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Les petits fondeurs de cloches du Bassigny


(Une biographie des petits fondeurs du Bassigny ayant travaillé en Belgique)


Une cloche Alexis Jullien. Photo : Irpa.

* JULLIEN Alexis
Date de naissance et de décès inconnus, fondeur actif dans la seconde moitié du XVIIème siècle et au début du XVIIIème siècle. Il pourrait être né en 1662 et décédé en 1734. Si la date de décès ne laisse que peu de doutes, nous ne possédons aucun acte concernant sa naissance.

Il est originaire du village de Damblain. Il pourrait être le fils de Nicolas JULLIEN, lui-même fondeur établi à Damblain, mais les filiations ne sont pas établies. La soeur d'Alexis JULLIEN, Marie-Christine JULLIEN, se marie en 1688 avec Jean-François PETIT, fondeur de bronze ayant été a priori actif en Belgique. Des PETIT proviendra une dynastie conséquente, qui elle-même débouchera sur la constitution de la société PETIT & FRITSEN.

Quant à Alexis JULLIEN, il possède une série de mariages compliquée. Il se marie avec Elisabeth VERVERS en première noces, Elisabeth KHAPPEN en secondes noces (probablement KNAPPEN), Marai DEMERIX en troisième noces (probablement Marie), Maria STOBAERTS en quatrième noces. D'après la même base documentaire, il serait originaire de Champigneulles-en-Bassigny plutôt que Damblain. Il existe 6 km de différence, nous pouvons d'office imaginer que les deux ont existé.

Il est qualifié, d'après Henry Ronot, de "maître fondeur de cloches à Verte Peyis en Geltre". Cette citation date de 1702. Si l'on passe outre l'orthographe épique !, cela signifie probablement qu'il est situé en province de Gueldre aux Pays-Bas (Gelderland en néerlandais). De notre côté, nous ne le localisons nulle part d'autre qu'à Lier, et son registre de fonderie semble témoigner en ce sens...

Maître-fondeur est un terme à aborder avec précautions. Les cloches des fondeurs du Bassigny n'ont jamais été merveilleuses. Elles ne sont pas spécifiquement médiocres, mais elles ne cassent pas trois pattes à un canard non plus. Alexis JULLIEN fait manifestement de gros efforts en vue de la qualité. On voit bien que les décorations sont soignées (bien que minimes). En réalité, c'est surtout sur les questions des profilages que de grandes difficultés existent. Les cloches de JULLIEN sont modestes, honnêtes, sympathiques, mais dont la sonorité est un peu passable. Il obtient un certain nombre de certificats de bonne exécution et de recommendation, ce qui témoigne tout de même d'un certain talent.

Il n'est pas établi le pourquoi de la migration définitive d'Alexis JULLIEN vers les Pays-Bas Espagnols. Peut-être est-ce à mettre sur le compte des ravages de la guerre de trente ans en Bassigny (1618-1648). Encore que, 40 ans après la fin de la guerre séparent Jullien des dévastations... En 1689, il coulerait son premier mortier et de petites cloches, probablement sous l'enseignement de Nicolas II JULLIEN. Dès 1691, on le localise en Belgique, notamment à Maaseik.

Dans les années qui suivent, tout laisse à penser que les collaborations entre Alexis et Joseph deviennent éparses. Le second se consacre beaucoup à des campagnes en Allemagne. Le contact n'est pas rompu pour autant, puisque quelques collaborations auront encore lieu.

En 1692, il se fixe à Weert, une ville des Pays-Bas (frontières actuelles), dans le Limbourg, entre Hasselt et Eindhoven. Toutefois, cela ne désigne pas le lieu d'installation d'une fonderie à poste fixe. Alexis JULLIEN reste itinérant, comme en témoignent les contrats des fontes de cette époque. Dans le courant 1700 et les années qui suivent, quelques indices laissent à penser qu'il commencerait à s'établir en fonderie. Il collabore avec un certain C. KNAPEN, probablement une aide familiale. Ce dernier pourrait agir en tant qu'ouvrier. Nous ne le connaissons pas établi comme fondeur.

Les premières années du XVIIIème siècle semble éminemment difficiles, notamment d'un point de vue financier. En cette période, le mariage avec Elisabeth KNAPPEN parait dicté par des raisons financières. En ce même temps, une très importante commande tombe, le carillon de Lier. En ces années et sans qu'il ne soit possible de fixer la date, Alexis JULLIEN déménage vers Lier. A Weert, il ne laisse rien de spécifique.

