Introduction : Ce documentaire a pour but de décrire quelques particularités des cloches grecques. Si la vocation est celle de sortir un ensemble de généralités assorti d'exemples sur ce qui a été aperçu, il faut bien voir qu'il existe toujours des exceptions. Ce type de documentaire, c'est une charge qui suit - en principe - un inventaire campanographique. Or, l'inventaire en question n'a pas été réalisé. De ce fait, la description sera précautionneuse. Elle se limite à ce qui a été vu dans le nord de la Grèce (Epire, Thessalie), une revue des documentations des fondeurs locaux, la vision de nombreuses photos et vidéos. Cet article ne peut prétendre en aucun cas à l'exhaustivité, ce pourquoi des mentions seront spécifiquement données en cas d'informations connues comme lacunaires, ou l'étant probablement. Le documentaire est assorti de quelques photographies d'exemples.
La
cloche grecque est petite.
Tout dépend par rapport à quoi.
Si l'on compare avec les cloches Belges, oui, certainement. Avec le nord de la
France, oui aussi. Question taille, l'instrument grec se rapproche de la forme
méridionale de la cloche en France, placée en clocher porche. La
cloche grecque fait communément de 40 à 300 kg. Plus rarement, elle
peut faire 400 kg. Encore plus rarement, elle en fait 500 kg, bien que ça
devienne chose rare.
L'instrument grec est donc, oui, un instrument relativement
petit.
La plus lourde cloche grecque se situe au Mont Athos. Elle fait 13 tonnes.
C'est un instrument tout à fait exceptionnel pour ce pays.
La
cloche grecque, au contraire de la cloche de type français/belge, ne part
pas en volée.
Ou très peu. Certaines installations existent,
mais elles restent rares, ou surtout inutilisées, ou liées à
d'anciennes églises chrétiennes n'étant plus en fonction.
Il y a en fait un nombre non négligeable d'installations de volée
qui sont... coptées !
La cloche grecque est coptée. C'est le
mode d'expression sonore liturgique du monde orthodoxe.
La coptée grecque
est d'un battement rapide, plus rapide que la coptée russe, variable en
strophe selon les heures de la journée, peu variée dans la constitution
structurelle de la strophe, un peu longue. Il s'agit souvent d'un rythme mélodique
basé sur une strophe, répétée une trentaine de fois.
Un exemple 1-1-2-1 . 1-1-2-1 . etc.
Le battant possède souvent un trou
de l'âve de grande dimension (un anneau). Dans cet anneau passe une corde
rudimentaire. La corde permet de copter. Parfois, cette corde est un fil électrique
! D'autre fois, il n'y a pas de corde. Le battant possède une poignée
et la coptée se fait directement. C'est le cas des petits campaniles.
La cloche grecque est donc souvent installée en point fixe sur une poutre, le plus souvent avec un noeud de chaînes et un cadenas, ou un mousqueton. Parfois, il s'agit de fil électrique (encore !), de fil pour les ballots de paille, de grillage entortillé, de la corde d'escalade. Cependant, le gros essentiel des installations, c'est la chaîne.
La cloche grecque est souvent installée dans un campanile. 1/ Il n'y a pas de tour faisant partie de l'église, c'est séparé, à moins d'avoir raté quelque chose. Le campanile est distant de l'édifice de quelques mètres. 2/ Ce campanile est parfois haut de 20 mètres, parfois un simple édifice à quatre piliers et un petit toit, pour 2,50 m de haut. 3/ Il n'y a pas de cloche de chour. 4/ Il y a cependant parfois une cloche dans la loggia. 5/ Il peut aussi y avoir une belle petite cloche accrochée à un arbre, à proximité du lieu de culte. 5/ Les installations en clocher peigne sont malgré tout assez fréquentes, avec une densité de 1 à 3 instruments par édifice.
Les installations comportent une cloche (un tiers de cas), deux cloches (un gros second tiers), trois cloches (un peu plus rare), quatre cloches (rare), cinq cloches (exceptionnel).
La cloche grecque est de profil russe.
Elle est tout simplement de profil orthodoxe. Cela correspond à un cerveau en biais et épais, une pointe à la pince extérieure, une pointe à la pince intérieure. Pas d'arrondis. Profil lourd pour la plupart des instruments. Aucun accordage. Les cloches grecques ne sont jamais accordées par alésage.
La cloche grecque domine peu le paysage sonore.
