DELCOURT, DELECOURT
Les Delcourt sont des fondeurs de cloches médiévaux. Leur nom est aussi bien orthographié Delcourt, Delecourt ou De Le Court. Il n'y a pas spécifiquement d'orthographe prédominante. Ce sont des fondeurs d'origine française, bien que les chahutées frontières de l'époque n'aient rien à voir avec celles d'aujourd'hui. Le nom comporte les fondeurs : Nicolas Delecourt, Jean Delecourt, Florent Delecourt. Les liens de parenté ne sont pas forcément tous établis. Jean et Florent sont frères, c'est tout ce que nous savons. Il ne serait pas plus étonnant que ça que Nicolas soit le père, mais ce n'est pas prouvé.
Leur établissement semble se situer aux alentours de Douai en France. Ils ne sont donc en principe pas originaires du Bassigny lorrain. Leur activité les amène à avoir une assez forte itinérance. Ils s'établiront aussi bien en Wallonie qu'en Flandre. Sous les Pays-Bas des Habsbourg (1482-1549) et les Pays-Bas espagnols (1549-1713), ces délimitations n'avaient aucun sens. Ainsi, ils passèrent de l'Artois au Comté de Flandre sans rencontrer le moindre souci, ou tout du moins, nous le supposons.
** DELECOURT Nicolas
Connu comme fondeur entre 1549 et 1553. Sa carrière fut probablement
plus étendue, mais nous n'en gardons aucune trace. Il est fils
de Jehan De Le Court, né en 1523 à Cambrai. Il
déclare être né à Cambrai dans un acte pour
lequel nous n'avons pas de référence, et en déclare
de même sur la cloche Aubéron. Par la suite, il est établi
qu'il travaillait à Douai. Actif en France à : Douai (1549),il
ne lui est connu aucune autre réalisation.
Nicolas De Le Court est reçu bourgeois de Douai le 8 novembre 1549. Il était un maître fondeur de cloches, comme nous l'apprend cet acte de la ville de Douai : A maistre Nicolas Delecourt, fondeur de cloches demeurant en ladite ville de Douay ... avoir fait et fondu 9 appeaulx de metal pour servir d'orloge du beffroi d'icelle ville, pesans les 8 appeaulx au nombre de 2811 Libvres et pour ung petit appeau qu'il a refondu pesant 681 Libvres, la somme de 702 (... suite illisible).
Il nous est connu en Belgique uniquement à Mons, où il réalise le bourdon "Aubéron" en 1553. Il travaille aussi sur le sujet de la cloche de la porte, au sein de la même ville (en réalité le même lieu car le beffroi était à cette époque fortifié). Toutefois, nous ignorons la date de cette fonte.
La cloche Aubéron nous est partiellement connue. Elle possédait l'inscription suivante : Je suis Auberon, lequel pour mes exploits ferai entendre heure, feu, effroids, de par Nicolas Delecourt, né de Cambray, sert à chacun mon son horrible, aussi ferai ouïr, quand, jusques au sang, crime on voudra punir, suis faite en mars à dire Cour, en lan 1551. On y voyait les armes de Charles V, de la maison dEpinoy, des États et de la Ville.
** DELECOURT Jean
Connu comme fondeur entre 1596 et 1628. En 1609, il signe un contrat
afin de fondre pour la collégiale Saint-Germain de Mons. C'était
un édifice contigü à Sainte-Waudru, aujourd'hui démoli.
Il s'agissait d'une réalisation de carillon. Il le coula au sein
de son établissement de Douai, ce qui signifie que ce fondeur
n'était pas tout à fait itinérant. Il pouvait se
sédentariser lors de plus grosses commandes.
En 1599, il réalise une cloche à Leernes (Fontaine l'Evêque).
Actif en France à : Béthune (1596), Béthune (1598), Valenciennes (1626), Floyon (1628).
La cloche de Valenciennes nous est intéressante par sa dédicace : Nous avons este fait pour l'orloge de Valenciennes par moi Jean Delecourt et ses fils 1626. Cela signifie que deux, au minimum, de ses fils étaient actifs en tant que fondeur.
On lit encore, dans Bibliothèque de l'école des chartes, année 1843, volume 4, pp. 395-400, la description suivante : Deux cloches portent le millésime de 1597, et ont pour marque distinctive cygne valenciennois. La septième présente le même emblème et l'inscription suivante : Nous avons été fait pour l'orloge de Valenciennes, par Jean Delcourt et ses fils, en 1626. Il n'y a pas de date apparente sur la huitième et dernière cloche, mais elle est entourée d'ornements parmi lesquels on distingue des fleurs de lys, une madone, un saint Michel à cheval et des armoiries flanquées de deux bâtons en croix de Saint-André.