En cette période de début 1700, signifiant une certaine effervescence, des collaborations semblent avoir lieu avec Jean FREMY, fils de Mammès FREMY, et Claude FREMY. En même temps, les FREMY sont de talent et il est envisageable de considérer qu’ils constituent une concurrence du plus rude. Le départ de JULLIEN vers Lier pourrait être considéré comme une répartition zonale. Chacun se délimite une zone d’action. Le tout s’est probablement déroulé à l’amiable, si ce n’est amicalement, car les contacts entre fondeurs restent réguliers. En 1702, il se marie en troisième noces. L’état de ses dettes semble arrangé, car les ardoises sont effacées.

Le carillon de Lier, œuvre majeure d’Alexis JULLIEN, est coulé de 1703 à 1707. Celui-ci démontre des problèmes de justesse sonore, ce qui existera à ce titre, et comme déjà mentionné, dans toutes les cloches émanant des fondeurs du Bassigny. Il est de plus à signaler que les fondeurs du Bassigny avaient très peu (si ce n’est pas du tout) d’expérience en matière de réalisation de carillon. En cette période, il réalise aussi un imposant tambour, destiné aussi au carillon.

Ensuite, JULLIEN semble occupé à des coulées aux Pays-Bas (frontières actuelles), dont un bourdon de 7500 kg, aujourd’hui disparu.

Les années qui suivent sont moins claires du point de vue biographique, si ce n’est qu’aux alentours de 1720, il est à nouveau endetté. La même année, il se marie avec Maria DE MERIX. Par la suite, des contrats sont signés, en vue de cloches de sonneries ou d’un carillon (Postel). Les qualités d’exécutions sont parfois discutées, avec en quelques lieux, les refus de plusieurs cloches, appelées à la refonte.

Les années 1730 voient l’existence de collaborations avec Ignatius Stephanus Roelant. En effet, des cloches sont coulées à la Chapelle de Bruxelles. En cette même période, Jullien travaille aussi à Bruxelles, à Saint-Gery. La collaboration avec les Roelant est épisodique. Pour une raison inconnue, ça ne tourne à rien, car plus aucun contrat similaire n’est signé. Quant à la coulée réalisée pour la cathédrale Sainte-Gudule de Bruxelles, les résultats sont parait-il désastreux, à ce point que la cloche est refondue en 1959.

Il forme Georges Du Mery au métier de fondeur. Cet écolage est au minimum daté de 1733 et se situait à Lier (Lierre, sud-est d'Antwerpen).

Il se marie en quatrième noces le 17 Février 1733 avec Maria STOBBAERTS (indiqué avec 2B par André Lehr). Il décède à Lier le 11 Décembre 1734.

Les cloches d'Alexis JULLIEN sont signées : ALEXIUS JULLIEN. D'un point de vue décoratif, ce sont des cloches simples, voire austères. Ces cloches peuvent posséder une estampille, assez compliquée. L'impression de feuilles de sauges peut aussi figurer en pince. En dernier lieu, signalons que le fondeur utilisait de temps à autre une matrice afin d'imprimer une grenouille. C'est assez rare. De voir une grenouille en posture de nage sur une cloche, cela fera dès lors rapidement penser à une cloche d'Alexis Jullien.

Il ne laisse pas derrière lui une carrière monumentale mais comme l’évoque André Lehr, il a fait partie de ces précurseurs qui ont travaillé sur la question du carillon avec beaucoup de cœur. Ce seront ses successeurs qui amèneront l’instrument comme étant un art musical reconnu, notamment en perfectionnant les aspects de justesse sonore.

* JULLIEN Joseph
Frère d'Alexis JULLIEN. Fils de Nicolas II. Il aurait été établi à Champigneulles-en-Bassigny. Des campagnes communes ont été réalisées avec Alexis en Belgique et en Allemagne. La période d'activité est bornée de 1687 à 1724.

En France, il a existé une cloche en 1684, à Rosières-aux-Salines. Fondue avec Nicolas II JULLIEN, il s'agit éventuellement d'une campagne d'écolage. C'est la seule cloche connue en France concernant ce fondeur. En Belgique, il est connu 40 cloches de sonnerie de ces deux fondeurs et 49 cloches de carillons. Entre Joseph et Alexis, les travaux sont indistincts, mais visiblement, Alexis est extrêmemement majoritaire.

* PETIT Alexis & PETIT Henri
Ils sont les ancètres de Petit & Fritsen. Alexis est originaire de Chapigneulles. L'étude les concernant est reportée à l'article (à venir) au sujet de la fonderie royale Petit & Fritsen.


Une cloche Perrin. Photo : Irpa.

* PERRIN Charles
Fondeur originaire de Maisoncelles. Né le 5 ventôse An V (23 février 1797) à Maisoncelles et décédé en même lieu le 15 juin 1849. Fils de Jean-Baptiste PERRIN, aubergiste et/ou charron, Il est le frère de Joseph II PERRIN, avec qui il apprend le métier de fondeur. Beau-frère du fondeur Joseph DROUOT. Le 7 février 1827, il se marie avec Marie-Marguerite BERTRAND et a cinq enfants. Il est notablement connu pour avoir effectué la fonte du gros bourdon de Trier (Trèves) en Allemagne.

