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Les Van Aerschodt, fondeurs de cloches


(Une biographie de ALJ, Séverin et Félix Van Aerschodt)


Une cloche Van Aerschodt. Photo : Irpa.

Cette page est une biographie des fondeurs de cloches du nom de Van Aerschodt. Cette petite dynastie comporte André-Louis-Jean Van Aerschodt (dit ALJ), Alphonse Van Aerschodt, Dominique Van Aerschodt, Séverin Van Aerschodt et Félix Van Aerschodt. Les Van Aerschodt ont toujours affirmé provenir de la très vaste dynastie de fondeurs du nom de Vanden Gheyn. Cette affirmation est exacte. Cette lignée comporte les plus importants fondeurs de Belgique.

La base structurante de cet article repose sur les textes de Paul-Félix Vernimmen, vu que peu (voire pas) de personnes ont effectué des recherches au sujet des Van Aerschodt. Qu'il en soit ici remercié.

Introduction
Avant d'évoquer la personnalité des Van Aerschodt, il est nécessaire de parler d'André-Louis Vanden Gheyn (1727-1790). Ce fondeur de cloches, dernier du nom de Vanden Gheyn (en matière campanaire) se marie avec Marie-Isabelle Rochet. De leur union naquit Anne-Maximilienne Vanden Gheyn .

Leur fille épouse Thomas Van Aerschodt, non fondeur de cloches. De leur union naquit André-Louis-Jean Van Aerschodt, en 1814, et Séverin-Guillaume Van Aerschodt, en 1819 ; de nombreux frères et sœurs seront non fondeurs.

Afin de s'y retrouver, les biographies de cette étude abordent les personnalités suivantes :
* André-Louis-Jean Van Aerschodt.
* Séverin Van Aerschodt, frère de André-Louis-Jean.
* André-Louis-Charles Van Aerschodt, fils de André-Louis-Jean. [Uniquement citation].
* Alphonse Van Aerschodt, fils de Séverin. [Uniquement citation].
* Félix Van Aerschodt, fils de Séverin.
* Dominique Van Aerschodt, frère de André-Louis-Jean et Séverin. [Uniquement citation].


L'exposition statuaire d'Alphonse Van Aerschodt, rue Royale 43 à Bruxelles.


Andreas Van Aerschodt. Collection P.F. Vernimmen.

André-Louis-Jean Van Aerschodt
Né le 3 juin 1814 à Leuven (Louvain) et décédé le 13 juin 1888 en même lieu.

Sur les cloches, il est nommé Andreas Van Aerschodt, ou Andreas Ludovicus Van Aerschodt, ou plus souvent ALJ Van Aerschodt. Nous privilégions systématiquement la notation ALJ Van Aerschodt, car cela simplifie. A ne pas confondre avec Andreas-Lodewijk Vanden Gheyn, son grand-père.

André-Louis Vanden Gheyn, son grand-père, s'occupe de son écolage. Cette période correspond assez certainement à 4 ans, de 1829 à 1833. Elle s'interrompt à la suite du décès d'André-Louis Vanden Gheyn, en 1833.

Durant cette période et même au-delà, les cloches seront signées avec des mentions pouvant porter à confusion : ALJ VAN AERSCHODT Vanden Gheyn, ou similaires. ALJ Van Aerschodt utilise le nom de Vanden Gheyn afin de profiter de la réputation de ses ancêtres. Entre 1829 et 1833, les travaux sont conjoints. De ce fait, il est impossible de distinguer qui fait quoi : maître ou élève. De 1833 à 1839 par contre, aucun doute ne persiste.

A l'issue du décès de son grand-père, ALJ Van Aerschodt s'installe à son compte. Il installe la fonderie au numéro 206 Tiensestraat à Leuven (Louvain). Il ne reste rien de reconnaissable de ce lieu à ce jour.

Les locaux sont probablement exigus ou inadaptés, car l'installation ne dure guère. Quatre ans plus tard, ALJ Van Aerschodt déplace la fonderie au numéro 125 Namsestraat à Leuven (Louvain). Il ne reste non plus rien de reconnaissable de ce lieu à ce jour. Ces deux installations sont à quelques pas l'une de l'autre.

Si la production d'avant 1843 était déjà importante, celle d'après sera intense.

Il réalise quasiment uniquement des cloches d'appel. On ne lui voit qu'une faible activité en matière de carillon, de campaniste et à ce titre aucune en matière de sculpteur. Ses carillons sont Namur, Herentals et Aalst. Ses cloches, extrêmement nombreuses, sont d'une exécution parfaite. Elles possèdent une épigraphie très riche, le plus souvent d'une inspiration néo-gothique.