La description est nettement plus floue (dédicace approximative), mais nous apprend quelle était la décoration.
** DELECOURT Florent
Connu comme fondeur entre 1612 et 1643. En 1604, il serait déjà
connu comme maître fondeur de cloches, c'est en tout cas un terme
qui lui est affublé.
En 1634, il fond un carillon de 19 cloches destiné à Courtrai (Kortrijk). En 1636, il fond un carillon de 25 cloches destiné à Gand (Gent), Sint-Baafskathedraal. En 1643, il fond un carillon de 25 cloches destiné à Sainte-Gertrude de Nivelles. Hormis ces commandes, on ne sait quasiment rien de lui. Actif en France à : Marpent (1629), Solre-le-Château (1612).
Au sujet de Gand (Gent), une courte mention existe dans Les églises de Gand, volume 1, par Philippe-Augustin-Chrétien Kervyn de Volkaersbeke : Aujourd'hui Saint Bavon possède cinq cloches. Le gros bourdon appelé Bavon est bien certainement un des plus beaux de la Belgique. Il existe dans les archives de la cathédrale un acte passé le 19 novembre 1635 entre les dignitaires du chapitre et le fondeur Florent Delcourt de Douai, acte par lequel celui ci s'engage à couler deux nouvelles cloches. L'une devait peser jusqu'à 9500 livres et l'autre 6400 livres, la première répondant au ton de UT et la seconde au ton de RÉ. Le gros bourdon, décoré des armoiries de l'évêque Triest et de celles du chapitre, porte l'inscription suivante : BAVO. VOCOR MEOVE CUM TOTO HOC CAMPANARU CONCENTU QUAE INSIGNIBU EPALIBUS ET CAPLARIB, PARITER ADORNAMUR AERE PROPRIO FUNDI FIERIQUE CURARUNT ET PERIL : Rdus D. ANTONI TRIEST EPUS GAND.
On y lit donc que cette cloche fut payée sur les fonds d'une donation faite à cette église par l'évèque Antoine Triest et son chapitre.
Une cloche de Florent Delecourt est connue au musée du Vieux Cimetière à Soignies. Elle date de 1618, ce qui nous fait soupçonner une activité assez précoce le concernant, en tout cas plus précoce que celle citée par le DFIM. En France, il est connu comme ayant fondu en 1612 à Solre-le-Château.
La cloche de Solre possède la dédicace suivante : Isabelle, cest son nom, en perfection belle. Ma voix sonnera toujours en faveur delle. Nous avons été fait par Florent Delcourt demeurant à Douai en lan 1612. Albert et Isabelle Clara Eugénie, infante dEspagne, archiduc dAutriche, duc de Bourgogne. Comte de Flandre et de Hainaut en lhonneur de Dieu, par oeuvre de charité et en faveur de Mr Philippe de Cröy, comte de Solre, chevalier de la toison dor, Grand écuyer qui ont donné trois mille florins ou aumone pour réédifier léglise, dudit Solre, brûlée par fortune de feux, advenu le X mai 1611.
Il est intéressant de constater que de nombreux traits font état de la situation politique de l'époque. Là encore, il est fait mention que Florent Delcourt était établi à Douai.
Un acte de juridiction passé à Douai nous apprend que Florent et Jean sont frères. L'acte porte ce titre : 1 G 236. Juridiction. Douai. Actes passés devant l'échevinage et le tabellionnage (1603-1626). Pièces 1460 à 1467. Pièces concernant la famille des frères Jean et Florent Delecourt, fondeurs de cloches à Douai, Grande rue Notre-Dame, à l'enseigne de la Cloche d'Or. Il pourrait s'agir de l'actuelle avenue Roger Salengro (anciennement Faubourg Notre-Dame).
Conclusion
Les seules cloches qu'il est encore possible de voir de ces fondeurs se situent à Gand (Gent), sont au nombre de deux, et sont remarquables, ainsi que celle de Soignies au musée du Vieux Cimetière.
Bibliographie
- Dictionnaire
des facteurs d'instruments de musique en Wallonie, Malou Haine, Nicolas
Meeùs.
- Archives départementales du Nord, Anne-Marie Pietresson de
Saint-Aubin, Série G, Tome 1, 1G, 2G, 6 G à 22G, fascicule
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