Toutefois, il n’exerce le métier de fondeur que durant un temps limité. Dès 1825, il est qualifié de propriétaire, aubergiste en 1835 et cultivateur en 1849. Ses travaux en Belgique sont limités, et ne correspondent qu’à une seule cloche, Florenville en 1821. Il collabore toutefois avec Joseph II PERRIN dans le cadre de quatre coulées.

* PERRIN Joseph I
Fondeur originaire de Doncourt. Aucune activité ne lui est connue en Belgique.


La marque de fondeur de Joseph II Perrin.

* PERRIN Joseph II
Fondeur originaire de Maisoncelles. Né le 23 novembre 1788 à Maisoncelles et décédé en même lieu le 8 décembre 1859. Il est le frère de Charles PERRIN. Il se marie à Huilliécourt avec Thérèse DROUOT le 27 janvier 1813. Dès lors, il devient le gendre du fondeur de cloches très réputé Clément II DROUOT. Beau-frère par alliance de Louis et François LAINVILLE et d’Etienne-Louis-François REGNAUD. Beau-frère de Joseph DROUOT par le mariage de sa sœur Marie avec le précité.

Henry Ronot le localise à Huilliécourt, nous aurions tendance à dire qu’il est basé à Maisoncelles, bien qu’il faille garder à l’esprit que tout est relatif, vu qu’il conserve une forte tradition d’itinérance lors de sa carrière. Il mène des campagnes en France, Belgique, Luxembourg, Allemagne et Pays-Bas. Il mène son apprentissage auprès du fondeur de cloches Clément II DROUOT et lors de cette période, il se domicilie dans le village de Huilliécourt. Dès qu’il acquiert son indépendance, il retourne à Maisoncelles.

Joseph II PERRIN n’a pas fondu un grand nombre de cloches en Belgique. Nous le connaissons surtout du fait qu’il a effectué la formation campanaire de Charles CAUSARD, ce dernier originaire aussi du petit village de Maisoncelles. Il formera aussi son petit frère Charles PERRIN, son fils Honoré PERRIN, son gendre Antoine HEMERY. Par ces activités d’enseignement et vu les répercussions que cela aura en Belgique, à ce titre Joseph II PERRIN peut être considéré comme un fondeur majeur.

Les réalisations qui lui sont connues correspondent à 14 cloches : Riemst (1818), Genoelselderen (1818), Ciney (1818), Fauvillers (1819), Grumelange (1819), Ortho (1821), Villance (1822) Beausaint (1823), Houyet (1823) Etalle (1825), Baillonville (1825), Sainte-Marie sur Semois (1840) et Saint-Mard (1841).

* PERRIN-MARTIN Honoré
Fondeur qui fut basé en tant que fondeur principalement à Robécourt. Né le 23 août 1816 à Huilliécourt et décédé le 17 décembre 1873 à Robécourt. Fils de Joseph II PERRIN. Il effectue son apprentissage campanaire auprès de son père. Ses premières campagnes se situent en Allemagne et en Belgique. Il collabore avec Joseph MICHEL, lequel effectue son apprentissage. Il se marie le 28 janvier 1746 avec Appoline-Eugénie MARTIN ; il transforme son nom en PERRIN-MARTIN à cette occasion.

Dans le courant de l’année 1840, il établit une fonderie à Romain-Sur-Meuse. En 1847, il déplace ces locaux vers Robécourt. En 1873, ladite fonderie est reprise par Ferdinand FARNIER, pour lequel étonnamment, on ne connait aucune cloche en Belgique (ce étant vérifié par son registre de fonte). Par la suite, Honoré PERRIN-MARTIN dirige une fonderie à Colmar, qui sera reprise par Firmin CAUSARD en 1871.

* PERRIN Honoré II, dit PERRIN-ROBINET Honoré
Fils de Charles PERRIN. Il est né le 5 juin 1829 à Maisoncelles et décédé le 18 avril 1896 à Mohon. Il établit tout d'abord une fonderie à Mohon (08, Ardennes), puis à Charleville-Mézières (08). Son estampille est connue comme étant "Perrin-Robinet", du nom de son épouse. Il est l'oncle de Charles MAITROT, avec qui il collaborera régulièrement.

Les réalisations connues en Belgique correspondent à deux cloches, fondues en collaboration avec Charles Maitrot : Martilly (1873) et Pussemange (1873). Il est à considérer comme fondeur mineur en Belgique, bien que ça n’ait pas du tout été le cas en France.