En tant qu'instrument orthodoxe, elle est, pour ainsi dire, exclusivement dédiée à la coptée, pour la célébration religieuse. Un certain nombre marque les heures. Ce nombre est très nettement plus réduit qu'en Belgique. La marque des heures reste un peu éparse. Tout comme en Russie, la cloche n'est sonnée que par un membre du clergé autorisé à le faire. Ainsi, les questions d'automatisme peuvent dans certains lieux poser des cas de conscience éthiques pour les gestionnaires.
Par
ces divers aspects, le son de la cloche est plus rare en Grèce qu'en Belgique.
Lorsque
les heures sont marquées, le système de tintement utilisé
est de matière très dominante le canon. Il s'agit du système
à bombardement, vu par exemple en Belgique au Blocry. Le marteau est interne
à la robe. Il n'y a apparemment que Campano Techniki qui le commercialise,
ils affirment en tout cas être détenteurs d'une part très
importante du marché d'automatisation. Le choix du marteau peut se comprendre,
vu l'extrême dénuement de structures autour de la cloche, il n'y
a que la cloche et c'est tout... Quelques marteaux classiques existent tout de
même, mais alors dans quel état !
Campano Techniki commercialise
aussi des boîtiers de coptée électronique, avec 6 modèles.
Les commentaires sur le manque de charme de ce type de sonnerie sont les mêmes
que par chez nous.
La cloche grecque a une décoration particulière.
Oui
et non, c'est légèrement subjectif.
La décoration est
en lettre grecque, c'est une évidence. Rien de spectaculaire, mis à
part que cela bloque probablement du marché pour des acteurs européens,
par manque de matrices, autant pour les lettres que les saints spécifiques.
Une spécificité est que l'épigraphie est complétée, souvent, par une gravure. Cette gravure, circulaire, à la pince ou à la patte, décrit la bénédiction de la cloche, effectuée par le clergé. Il n'est pas rare que cette gravure soit réalisée un an après la fonte. Ces cas de gravures se rencontrent franchement souvent.
Le décor de la cloche grecque est apparemment, souvent, un peu grossier. Il figure moins de détails que sur les cloches belges. Il est, souvent, un peu plus envahissant, un peu plus nombreux en thèmes présents (figures, médaillons) et un peu plus en relief que sur les cloches belges. Il y a peu, voire très peu de rinceaux, mais beaucoup de figures. Il y a peu de filets. Ils n'ont pas forcément le même emplacement que les cloches belges, et se trouvent par exemple en milieu de robe, sans écritures.
Il y a souvent, voire même très souvent, des traces de meulages sur la couronne, sur le cerveau, quelquefois sur la patte. Ces fortes traces de meulage témoignent d'un travail d'artisan. Cela ne préjuge en rien d'un manque de qualité. C'est la signature qu'on est là dans une matière artisanale, opposée à l'industriel. Si les rinceaux sont souvent les mêmes de cloche en cloche, il faut bien noter que pas un des instrument n'est identique. C'est une richesse.
Les cloches ont souvent six anses (en soleil) au lieu de quatre.
La cloche grecque est récente.
Oui, souvent, ce qui laisse penser qu'il y a eu de nombreux vols et refontes durant la seconde guerre mondiale et durant la guerre civile. La majorité des instruments date de 1947-1955.
La cloche grecque est intéressante.
Oui,
à de nombreux points de vue.
La cloche grecque attire visiblement très
peu de campanologues et campanographes. Il n'y a pas d'inventaire disponible aisément,
comme en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Suisse ou en France, peu de vidéos
et peu de photos, l'obstacle de la langue ayant été surmonté.
Visiblement, c'est par une certain manque de faits marquants. De nombreuses personnes
étudient le mont Athos, et après... plus grand monde. Les autres
cloches, peut-être trop petites, peut-être pas assez exceptionnelles,
n'attirent pas les foules. Pourtant, les cloches grecques sont plutôt faciles
d'accès, et ont le mérite d'être variées, passé
les quelques modèles vaguement standardisés (disons, modèle
de base sans épigraphie).
Il n'y a pas de carillon, ça contribue
à un éloignement du grand public. De même, l'aspect exclusivement
religieux en fait éventuellement un objet un peu lointain pour le profane.