Le mystère de la lettre J pourrait être celui qui entoure ALJ Van Aerschodt. En effet, les dates de ses cloches sont systématiquement données sous la forme ANNO J836, J841, etc. Cela pourrait quasiment servir de reconnaissance, car très peu de fondeurs ont fait appel à ce lettrage. D'après Philippe Slégers, interrogé sur la question, cela signifie Junior. Il dit aussi que cette annotation peut servir en outre à différencier deux fondeurs de même nom, dont l'un est junior et l'autre sénior. Nous ne connaissons que Marcel Michiels JR pour avoir sporadiquement utilisé cette notation. En notre mystère concernant ALJ, cela aurait-il servi à distinguer André-Louis Vanden Gheyn d'André-Louis-Jean Van Aerschodt ? Nous ne le savons pas.

ALJ Van Aerschodt aura un fils : André-Louis-Charles Van Aerschodt. Ce dernier ne sera pas réellement fondeur. Père et fils collaborent ensemble de 1878 à 1888, épisodiquement. Les cloches seront parfois signées ALJ VAN AERSCHODT & FILIUS CAROLUS. A la suite du décès de son père, ALC Van Aerschodt ne poursuivra pas l'activité. Peu de cloches de cette collaboration existent encore. On les appelle des "Carolus" en jargon campanaire. Elles sont signées ALJ Van Aerschodt, mais possèdent une épigraphie grossière, proche des Beullens. Longtemps cela a posé question. Comment un fondeur de réputation comme ALJ Van Aerschodt pouvait régresser vers une qualité aussi médiocre, alors qu'il était en fin de carrière ? La réponse est là...

ALJ Van Aerschodt décède en 1888.


Entête de courrier de Severin Van Aerschodt.


Séverin Van Aerschodt. Collection P.F. Vernimmen.

Séverin Van Aerschodt
Né en 1819 et décédé en 1885.
De son véritable prénom Séverin-Guillaume Van Aerschodt, frère de André-Louis-Jean Van Aerschodt, fils de Thomas Van Aerschodt. Il signe Severinus Van Aerschodt sur ses cloches.

La personnalité de Séverin est un peu moins mystérieuse que celle de son frère ALJ.

Il ne suit pas d'écolage chez son grand-père Andreas-Lodewijk Vanden Gheyn . En effet, ce dernier décède en 1833, Séverin n'a alors que 14 ans. Séverin suivra des cours à l'académie des beaux arts de Louvain, puis auprès du sculpteur Antoine Etex à Paris. Cela donnera à Séverin une culture campanaire assez différente de celle de son grand-frère ALJ. Séverin est en effet pluridisciplinaire. Il aborde à de nombreuses reprises la question du carillon, de la musicalité et des montages campanaires.

A œil averti, il est possible de distinguer une cloche ALJ d'une cloche de Séverin. Les cloches de Séverin sont (peut-être) plus austères, bien que d'une grande qualité d'épigraphie. Il est par contre plus difficile de distinguer, stylistiquement parlant, des Félix Van Aerschodt - si ce n'est que les dates aident, bien évidemment. Les anses de Séverin sont très souvent à godrons. On retrouve aussi régulièrement une fine frise de croisillons. Ces deux éléments peuvent aider à la reconnaissance.

En 1848, lors de la seconde révolution française, Séverin quitte la France, il revient à Louvain.

Ses premières années d'activité professionnelle le verront assez investi dans les sculptures, que ce soit en France ou en Belgique. Il se marie avec Marie Beullens le 19 juillet 1865 et a (au moins) trois enfants : Alphonse Van Aerschodt en 1869, Félix Van Aerschodt en 1870, José Van Aerschodt en 1875. Alphonse sera fondeur sur une courte période, puis s'installera avec un très vif succès dans l'artisanat d'art de la lampe et de l'éclairage. Ces travaux seront menés en collaboration avec José Van Aerschodt.