* PERRIN Michel
Il n'existe pas. Il résulte probablement d'une confusion dans de la lecture d'épigraphie, avec un PERRIN + prénom & MICHEL + prénom. Ce non-fondeur est cité car la confusion est un joli piège.


L'acte de mariage de Joseph II Perrin.


* MICHEL

Les fondeurs du nom de MICHEL sont assez mal identifiés du fait que leur patronyme est très répandu. Ils ont fondu nombre de cloches relativement peu élevé si l’on compare aux Causard : 21 cloches. Reste que certainement, nombreuses reconnaissances d’épigraphie attribuent à tort à du Omer MICHAUX (anachronique en plus). De ce fait, il est soupçonné un nombre de cloches plus important.

* MICHEL Joseph
Né le 29 novembre 1804 (le 8 frimaire an XIII) à Rozières et décédé le 30 juin 1855 à Warnant, sous-commune d’Anhée (Belgique). Fils de Henry MICHEL, charpentier, ce qui peut causer certaines confusions orthographiques.

Il est d’abord ciselier, un métier qui était très répandu dans le bourg de Romain (fabrication de couteaux, ciseaux, etc, à vocation professionnelle). Cette activité a disparu à la fin du XXè siècle. Ce n’est qu’assez tardivement, en 1840, qu’il devient saintier. La rencontre avec Honoré PERRIN-MARTIN est déterminante. Durant une période assez longue, au moins jusqu’au moment où Perrin-Martin déménage vers Robécourt (1848), des collaborations ont lieu. Ces voyages ne se déroulent pas en Belgique, mais plutôt dans le nord de la France et la Lorraine. Les collaborations des trois dernières années sont nettement plus éparses.

Il se marie en premières noces le 11 avril 1825 avec Philiberte Fèvre (version du DFIM) (ou confusion possible, Elisabeth Fèvre d’après un double-acte), cette dernière décédée en 1842, puis en secondes noces avec Marie Aubertin. Le mariage a lieu le 20 février 1845. Le lendemain, il quitte définitivement Romain-Sur-Meuse afin de se fixer à Moulins (Annhée), où le baron de Rosée exploite une fonderie. Joseph MICHEL y réalisera des cloches pour le compte du baron. Ce sont des cloches extrêmement ouvragées et d’une qualité d’épigraphie remarquable.

Il a un fils, du nom de Pierre-Henri MICHEL.

Les cloches qui lui sont connues à l’heure actuelle correspondent à : Geel (1844), Scherpenheuvel-Zichem (1845), Etalle (1846), Florenville (2 cloches, 1848), Anderlecht (1850), Mont-Gauthier (1851), Bouge (1853), Mechelen (1854), Hermalle-sous-Huy (1855).

* MICHEL Pierre-Henri
Né le 31 mai 1834 à Romain-Sur-Meuse et décédé le 13 mai 1865 à Warnant, sous-commune d’Anhée (Belgique).

Il ne connaîtra que peu le Bassigny, puisqu’il le quittera à l’âge de 11 ans. Il effectue son apprentissage campanaire auprès de son père. La production des MICHEL est indistincte jusqu’au décès du père. Les cloches seront alors signées du prénom Pierre-Henri. A la suite du décès de son père, Pierre-Henri MICHEL reprend la direction de la fonderie du baron de Rosée. A la mort de Pierre-Henri MICHEL, la fonderie sera reprise par Hippolyte CAUSARD.

Les cloches du fils MICHEL ont une décoration un peu plus sommaire que celles de son père, tout en gardant une grande qualité, aussi bien épigraphique que sonore.

Les cloches qui lui sont connues à l’heure actuelle correspondent à : Lommel (1853), Floreffe-Soye (1856), Maasmechelen-Leut (2 cloches, 1847), Stembert (1859), Cour-Sur-Heure (1860), Sart-Saint-Laurent (2 cloches, 1861), Cherain (1862), Sinaai (1864), Tourinnes-Saint-Lambert (1864).

Bibliographie
-Dictionnaire des facteurs d'instruments de musique en Wallonie, Malou Haine, Nicolas Meeùs.
-Dictionnaire des fondeurs de cloches du Bassigny, Henry Ronot.
-Base de données de l'IRPA reprenant le fonds De Beer.
-Centre généalogique de la Haute-Marne.
-Joseph Berthelé, Mélanges, Campanographie ancienne et moderne. 1906. Belgique et Prusse rhénane.
-Maurice Thouvenin, relevés généalogiques sur les fondeurs du Bassigny. Edité au profit des chercheurs.
-André Lehr, Alexius Jullien, Lotharings klokkengieter te Weert en Lier.
-Roger Douche, Généalogie des fondeurs de cloches de Robécourt.

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