VOYAGE
DANS L'ÉLOIGNEMENT
LES
MONTS LOZÈRE
LE GRAND TERRITOIRE DES ALOUETTES
Un récit de randonnée peut se révéler barbant. C'est chose sûre. Encore un parmi tant d'autres dirions-nous ! En principe, ce genre de compte-rendu pourrait se borner à un envoi en privé à des amis, voire à la limite une description détaillée sur un forum MUL. Ce qui me pousse à publier le récit de ces promenades, ce sont principalement deux aspects : premièrement ce sont des terres très peu parcourues. Cela permet de mettre en valeur des lieux dont l'aspect est méconnu. Deuxièmement la promenade a fait l'objet d'un regard artistique, notamment la réalisation d'un paysage sonore. Le compte-rendu vient en quelque sorte étayer le parcours sonore, qui se révèle être en réalité l'aspect principal de cette randonnée. C'est de ce fait de la sorte que je publie le rapport.
Le document se structure en plusieurs parties disponibles les unes après les autres, sur une structure totalement comparable à l'épopée causse Méjean en 2015. Avant tout, le compte-rendu en tant que tel. Ensuite, les photos, qui permettent de bien illustrer le parcours et dernièrement le paysage sonore. Si le parcours du Méjean faisait appel à des souvenirs d'enfance, ici ce n'est nullement le cas, ou seulement dans des parties restreintes : le Blandas en 1996.
Au cours de ce séjour, 559 photos ont été réalisées. Elles sont disponibles ci-dessous, où chaque petite image permet d'accéder aux lieux parcourus.
Jour 1 167
photos (Presque) du mas de la Barque, Génolhac, à
la Cham des Bondons. Les paysages granitiques sont extraordinaires et
baignés d'une magnifique lumière.
Jour 2 171 photos De la Cham des Bondons, lieu
magique, jusqu'au Mont Gargo au coeur du causse Méjean.
Jour 3 50 photos Du Souc, bergerie désaffectée
du Méjean jusque Trèves. Le parcours est extrêmement
pluvieux et il fut de la sorte quasiment impossible de réaliser
la moindre photo.
Jour 4 35 photos De Trèves à Homs,
petit hameau du causse Campestre. Le climat fut extrêmement venteux
et là encore, ce fut difficile de réaliser des photos.
Jour 5 136 photos De Campestre-&-Luc à
Montdardier. Le soleil a baigné le causse Campestre et le causse
Blandas de lueurs printanières enchanteresses.
En février-mars 2015,
j'avais effectué une rando MUL au travers du causse Méjean,
que j'avais sillonné en long, en large et en travers, par grand
amour pour ces terres. Un album de paysages sonores en avait été
tiré. Cette année 2016, une nouvelle rando lozérienne
a eu lieu et elle concerne de même les causses. Ce parcours traverse
:
- Les Monts Lozère. Le terme « Les » parce que c'est
une longue chaine de petits monts granitiques. Il n'y a pas qu'un seul
Mont Lozère. Le point culminant est le Sommet de Finiels. Il
ne se distingue en rien de ses voisins, sauf par ses montjoies.
- Les Petits Causses. L'année 2015, j'avais axé le parcours
sur le grand causse Méjean et le grand causse du Sauveterre (très
dénudé en certains lieux). Cette fois-ci, j'ai complété
par les petits causses : le causse Noir, le causse Bégon, le
causse Campestre et le causse Blandas.
Les paysages sonores sont présentés de manière indistincte étant donné qu'il s'agit de toute manière, partout, de territoires désertiques. De ce fait, c'est un déferlement de nature non loin d'être uniforme.
Les titres sont :
01 - Navas, au pied d'un
petit plan d'eau, les crapauds
sont déchainés à l'arrivée de la nuit.
02 - Monts Lozère, le refuge de l'aigle. Une petite source presque
entièrement gelée arrose les pentes du sentier.
03 - Monts Lozère, au mont Cassini, un petit ruisseau dévale
les pentes au travers des herbes et des rochers.
04 - Sur les hauteurs de Finiels, le vent s'abat bruyamment sur un pin
noir d'Autriche, qui essaie de résister aux assauts.
05 - Lanuejols, au cours d'un long dimanche après-midi pluvieux,
un chien seul s'ennuie au loin.
06 - Monts Lozère, les superbes sources du Tarn ; En aval, lorsque
le Tarn est déjà ruisseau.
07 - Monts Lozère, les superbes sources du Tarn ; En amont, à
la source principale.
