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La fonderie de cloches Paccard

 

Les premiers pas de la fonderie Paccard datent de 1796. Ils marquent ainsi à ce jour, date de rédaction, 216 ans d'activité campanaire. Nous allons en réaliser un bref historique, afin de replacer la visite de la fonderie dans le contexte. Entre 1796 et aujourd'hui, ce sont environ 120.000 cloches qui sont sorties des ateliers Paccard.

La dynastie comprend (1) Antoine Paccard, (2) Claude Paccard, (3) Jean-Pierre Paccard, (4) Francisque Paccard, (5) Georges Paccard, (6) Victor Paccard, (7) Louis Paccard, (8) Joseph Paccard, (9) Alfred Paccard, (10) Henri Paccard, (11) Jacques Paccard, (12) Pierre Paccard, (13) Philippe Paccard, (14) Cyril Paccard. Cela représente actuellement sept générations de fondeurs. La fonderie est actuellement dirigée par (13) Philippe Paccard, (15) Anne Paccard, (16) Philippe Suscillon, (17) Bernard Leroux et (14) Cyril Paccard. Les artisans fondeurs sont (18) Miguel Lopez et (19) David Ughetto. L'accordage est réalisé par (24) Khaled Oujani.

L'histoire de la fonderie Paccard débute quelques temps après la fin de la première Terreur. Cette période historique est assez particulière en France. A la suite de la révolution française, les églises catholiques sont persécutées voire tout simplement interdites de culte. Le matériel est réquisitionné, les nefs pillées. En ce qui concerne les cloches, elles sont réquisitionnées en deux vagues principales, afin de les refondre en canons. L'appel à la volée est banni, les cloches sont justes tolérées afin de convier la population aux manifestations civiles, ceci étant que le tambour est encore préféré à la cloche. Des arrêtés d'exécution sont passés et des représentants de l'état, souvent impitoyables, mettent en exécution les enlèvements. La période de la Terreur fut tout particulièrement dramatique pour le patrimoine campanaire français, 1793 représentant une apogée des enlèvements.

C'est à Quintal que commence cette histoire. C'est une toute petite commune à proximité de Saint-Jorioz. Comme le fait remarquer (15) Anne Paccard, le nom de ce village était une prédestination pour (1) Antoine Paccard, cela fait penser immanquablement à de grosses cloches. (1) Antoine Paccard était maire de ce hameau, lorsque la question du remplacement de la cloche se pose. Il est né le 22 novembre 1770 au même lieu. Le 30 avril 1789, il épouse (22) Françoise Gruffy, il aura huit enfants. Il décède à Lyon le 6 juin 1830.

D'après la fonderie Paccard : A cette époque, la commune de Quintal (Haute-Savoie) réclamant à l'évêché un prêtre pour sa paroisse, s'entendit répondre par l'évêque : vous aurez un prêtre, quand vous aurez une cloche à votre clocher. La commune s'adressa alors à un maître-fondeur de Carouge, près de Genève, nommé (21) Jean-Baptiste Pitton. C'était encore le temps où la fonte des cloches se faisait à pied d'ouvre. (21) Jean-Baptiste eut besoin d'un apprenti, le syndic de la commune s'offrit et c'est ainsi que (1) Antoine fit son apprentissage, son métier initial étant de forger des fers à chevaux et des bandes de roulement pour les roues des chars.

Cette cloche « historique » comporte comme inscriptions : SI JE SURVIS A LA TERREUR (terfeur), C'EST POUR ANNONCER LE BONHEUR. Elle date de 1796 et elle est classée MH:6-11-1942. Elle n'a été montée dans le beffroi du clocher qu'après le Concordat de 1801.

C'est avec cette réalisation toute nouvelle que (1) Antoine Paccard se lance dans l'industrie campanaire. Le premier four sera construit à Quintal. A sa mort, ses fils (2) Claude et (3) Jean-Pierre Paccard continuèrent l'exploitation de la fonderie. Une collaboration fut effectuée avec (23) Gédéon Morel, ancien contremaître d'Antoine Paccard, lequel s'installa à Lyon en 1833. (1) Antoine abandonnera la fonderie de Quintal en 1816 pour s'installer à Lyon. Il ne subsistr à ce jour plus rien de la fonderie de Quintal. Le four de Quintal à aujourd'hui disparu. En 1857, ce sont les frères Beauquis, beaux frères de Jean-Pierre Paccard (la sour Beauquis était marié avec ce dernier) qui reprirent l'activité et la fonderie jusque dans les années 1880. Ces fondeurs ont laissés beaucoup moins de cloches que les frères Paccard, mais d'une grande qualité.

L'abandon de la fonderie de Quintal par Antoine Paccard est effectué pour des raisons d'économie et de praticité. En effet, le chemin de fer est en cours de finition à Annecy, c'est ce qui entraine la troisième génération de fondeurs à déplacer les installations vers Annecy-Le-Vieux. Ce déplacement a lieu en 1857. De plus, la fonderie fait face à un certain essor, un agrandissement est nécessaire. C'est dans cette seconde fonderie que vont être réalisées des cloches nettement plus lourdes et monumentales. Cette fonderie, située au n°15 chemin de l'Abbaye, existe toujours à ce jour.

