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Les Waghevens, fondeurs de cloches


Une cloche Medardus Waghevens. Photo : Irpa.

WAGHEVENS
Les fondeurs du nom de Waghevens furent des ouvriers de très grande réputation. Moins connus et moins emblématiques que les Van Den Gheyn, ils produisirent pour des périodes comparables des travaux de très grande qualité. Ils furent basés à Mechelen (Malines). L'activité campanaire des Waghevens s'étend sur une période large : de 1462 à 1574.

La dynastie comporte : Henri Waghevens, Simon Waghevens, Pierre Waghevens, Georges I Waghevens, Gilles Waghevens, Georges II Waghevens, Jean Waghevens, Jacques Waghevens, Corneille Waghevens, Médard Waghevens. Nous estimons que tous ces noms sont des adaptations de noms qui en réalité étaient néerlandophones. Nous pensons que les bonnes orthographes sont respectivement : Henricus Waghevens, Simon Waghevens, Peter Waghevens, Georgius I Waghevens, Gieles Waghevens, Georgius II Waghevens, Jan Waghevens, Jacob Waghevens, Cornelis Waghevens, Medardus Waghevens. La lignée est assez facile à analyser du fait qu’il existe peu de confusions sur des prénoms identiques. Les variations orthographiques connues sont Whaghevens, Waghevents, Whagemans, Waeghevens, Wagevens.

WAGHEVENS Henricus
Serait né entre 1420 et 1425 et décédé en 1483. Floruit 1462-1481. Il peut être nommé de temps à autre Magister Henrikus. Il serait le fondateur de la fonderie Waghevens. Il est premier fondeur du nom à nous être connu. L’information comme quoi il est le fondateur est à mettre au conditionnel, dans le sens où des Waghevens nous sont déjà connus à Mechelen en 1383. Sans nul doute étaient-ils fondeurs. Mais en ces temps reculés, quels étaient les travaux ? c’était probablement relativement limité. Quoi qu’il en soit, les Waghevens ont très rapidement bénéficié d’une situation sociale aisée, vu le nombre de biens immobiliers dont ils font l’acquisition. Ils sont souvent nommés comme jurés.

Il s’installe tout d’abord à Nonnenstraat, à Mechelen. Dès 1465, il quitte ce bien immobilier afin de s’installer à la porte des Vaches, ce que nous ne localisons pas. Les textes anciens précisent encore que cela se trouve près des remparts, il s’agissait d’une propriété assez vaste, dont Henricus devient acquéreur en 1470.

En premières noces avec Marguerite Machiels, à une date antérieure à 1470, il a quatre enfants : Simon, Henricus, Jan et Amelberge. De ce mariage, seul Simon sera fondeur de cloches. Les textes laissent à penser que Simon est majeur en 1470, tandis que les trois autres sont encore mineurs. Le 1er avril 1470, Henricus se trouve en seconde noces avec Marguerite Van Belle. Deux enfants naissent de cette union : Georgius et Peter. Ils sont initiés au métier de saintier. Henricus décède visiblement dans l’année 1483, vu les actes de succession existants à cette date.

Ses cloches sont des travaux de grande qualité. Les épigraphies sont consciencieuses. A noter que, comme dans bien des cloches Waghevens, le décor n’occupe que le cerveau. Les robes sont laissées vierges. Cela en donne des cloches assez austères. De ces cloches se trouvent aux Pays-Bas et en Allemagne.

WAGHEVENS Simon
Serait né aux alentours de 1448, décédé en 1538. Fils de Henricus Waghevens. Floruit 1483-1526. Il peut être nommé parfois Meester Simon.

En 1485, il acquiert une maison à Sint-Katelijnestraat, elle était nommée 't Bylken. C’était en cette époque un nom commun afin de désigner une taverne. En 1492, il étend sa propriété en devenant acquéreur d’une maison contigüe, appelée 't Reepken. En 1501, il modifie encore ses propriétés, en élargissant le domaine vers Heembeemd. Cela se situe toujours au nord-ouest de Mechelen intra-muros. Une partie de ses bâtiments est revendue en 1502. Cela témoigne d’une certaine effervescence et d’une volonté d’adapter les ateliers à la production. De tous ces bâtiments, il ne reste plus aucune trace aujourd’hui.