Séverin, collaborant avec son frère ALJ (qui vu le volume de commandes a probablement besoin d'aide), s'investit dans le domaine campanaire. Il ne quittera plus ce domaine. C'est à cette issue - probablement - qu'il décide de se fixer définitivement en Belgique. Il établit un bâtiment de fonderie Koning Leopold I-straat à Leuven. Le numéro des locaux ne nous est pas connu. Par contre, le bâtiment touche la rue de la Station et sur son entête de papier à lettres, il s'agit du numéro 18 bis. Nous n'identifions pas la rue de la Station. Ce serait éventuellement Bondgenotenlaan. Ces locaux ont été démolis à la demande de Marie Beullens, veuve de Séverin Van Aerschodt en 1885, et remplacés par de beaux immeubles d'habitation. Ces immeubles semblent encore exister à ce jour.

La fonderie possède un four réverbère d'une capacité de 7 tonnes, allié à un deuxième four de 3 tonnes. On est donc dans du lourd. Il est en effet connu un certain nombre de bourdons sortant des ateliers (dont Liège, 8190 kilogrammes). Quant à lister le nombre de carillons qui sortent de la fonderie, on est dans le considérable. Voir à ce titre le fichier RECIB. Durant cette période (aux alentours de 1880), un ouvrier s'occupe de l'écolage de Constant Sergeys. Il s'agit de Dominique Van Aerschodt (né en 1822), frère de Séverin et ALJ.

L'activité intense n'est pas sans nuisances. Paul-Félix Vernimmen cite l'extrait suivant, provenant d'une plainte du voisinage : Dans les dernières années, les coulées ont été hebdomadaires et quelquefois bi-hebdomadaires. Chaque fois que les fours fonctionnent, une pluie de cendres et de suie couvrent leurs propriétés dont les fenêtres doivent rester hermétiquement closes. Les cheminées laissent échapper des colonnes de flammes, qui s'élèvent à plusieurs mètres de hauteur et constituent un réel danger pour les populations. Notons que ce type de plainte ne vise pas seulement les Van Aerschodt. Nombreuses furent les plaintes de la sorte, concernant les risques d'incendies (surtout dans les périodes médiévales), les fumées, les cendres, etc. Certains fondeurs ont même été contraints de déplacer leurs locaux (notamment à Anvers et à Malines).

Séverin Van Aerschodt se forge une réputation très considérable. Au contraire de son grand-frère, il va vers l'international, ce qui implique déplacements et exportations. A signaler, aucune cloche Van Aerschodt ne semble exister en France. Durant cette période, il s'occupe de l'écolage de Marcel Michiels Senior, qu'il prend comme apprenti à la fonderie.

Séverin Van Aerschodt décède en 1885. La fonderie comporte en 1896, d'après Paul-Félix Vernimmen, 3 contremaîtres et 18 ouvriers. Ceux-ci seront probablement transférés vers la fonderie de Félix Van Aerschodt en 1898, bien que nous n'en ayons trace.


Entête de courrier de Félix Van Aerschodt avant la première guerre mondiale.


Félix Van Aerschodt. Collection P.F. Vernimmen.

Félix Van Aerschodt
Né le 4 novembre 1870 à Louvain et décédé le 23 juin 1943 à Veltem (Herent). Fils de Séverin Van Aerschodt.

La période allant de 1885 à 1888 marque de très grands bouleversements au sein de la lignée Van Aerschodt. ALJ et Séverin décèdent. En 1885 lors du décès de Séverin, Félix n'a que 14-15 ans. Il est trop tôt pour reprendre la destinée de la fonderie. Le joséphite Félicien Bachmann se chargera de la période d'intérim, la société temporaire s'appelle alors "Fonderie Séverin Van Aerschodt". [Les Joséphites constituent une Congrégation religieuse catholique vouée à l'éducation des jeunes].

C'est à 16 ans que les activités campanaires de Félix Van Aerschodt débutent, si ce n'est qu'officiellement, sa fonderie est fondée en 1898. Il y a donc toute une période d'incertitudes. En son jeune âge, Félix Van Aerschodt reçoit une formation artistique ressemblant à celle de son père, notamment en matière de sculptures. Son écolage se situe auprès du sculpteur en bronzes Jozef Lambeaux, dit Jef Lambeaux. Cette période d'écolage influencera fortement sa carrière. En effet, Félix Van Aerschodt ne se contente pas du campanaire. Il créée un empire, qui va de la statuaire à la gestion de diverses entreprises aux fonctions variées. Outre les très nombreuses cloches d'appel, c'est sans citer les carillons, l'activité de campaniste, etc.

Il fait fermer la fonderie du 125 Namsestraat, les locaux étant devenus éventuellement inadéquats pour cause d'ancienneté et d'usure, nous ne connaissons pas la cause mais pouvons l'imaginer. Il fait rapatrier une part du matériel à la fonderie de Koning Leopold I-straat.