08 - Monts Lozère, jeux avec les gravillons granitiques.
09 - Malbosc, il est tôt le matin, les vaches réclament
leur botte de foin à force de grands meuglements répétés
et jusqu'à ce que l'éleveur vienne. C'est un jeu d'usure.
10 - Sauclières, deux pins noirs ont leur tronc qui frotte, cela
provoque des craquements audibles d'assez loin.
11 - Un enclos à vautour, les charognes y sont déposées.
J'ai enregistré en ce lieu les sons du vent déchaîné
et de la tempête de neige, dont les lourds flocons frappent tout
ce qu'ils trouvent.
12 - Causse Campestre, Homs. Durant la nuit, le vent en colère
s'évertue à tenter de démolir la toiture d'une
écurie. Durant toute la nuit, la tempête aura rugi avec
une fureur féroce.
13 - Monts Lozère, le bruit des pas feutrés dans les bruyères,
au Signal des Laubies.
14 - Les Bondons, des bombus bourdonnent bruyamment dans les haies d'aubépines.
15 - La Rigalderie, les criquets sont en forme sous un soleil de fournaise.
16 - Blandas, le son des lauzes, si particulier : fluté, chantant,
presque une note de piano. Elles sont ici sollicitées au sommet
du Puech Aouro.
17 - Monts Lozère, au contraire des causses, ces monts sont granitiques.
Je sollicite ici ces pierres, qui crissent, qui frottent et qui grincent.
Elles ne vivent pas les mêmes sentiments que les lauzes.
18 - Sauclières, un petit ruisseau traverse une combe, loin dans
la forêt.
19 - Nant, le vent s'amuse comme un fou dans les fils électriques
et donne de bien fameuses notes de musique.
20 - Navas, le vent dans un sapin au sommet de la Serre de la Labagne.
Bien entendu, le mont concentre les vents les plus agités, du
coup ça remue pas mal dans les branchages.
21 - Trèves, la sonnerie des cloches à 7h00. Un petit
chien, Lola, vient sentir l'enregistreur.
Durée totale : 65:45 mn.
28 avril – 3 mai 2016
En février-mars 2015, j’avais effectué une rando MUL au travers du causse Méjean, que j’avais sillonné en long, en large et en travers, par grand amour pour ces terres. Cette année, une nouvelle rando lozérienne a eu lieu et elle concerne de même les causses. Ce parcours traverse : Les Monts Lozère. Le terme « Les » parce que c’est une longue chaine de petits monts granitiques. Il n’y a pas qu’un seul Mont Lozère. Le point culminant est le Sommet de Finiels. Il ne se distingue en rien de ses voisins, sauf par ses montjoies, mais c’est accessoire. Les Petits Causses. L’année dernière, j’avais axé le parcours sur le grand causse Méjean et le grand causse du Sauveterre (très dénudé en certains lieux). Cette fois-ci, j’ai complété par les petits causses : le causse Noir, le causse Bégon, le causse Campestre et le causse Blandas. Disons que ces plateaux font partie, certes, du parc des Grands Causses, mais ils sont plus petits que le Méjean, sans préjuger de quoi que ce soit. C’est pour cela que je les ai nommés de la sorte. Nous voici donc partis pour une bien belle promenade !
La carte du Parcours
Les Monts Lozère, la Cham des Bondons, traversée rapide du causse Méjean, le causse Noir, le causse Bégon, le causse Campestre et le causse Blandas.
Jour 0
Ce jour de randonnée est appelé zéro car le départ est tardif et la marche brève ne fait pas partie d’un objectif de visite. Il s’agit simplement de rejoindre un point de départ. Aucune importance en quelque sorte.
Le départ est prévu depuis un lieu isolé situé au nord du Mas de la Barque. C’est une assez grosse piste forestière, démarrant de la D66, à proximité du lieu-dit Le Pré de la Dame. Dès le départ de Génolhac, deux choses se font ressentir plus que clairement : un c’est l’isolement des lieux, deux c’est le froid qui est bien présent. La route est toute petite, difficile, pentue, étroite, et il n’y a pas un chat ! Ici encore en fin avril ça va plutôt bien, mais en plein hiver une chose est sûre, ça ne doit pas être triste.