 

Cette vidéo a été réalisée par Antoine Cordoba. C'est un film des cloches de Quintal. La vidéo sur Youtube est disponible ici.

(5) Georges Paccard est l'artisan campanaire qui fit évoluer le plus profondément la question des profils. C'est grâce à lui que la fonderie acquit une réputation mondiale. Il supervisa la coulée d'un peu plus de 10.000 cloches. Il fut assisté par (4) Francisque. En 1891, ils réalisèrent la plus grosse cloche de France, la Savoyarde, un bourdon imposant qui sera installé au Sacré-Cour de Paris. Ce bourdon pèse 18.835 kg, mesure 3,06 m de hauteur pour 9,60 m de circonférence extérieure, avec une épaisseur à la base de 22 cm, et un battant de 850 kg.

En 1914, ses fils (7) Louis et (8) Joseph ont présidé la coulée de la Jeanne-d'Arc de Rouen, un bourdon de 16 tonnes. Avec ce dernier est mis au point le système d'accordage par alésage qui permet aux cloches de sonner juste. Ce bourdon disparaîtra dans l'incendie de la cathédrale après le bombardement de juin 1944. Il sera refondu à nouveau en 1959, mais en plus petit (10 tonnes), et accompagné d'un carillon de 50 cloches. Après la fin de la première guerre mondiale, la production est intense. La fonderie sort environ 700 à 800 cloches par an, ce qui est énorme. Le développement du carillon prend un essor considérable, ce qui fait qu'aujourd'hui encore, Paccard est un leader dans le domaine ; un très grand nombre de carillons en France et une majorité écrasante d'entre eux sont Paccard. C'est en particulier (9) Alfred Paccard qui guidera la fonderie dans l'essor du carillon. Il était assisté de (10) Henri et (11) Jacques.

En 1950, le gouvernement américain commande 54 cloches, répliques de la « Liberty Bell », c'est-à-dire une pour chaque capitale d'Etat. Une réplique en ½ est visible au musée Paccard. La fonderie a pris le soin anecdotique et amusant de reproduire la fêlure sur la surface de la robe, tout en gardant une cohésion dans le matériau, la fêlure est décorative.

En 1986 aura lieu une coulée exceptionnelle, la plus grosse sonnerie du monde constituée par un ensemble de trois cloches (19 tonnes, 10 tonnes, 6 tonnes), installées dans la cathédrale de Markham dans l'Ontario. Au musée Paccard, un film retrace l'avènement de cette imposante sonnerie. A ce jour (2012), la sonnerie n'est plus en fonctionnement, pour cause de panne des moteurs de volée. Les cloches sont cependant intactes. C'est une sonnerie très méconnue, malheureusement. Réaliser ces bourdons aura pris un an et demi, ce qui signifie bien que c'est un travail de longue haleine.

En 1998, c'est encore une réalisation exceptionnelle : La World Peace Bell, un bourdon de 33.285 kg, installé au Kentucky, à ce jour la deuxième plus grosse cloche en volée du monde après la Gotemba (Eijsbouts) installée au Japon. La World Peace Bell fut longtemps la plus lourde cloche en volée au monde. Elle est à ce titre juste en harmoniques, ce qui n'est pas le cas (et de très loin) de la Gotemba. On pourrait ainsi qualifier le bourdon de « plus belle plus lourde cloche en volée au monde », si cela peut se dire ! Elle est en rétro-lancé, tout comme les Markham Bells. Cette réalisation splendide s'accompagne de bonheur, mais aussi de soucis orageux. En effet lors de cette réalisation de (12) Pierre Paccard, il n'est pas constitué d'assurance sur le cours du dollar. Les fluctuations vers le bas entrainent un coup dur pour la fonderie, qui doit se restructurer.

L'atelier est alors déménagé d'Annecy-Le-Vieux vers Sevrier, une petite ville en bordure du lac d'Annecy. Cela permet de regrouper le site de la fonderie avec le musée Paccard, créé en 1984. Ce déménagement est évidement une difficulté, mais cela permet à la fonderie de rebondir et rationnaliser les processus de fabrication. Le musée est à front de rue tandis que la fonderie se trouve immédiatement derrière. A ce jour, la fonderie emploie une vingtaine de personnes.

L'activité est séparée (y compris de manière comptable) en quatre secteurs de production :
- La réalisation de cloches d'églises et de carillons, secteur le plus traditionnel de la fonderie.
- La réalisation de clochettes pour particuliers, activité groupée avec le site internet dédié à la vente.
- Le musée et la partie de site internet afférente.
- La partie « Ars Sonora », qui comporte des réalisations de carillons architecturaux pour les espaces publics de villes et villages.
L'activité est intégrée, cela signifie que le développement de cloches est réalisé depuis la conception des profils jusqu'à la mise en place des instruments dans leurs beffrois campanaires (métier de campaniste). Il n'y a pas de nécessité de sous-traitance, bien que celle-ci soit choisie ou imposée parfois.

Bibliographie
- Paccard, site internet, partie historique de la fonderie.
- Christian Sorrel, Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine : La Savoie.

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