamais revenus par la suite. Les groupes étaient à géométrie variable aussi. Les fondeurs étaient seuls, ou jusqu'à cinq individus, pas toujours avec les mêmes regroupements.

L'hypothèse d'y aller par habitude et facilitation du travail est assez soutenable.

La supposition que la Belgique était un eldorado campanaire, peu connu des autres fondeurs lorrains. Ne nous leurrons pas, cette hypothèse est improbable.

La supposition que les fondeurs d'Illoud avaient tissé un réseau commercial de qualité en Belgique, entrainant un statut de reconnaissance comme quoi ils sont des fondeurs recommandables. Cette hypothèse est probable, bien que la concurrence des fondeurs belges - dont le travail était très qualitatif - devait être féroce.

Conclusion

Voici un article rempli de nombreuses généralités. Il sera aisé aux détracteurs d'apporter preuve sur preuve que le sujet est partiellement bancal. Sur une étude aussi vaste, il est assez inévitable que des polémiques naissent, ce fait renforcé par les inventaires qui ne sont que trop partiels. Il est sain que de grandes généralités ainsi écrites soient contredites, preuve à l'appui. On peut espérer que ce petit sujet sera amené à être étayé et complété.

Notes

(1) - Thierry Gonon, Les cloches en France au Moyen Âge, Archéologie d'un instrument singulier.
(2) - Kurt Kramer, Die deutschen Glockenlandschaften. Deutscher Kunstverlag, München 1989.
(3) - La superficie de la Wallonie est de 16.844 km², la superficie de l'entité germanophone, incluse dans le Liégeois, est de 854 km².
(4) - Bruxelles est autant traitée par la VBV que par l'ACW, le carillon est traité par une association particulière, Tintinnabulum, et les inventaires Recib sont a priori peu ou pas abordés. Ce manque d'inventaire est renforcé par une dureté administrative, qui entraine qu'une autorisation de monter en clocher à Bruxelles-Capitale est dure à obtenir et lourde en démarches.
(5) - Notons que ce corpus est composé de 5685 cloches inventoriées en Recib, 3962 cloches inventoriées par le fond De Beer, et 538 cloches connues en littérature d'inventaire.
(6) - Le nombre de cloches est estimé à 20.000 en Recib, 4000 en fond De Beer et 6000 en cloches connues de la littérature et aujourd'hui démolies.
(7) - Nous recherchons donc en permanence l'exception, c'est-à-dire la cloche ancienne de tel lieu, la seule cloche restante de tel fondeur, etc.
(8) - En ce qui concerne l'Allemagne, c'est surtout marqué par de fortes variations régionales.
(9) - Cette estimation est forcément restrictive puisqu'afin de figurer dans la liste de la fédération mondiale des carillons, il faut que l'instrument possède au minimum 23 cloches. Or, les Pays-Bas comportent beaucoup d'instruments lourds et peu d'instruments légers, ce qui est l'entier contraire de la France ! C'est donc un comptage qu'on pourrait caractériser comme étant " une vue de l'esprit ".
(10) - Cette liste a été établie par the World Carillon Federation (carillon.org).
(11) - Il nous semble plus relevant d'établir une densité au nombre d'habitants plutôt qu'à la surface. Quel serait en effet l'intérêt d'établir un carillon dans le désert du Colorado ?
(12) - Valeur obtenue par la division du nombre de carillons par la population en millions. Pour les Pays-Bas, ça nous fait 182 divisé par 16,5.
(13) - Cela reste cependant à minorer, étant donné que la Russie est un pays très dense en cloches et que la coptée orthodoxe est culturellement fortement présente. Ce n'est pas du carillon mais pourtant bien des mélodies campanaires.
(14) - Sont exclus les montages rudimentaires de cloches de chapelles.
(15) - C'est-à-dire que malgré la présence d'un mouton, de taille réduite, le battant frappe le haut de la pince.
(16) - Sainte-Gudule dans le passé, collégiale de Huy, etc.
(17) - Voir à ce titre mon article sur les cloches orthodoxes.
(18) - 456 hab. au km² pour la Flandre, 205 hab. au km² pour la Wallonie.
(19) - Le mode de calcul est disponible en fin de la page Recib, où nous évaluons le nombre de cloches en Belgique, sur base des densités de provinces.
(20) https://tchorski.fr/10/cloche-belgique.htm
(21) https://tchorski.fr/1/refond.htm
(22) https://tchorski.fr/1/RECIB.xls
(23) https://tchorski.fr/13/dfc.pdf
(24) https://tchorski.fr/14/bassigny.pdf
(25) http://www.actes52.fr/ un outil de travail édifiant.

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