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Quelques petites mines du Languedoc (7/7)

 

Le tunnel S32

Ce tunnel désaffecté est situé à sur le tracé d'une ligne désaffectée, qui fait pas loin de 40 kilomètres. Étant gosse, j'utilisais ce tunnel assez souvent. En effet, il coupe court dans la montagne. Ne pas l'utiliser revenait d'une part à gravir une colline assez abrupte, d'autre part à longer une route de la mort, celle qui relie les seules deux grosses villes du secteur. C'est la seule grosse route du coin. Les camions y foncent comme des malades, au milieu de motards furieux et de voitures de tarés. C'était un raccourci idéal, qui faisait gagner une heure et demi, sans compter que ça mettait au frais par les temps de canicule. C'était le chemin des grandes promenades. J'avais l'amour du pays, les châtaignes plein le sac, les genets-scorpions qui craquent sous le soleil écrasant, au loin la silhouette des noirs monts dans l'ubac.

Combien d'années ont passé ? Entre 15 et 20 ? Tout ce qu'on peut dire, c'est que notre époque est devenue largement plus pire que ce qu'on peut imaginer du passé. Je n'étais jamais-jamais retourné dans ce tunnel. J'en gardais une mémoire de lieu sauvage, paisible, attendu, un p'tit coup de frais salvateur avant le retour à la maison - souvenir d'ado à peine effacé.

La désillusion fut violente.
A l'entrée du tunnel, il y a un grand panneau : danger, entrée interdite, puis une grille. Le tunnel fait 1345 mètres de long. Il n'y a rien qu'on puisse imaginer dangereux, même avec des efforts. Il est superbe, en très bon état, presque comme neuf. Après ce tunnel, il y a un viaduc, dont aucun chemin ne donne accès. Il est dans la brousse et enjambe un fort torrent. Re-tunnel et re-panneau. Danger. Parce que le viaduc, construit à la même époque, et dans le même état, il n'est pas dangereux, lui. Aucun panneau pour le viaduc, situé à plus de trente mètres au dessus du ruisseau, mais certes re-panneau pour un pauvre second tunnel ferroviaire désaffecté de quelques centaines de mètres de long, dont le sol n'est même pas informe.

C'est ce qu'on peut appeler une véritable phobie du souterrain.

Ce type de panneau démontre surtout à quel point on peut, de nos jours, sombrer dans une bêtises ahurissante. Il est des milliers de fois plus dangereux de marcher le long de la route de merde que de se promener dans ce tunnel. Un tag à l'entrée du premier tunnel est sans équivoque : à quand un éclairage et une piste cyclable ?

Mais là n'est pas le pire. Moi ce panneau, je le lis comme un affront. C'est un profond mépris pour le travail des hommes. Ce long tunnel, creusé à la main, est superbement muraillé, étonnement cintré. C'est un boulot très remarquable, un travail de fou effectué à la main, la pelle, la pioche, et les hommes ont dû beaucoup donner pour dominer cette montagne, creuser cette roche, murailler pierre par pierre, sans la mécanisation d'aujourd'hui. Il y a un mépris de vouloir interdire l'accès à un si fameux ouvrage, c'est mépriser la technicité des anciens, c'est effacer la mémoire d'un pays marqué par une voie ferrée à peine croyable, elle n'est constituée, sur 40 km, quasiment que d'ouvrages ; tout ça parce qu'il n'y a pas un ingénieur, incompétent et surpayé, qui vient vomir son rapport de mise en conformité une fois par an.

C'est symptomatique d'une société qui est malade. C'est peut-être une chronique au vitriol, mais ce panneau est une verrue, les gens qui ont décidé cela sont probablement les motards furieux de la route un peu plus bas. Je leur offre, à mon tour et je dirais en retour, mon plus puissant mépris.


Nous voici à l'entrée.


Ce tunnel à voie unique est d'une extraordinaire beauté.


Côté cintrage, ce n'est pas dans la dentelle.


Les décamètres étaient indiqués avec des plaques émaillées.


Impressionnant ! Dites-vous bien que ça a été creusé à la main.


Photo-souvenir, anniversaire !


Le viaduc, très pas dangereux du tout.


Le tunnel suivant, très dangereux.

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