Il se marie avec Elisabeth Neels à une date qui ne nous est pas connue, de date antérieure ou égale à 1497. De cette union, il a une fille unique : Cathelijne. En 1512, Simon Waghevens vend la fonderie à son frère Georgius I. Il continue dès lors son activité de manière itinérante. Les motivations ne nous sont pas connues. Tout du moins savons-nous que Simon ne possède pas de successeur masculin. Les activités campanaires sont connues jusqu’en 1521 à Brugge. Après, sa trace est perdue. Il décède en 1538. La date est connue vu les type de paiements effectués à son compte, un à lui-même, un autre à sa veuve.

Il fut un fondeur assez prolixe, mais sa production nous est mal connue. En effet, la plupart de ses cloches sont disparues à ce jour. Ce fondeur de la lignée Waghevens est réputé avoir été le meilleur de tous d’un point de vue qualitatif.

WAGHEVENS Peter
Né nécessairement après 1470, du second mariage de Henricus Waghevens et donc fils de Henricus Waghevens. Il n’était pas majeur en 1483, vu les actes rédigés lors du décès de son père. Par contre, en 1494, il est nécessairement majeur puisqu’il fait l’acquisition d’un bien immobilier, Hanswijkstraat. Il quitte le nord de Mechelen afin de s’installer tout à fait au sud près de la Dyle, dans un quartier où bien d’autres fondeurs sont implantés, dont Jan I Van Den Eynde et Jan Zeelstman. Tout ça est très lié puisque nous lui connaissons un mariage avec Cecile Jancoppens, qui est la sœur de Jan I Van Den Eynde. En réalité, nous pensons qu’il s’installe surtout comme ouvrier au sein de la fonderie Van Den Eynde en 1494, car en 1505, on voit notre Peter Waghevens acquérir lesdits locaux, après le décès de son patron. Son activité campanaire est très prolixe durant les premières années d’installation. En 1526, il est nommé juré de la corporation des forgerons.

De son union avec Cecile Jancoppens, ou Cecile Van Den Eynde, naissent de nombreux enfants. Nous connaissons : Marguerite (Margriet), Barbe (Barbara), Jacques (Jacob), Corneille (Cornelis), Claire (Clara), Georges (Georgius), Catherine (Cathelijn ou Katelijn). Au sein de cette lignée, Jacob, Georgius et Cornelis furent fondeur de cloches.

Floruit 1499 à 15. Ses travaux sont reconnus comme étant de très bonne qualité. Les cloches sont très austères, avec le plus souvent pour décoration une seule ligne de dédicace en quadrata au cerveau. Les formes sont épurées. Aussi, bien que l’expression ne soit pas totalement adaptée, les profils sont antiques. C’est-à-dire que les profils utilisés sont franchement anciens pour un début 16ème siècle (c’est pour ainsi dire quasiment un pain de sucre). Cela renforce indéniablement le sentiment d’austérité qui se dégage de ces formes. En quelques cloches toutefois figurent de beaux blasons.

Il décède en 1537, avant le 11 avril, vu les actes de succession existants.

WAGHEVENS Georgius I
Né après 1470, décédé avant 1524. Fils de Henricus Waghevens. Il est né tout comme Peter après 1470, du second mariage de Henricus Waghevens. Plus jeune que Simon, il ne s’installe pas dans la fonderie de Simon dans les années qui ensuivirent le départ de ce dernier. De ce fait, Georgius I devait être encore relativement jeune en 1485. Floruit 1497-1524.