La
réalisation est, je le redis, très artisanale. Ca en fait des instruments
très attachants. On est très très loin d'un standard Eijsbouts,
Paccard ou Grassmayr (bien que ces derniers produisent aussi des cloches non standardisées,
en complément). Pour un campanologue, les techniques sautent aux yeux,
ce n'est pas un travail lissé ni policé. C'est rugueux, personnel,
artistique. De plus, les saints représentés sont très différents
de chez nous, souvent dans des positions complexes à sculpter. La réalisation
la plus fréquente est une coulée à la louche (Nikolaos par
exemple, avec un atelier superbe).
Tsitouras est peut-être, le fondeur
grec le plus industriel des cinq mentionnés. C'est en fait avant tout une
fonderie métallurgique de produits industriels.
Il est intéressant d'ajouter que les monastères orthodoxes utilisent souvent un semantron (éventuellement simandre en français, absent du dictionnaire). Ce sont des planches sacrées, en hêtre ou en tilleul, qui sont attachées par deux extrémités. Elles sont frappées telles des cloches. Dans la pratique courante, ces planches servent à réveiller les moines le matin, et éventuellement dans les cas de petits monastères, à les appeler aux repas. En Grèce, sous la domination ottomane, l'utilisation du simandre trouva un regain d'intérêt lorsque les turcs interdirent aux chrétiens de faire usage des cloches pour marquer la vie religieuse de la communauté, les autochtones étant alors contraint d'utiliser ce moyen de communication plus discret. Le semantron est souvent complété par un instrument métallique (en acier ?), composé de trois plats incurvés, suspendus, sonnés tels des cloches. Nous donnons photographies de ces objets !
Les fonderies actives
en Grèce sont, à ce que nous connaissons :
1- Tsitouras Brothers
[Mandra Attiki, Etolikou, 7 - 18545 PIREOS]
2 - Papadakis
[Oasy Baripetrou, 22 73100 CHANIA]
3- Petros Michaeli. [IOANNINA]
4 - KampanoTechniki
[24 Demertzi, 18757 KERATSINI]
5 - Bellas Nikolaos
[Ermou 116 , PATRAS]
6 - Galanopoulos, Paramithia, THESPROTIA.
Ci-dessous : Extrait et traduction de la gazette Ta Nea, au sujet de Petros Michaeli, qui occupe environ 80% de nos photos ! Le sympathique kampanopoios (fondeur) Petros Michaeli travaille sans relâche dans le laboratoire «Bronze» (Marinos Papafotiou), rue de l'Indépendance à Ioannina. Il nous en dit peu sur son art. Nous lui avons posé la question : comment construire une cloche ? Les deux moules sont placés dans le sol, après il faut verser le métal en fusion (cuivre et étain) à l'intérieur. Le travail demande de 24 à 40 heures par cloche. Il nous dit : Cinquante ans que je fais cloches, mon premier professeur était Georgios Marinos. J'étais pauvre et orphelin, mon grand-père a travaillé à Hani Korakas, Georgios était ami avec mon grand-père. Ce dernier avait déclaré : Vous obtenez une place à l'intérieur et vous ferez le meilleur métier. Ceci a été fait, se souvient Michaeli. Aujourd'hui, c'est le seul fondeur à Ioannina. Il a notamment réalisé la cloche de Saint-Spyridon de Corfou (Kerkyra) pesant 360 livres, et les six cloches du Grand Météore.
Il n'y aurait pas d'autre fonderie active de grande ampleur hormis ces 5 mentionnées. Il y a cependant et probablement quelques petits fondeurs, que nous n'avons pas réussi à localiser. Nous avons exclu de la recherche les fondeurs de clarines et sonnailles. Nous n'avons pas réellement réussi à localiser dans la documentation qui sont les fondeurs anciens et de quand date la cloche en Grèce. Nous allons passer en revue les spécificités des cloches ayant été vues, représentant de toute apparence un panel intéressant et relativement représentatif des campagnes.
Vikos
Sur
le chemin du Ghamila et de l'Astraka, il y a une chapelle.
Ce
fut une chance d'y découvrir cette petite cloche harmonieuse.
On
y voit de fortes traces de meulage.
Elle
provient de l'atelier de Petros Michaeli.
L'église
de Vikos.
C'est
un tout petit hameau.
La
petite cloche.
Elle
sert en volée, et non coptée.
La
plus grande cloche.
A
côté de la place, il y a un mini-campanile à deux cloches.
Elles
sont un peu plus anciennes et dures à photographier.
Kipi
Le
campanile.
Dans
la loggia, il y a une petite cloche toute simple.
Vu
l'état du campanile, c'est probablement cette cloche qui convie aux offices.