Les lieux sont les témoins d'une énorme effervescence culturelle et artistique. Des parts sont prises dans l'atelier d'art d'Alphonse et José Van Aerschodt. Jef Denyn devient conseiller technique, conseiller campaniste, et proche de la fonderie.

La situation se détériore gravement avec l'arrivée de la première guerre mondiale. Félix est fait prisonnier par les Allemands. Leuven (Louvain) subit des dégâts énormes, la ville est ravagée. La fonderie de Koning Leopold I-straat est détruite. Libéré à Anvers, Félix s'expatrie temporairement en Angleterre, où on lui confie des missions liées à la fabrication d'armement.

Après la première guerre mondiale, la situation est celle d'un désastre. La fonderie ayant été mise à sac, les différentes pièces nécessaires à la fabrication des cloches sont disparues. Cela concerne aussi (et quelle perte) l'ensemble des matrices en buis historiques (500 matrices auraient disparu), les planches à trousser, etc. Tous les calculs doivent être refaits.

La fonderie est reconstruite au même lieu en 1920. En cette période, un papier à entête nous apprend que cela se situe aux numéros 33-35 de ladite rue. Il ne reste rien de reconnaissable de ce lieu à ce jour. Il achète du matériel auprès de Camille Bollée au Mans. Les activités seront intenses à partir de 1921, essentiellement liées à la reconstruction suite à la guerre. Durant cette période, il s'occupe de l'écolage de Marcel Michiels Junior. Cette activité se verra malheureusement à nouveau touchée par la crise, dès 1928-1929.

Diverses collaborations ont lieu. Elles impliquent de près ou de loin Marcel Michiels, Omer Michaux, Alfons Beullens (beau-frère de Félix) et Constant Sergeys. Plus solidement, des collaborations ont lieu avec Marcel Michiels Junior. Toutefois, cela se désagrègera en 1931. En effet, divers éléments sont polémiques, dont un principalement. Marcel Michiels Junior s'est prétendu descendant des Vanden Gheyn Van Aerschodt aux Etats-Unis. En effet d'après Paul-Félix Vernimmen, l'Organiste 84/1 : Mon grand-père maternel, le fondeur Félix Van Aerschodt, et Monsieur Marcel Michiels Jr, s'étaient définitivement brouillés dès 1932, notamment parce que ce dernier s'était présenté aux États-Unis comme le successeur de l'ancienne fonderie Van Aerschodt (...). En 1937, les affaires se gâtent encore plus pour Michiels Jr et Michaux, notamment avec la virulente polémique du carillon d'Alfred University.

En 1929, Félix Van Aerschodt transfère ses ateliers au numéro 78 Diestsevest à Leuven. Il ne reste absolument rien de reconnaissable de ce lieu à ce jour. Ses travaux sont multiples et de très grande qualité. A noter que Beullens est installé au 38 Diestsevest.

Du point de vue stylistique, les évènements de la première guerre mondiale vont le forcer à recréer des matrices. Il restera proche de ses ancêtres d'un point de vus stylistique : décoration néo-gothique, figures baroques. Les cloches possèdent une profusion d'ornements de grande qualité. Une différence peut-être : les dédicaces sont en lettres romaines, tandis que celles de ses ancêtres seraient plutôt - mais pas systématiquement - dans une textura quadrata assez lisible (disons pour simplifier, du gothique).

Il décède à Veltem (Herent), dans sa maison de retraite, le 23 juin 1943, alors que la guerre ravage la Belgique.


Entête de courrier de Félix Van Aerschodt après la première guerre mondiale.

Félix Van Aerschodt
La fonderie de Félix Van Aerschodt.
Image tirée du livre 'Zingend brons', de Luc Rombouts.

***
En RECIB, il est connu 1481 cloches des Van Aerschodt, sous réserve d'inventaires complémentaires.
C'est dire comme ils peuvent être des fondeurs majeurs.

Bibliographie
- Dictionnaire des facteurs d'instruments de musique en Wallonie, Malou Haine, Nicolas Meeùs.
- L'Organiste, n°82/4. Paul-Félix Vernimmen, les Van Aerschodt, fondeurs de cloches à Louvain.
- L'Organiste, n°84/1. Paul-Félix Vernimmen, encart au sujet de M. Marcel Michiels JR.

- Stad met Klank. Vijf eeuwen klokken en klokkengieters te Leuven.
- André Lehr, Register van klokkengieters.