Les premières mentions de Georgius en tant que fondeur datent de 1497, où il fond des mortiers et des instruments campanaires tels que des battants ou des marteaux. La première cloche qu’on lui connait date de 1511. Nous savons de même qu’il reprend la fonderie nommée ‘t Bilken en 1512. Elle appartenait auparavant à Simon Waghevens, comme évoqué. Vu la prospérité de ses affaires campanaires, il se réalise alors exactement les même actions immobilières qu’avec Simon Waghevens. En 1514, les locaux qui étaient appelés ‘t Reepken sont rachetés à nouveau. En 1517 et 1518, les acquisitions continuent bon train, puisqu’à nouveau, des propriétés sont achetées ay Heembemd. Le nord de Mechelen devient un véritable fief Waghevens. Le n°100 Sint-Katelijnestraat est assez interpelant. Ce bâtiment ancien porterait-il encore quelques traces de cette fonderie du passé ? Si le bas de l’habitation est ravagé (ancienne pizzeria), le haut pose franchement question, surtout au vu des chaînages.

Il se marie à la fin du 15ème siècle, mais à date inconnue, avec Claire Van Wilre. De cette union, il eut 6 enfants : Peter, Henricus, Jos, Medardus et Jan. Les deux derniers, Medardus et Jan, seront fondeurs de cloches. Claire Van Wilre décède avant le 14 mai 1511. Georgius I se marie en seconde noces en 1512 avec Elisabeth Van Mechelen. De cette union nait Cathelijn en 1520. Nous pouvons supposer que le nom Van Mechelen est un surnom. Cette personne s’appelle probablement Elisabeth Wouters. Il décède avant le 20 décembre 1524.

Sa production campanaire est assez grande en quantité. Il se distingue de ses prédécesseurs par des cloches gothiques fort soignées, possédant une décoration envahissante. Certaines cloches sont fameusement armoriées, presque toute la hauteur de la panse. Ses travaux sont plutôt réputés. Travaillant partiellement en itinérance, il se distingue aussi des autres par le fait de ses déplacements à l’étranger. On retrouve de ses cloches aux Pays-Bas, Allemagne, Italie et Danemark. Une qualité indéniable est l’abandon progressif du pain de sucre, afin d’aller vers le beau profil gothique. Un fait assez amusant, un nombre non négligeable de ses cloches possède une figure de Saint-Georges, faisant immanquablement référence à son prénom.

WAGHEVENS Gieles
Fondeur de cloches du nom de Waghevens et dont la filiation nous est inconnue. Fl 1514. Mentionné dans un acte de Mechelen à ladite date, au sujet de la livraison d’une cloche de 754 livres. Il serait envisageable de penser qu’il s’agit d’une erreur de lecture. En effet, nous ignorons tout d’un tel fondeur, ce qui peut paraitre un peu étonnant vu la profusion de documentation concernant les autres fondeurs du nom.

WAGHEVENS Georgius II
Fils de Peter Waghevens et de Cecile Van Den Eynde. A distinguer de son homonyme et oncle Georges I Waghevens. Il nait à la fin du 15ème siècle, sans que la date ne nous soit connue. Cette date doit tout de même être assez précoce considérant qu’il est veuf de Dorothée Van Haeght (Doortje Van Haacht). De cette union, il eut un fils, Michel.

Très peu connu au sein du Recib, seulement deux cloches en 1527 à destination de Diest, il apparait être en premier lieu un assistant de Peter Waghevens. Plus tard, qualifié de Meester Georgius, il travaille en indépendance, mais les commandes sont visiblement peu nombreuses. Il décède en 1529.


De Gulden Cop. Photo : Karel Somers.

WAGHEVENS Medardus
Fils de Georgius I Waghevens et de Claire Van Wilre. Il serait né entre 1490 et 1495. Floruit 1515-1557. Nous lui soupçonnons une activité campanaire riche, en itinérance, avant 1524. C’est à cette date que nous commençons à mieux visualiser son parcours, étant donné qu’il reprend la fonderie au décès de son père. Sa fonderie était située Sint-Katelijnestraat, en face de la propriété ‘t Bylken. Aujourd’hui, il subsiste en ce lieu une étonnante maison d’apparence médiévale, De Alruin, Sint-Katelijnestraat 115. Cette maison est appelée « Huis der Waghevens ». Autant dire que nous sommes là en plein dans le passionnant, nous avons un reliquat du passé à peine connu ! Cette maison s’appelait dans le passé de Gulden Cop, c'est-à-dire la tête d’or. Il se marie en 1526 avec Christine Snyers (ou Snyders, variation orthographique). Il n’a pas d’enfant de cette union.

En 1547, Medardus est nommé juré au sein de la corporation des forgerons. Il fondait aussi des mortiers. Il décède le 23 octobre 1557.

Son activité campanaire est très prolixe. On liste une quantité importante de fournitures. Ce n’est pas pour autant le fondeur malinois de la lignée que nous retrouvons le plus en clochers. Il exporte relativement peu à l’étranger, mais de ses cloches se retrouvent toutefois en France et aux Pays-Bas. Il utilise un profil gothique de qualité, assez primitif, et ses cloches sont finement ornementées. Elles ne sont pas follement originales mais restent des travaux fort qualitatifs.

WAGHEVENS Jan
Fils de Georgius I Waghevens. Avec son prénom passe-partout, il fait partie des fondeurs de la lignée que nous ne connaissons que moins bien. Date de naissance inconnue, il est majeur en 1525. Van Doorslaer estime que sa naissance se situerait vers 1504. Floruit 1534-1566. Il aurait exercé son métier en tant que fondeur ambulant, étant donné que les archives restent muettes quant à un atelier de fonderie à Mechelen. Nous ignorons s’il fut marié. Il décède à date inconnue, peu après 1566.

Ses cloches, de profil gothique, sont relativement nombreuses en comparaison à la maigreur des documents biographiques. Elles ont une décoration de qualité, reprenant des thématiques assez proches des cloches de Medardus. Les dédicaces restent en quadrata.

WAGHEVENS Jacob
Fils de Peter Waghevens. Nous manquons de documentation à son sujet. Il est né avant 1500, à date nous restant inconnue. Il décède en 1574. Il est le dernier fondeur connu de la lignée des Waghevens. Avant 1528, nous pensons qu’il travaille dans l’atelier de son père, Peter, en tant qu’apprenti. C’est à ce moment que Jacob effectue son apprentissage campanaire. En 1528, Peter lui cède un immeuble, Sint-Katelijnestraat, afin d’établir le bâtiment comme local de fonderie. Floruit 1530-1570, ce qui constitue indéniablement une période assez longue. Le nombre de cloches n’est franchement pas négligeable, étant donné qu’il se trouve dans le lot des carillons de grande réputation. Cette réputation était d’autant accrue que le carillon n’était encore qu’un phénomène peu connue en cette époque. Waghevens était précurseur des Hemony, ces derniers ayant perfectionné l’ouvrage à l’extrême.

Au niveau des liens familiaux, Jacob Waghevens était le grand-oncle d’Adriaan Steylaert. Il fut nommé juré au sein de la corporation des forgerons. Reconnu des autres fondeurs, il put aussi bénéficier d’un nom largement établi au sein du monde campanaire. Ces aspects de reconnaissance ne sont pas sans ombres. En effet, Jacob Waghevens fut aussi connu pour des défaillances techniques et financières. Il eut les pires difficultés du monde à livrer certains ouvrages, dont Brugge. Il semblerait malgré tout que l’ensemble des commandes fut honoré sans déchéance.

WAGHEVENS Cornelis
Fils de Peter Waghevens. Date de naissance et de décès complètement inconnues. Il se marie avec Anne Van De Kerckhove. Il quitte Mechelen et s’installe à Antwerpen en 1531. On connait quelques-uns de ses travaux, dont principalement une collaboration avec jacob, lors de la coulée du carillon de Ieper en 1544. Pour le peu qu’on connait, floruit 1530-1544. Ses cloches sont des profils gothiques de bonne qualité et richement décorés. A noter, il est le seul du nom de Waghevens à avoir réalisé des canons, aucun des autres fondeurs ne fut admis à fondre des armes. Il est décédé après 1544 à date inconnue.

Les Waghevens sont des fondeurs majeurs. Indisctinctement, ils totalisent 255 cloches en RECIB (inventaire des cloches en Belgique). Cela ne tient nullement compte des cloches réalisées à l’étranger, qui peuvent être nombreuses aussi. A savoir, 255 cloches médiévales connues en détails, c’est tout de même assez rare. Le fait mérite donc d’être signalé.

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