Lâché sur place aux alentours de 19h30, la marche à réaliser est courte. L’objectif est le refuge nommé « le chalet de l’aigle » qui est un lieu réputé sympathique. J’évalue le trajet à une heure au maximum. Il en aura fallu un peu plus, étant donné que je n’étais pas encore bien dans le rythme, mais véritablement ça ne portait pas à conséquence. Le seul étonnement peut-être, c’est d’avoir croisé un véhicule de l’ONF à 20h00. Que faisaient-ils là en cette heure tardive ? Le chalet est atteint peu après 21h30.
Provenant de l’Ardèche-Sud, ce qui frappe avant tout, en arrivant là aux pieds des Monts Lozère, c’est que l’hiver est encore présent. Sans spécialement évoquer les névés et les sources givrées (ça peut arriver dans tout ubac en fait), c’est surtout le fait que les arbres n’ont pas de feuilles, les charmilles sont brunes. Le printemps n’est pas passé par là. Ça provoque un petit retour en arrière de quelques semaines. Il est de fait que la température est pour le moins rafraichissante !
Le refuge de l’aigle est un endroit accueillant, entretenu par des bénévoles. Ça fait bien plaisir un lieu de la sorte. La nuit sera bonne. A une heure du matin, un vent furieux, bruyant et glacial balaye les pentes.
Jour 1
La journée démarre peu avant le lever du jour, bien que je ne sache pas exactement quelle heure il est – ce qui aura été en fin de compte une constante du séjour puisque je me fiais au soleil afin d’évaluer le temps nécessaire aux choses. Le lever de soleil est superbe mais par contre le froid ainsi que le vent sont féroces. Avec le beau temps à venir, ce n’est clairement pas à considérer comme un souci.
Depuis le chalet, je me dirige vers le pic Cassini, lequel est atteint alors que le jour n’est pas encore levé depuis 20 minutes. C’est un bien fameux spectacle de voir ces landes granitiques baignées d’une lueur faiblarde. La plupart de ces terres sont dédiées à une très grande solitude. Ce n’est que bien plus loin, et à vrai dire à peu près la Peyre Plantade que le jour éclot. Je prends pour parti de passer de petit sommet en petit sommet, ce qui permet d’optimiser l’ambiance des lieux.
Une ambiance difficile à décrire d’ailleurs. Outre la très grande solitude ; non pas pesante mais pour le moins enveloppante, il y a un aspect magique dans ces lieux. Peut-être est-ce dû à la forme des pierres granitiques disséminées de toutes parts, aux menhirs, aux recoins à korrigans ? Entre granit et bruyères, plus d’une fois j’ai eu l’impression d’être en Bretagne aux Monts d’Arrée. Pas un mauvais souvenir à vrai dire !
Du sommet « 1643 » au sud de Peyre Plantade, j’oblique vers les sources du Tarn. Ça me semble être un lieu important. A peine dans le bas du vallon, le flot est déjà vif et dense. Ce n’est que bien bien bien plus haut que le cours d’eau devient ruisseau, puis pipi de valat. En réalité, les eaux sont pures, limpides, gelées et d’une infinie diversité de gazouillis bulleux. Les terres avoisinantes sont spongieuses, gorgées d’eau et parmi l’ambiance bucolique, des centaines de jonquilles sont en fleurs sur des ares et des ares. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on est loin de l’austérité du Méjean. Ça jaillit de vie dans chaque recoin. La source en elle-même est un gazon spongieux. Il n’y a pas un endroit précis où l’eau jaillit. Elle humecte les sols sur une large portion d’herbe. La glace est de la partie. Que c’est joli !
De là, et déjà que ce fut un grand spectacle, je mets le cap sur « 1679, la Croix de Fer et le col de Finiels. Le col en question est traversé par une route provenant du Pont de Montvert et se rendant au Bleymard (mine de quatre heures). Les lieux sont parfaitement déserts. La montée sur le sommet de Finiels est fort agréable, bien qu’il soit midi et que le soleil tape dur. Comme le vent est fort, je prends un repas léger dans un abri de pierres granitiques.
Au Sommet de Finiels, la vue est époustouflante. A 360 degrés, tous les massifs se dévoilent dans une ambiance bien claire. Le Plomb du Cantal se distingue bien. Plus loin, c’est le blanc des Alpes qui ressort, indiscutablement le massif du Mont Blanc. Bien plus terre à terre, la silhouette toute ronde du Gargo se voit bien. Que de chemins à parcourir encore!
Terres granitiques des Monts Lozère, un peu de Bretagne au Massif-Central.
Outre les herbes jaunes, le granite omniprésent, ce qui caractérise ces terres battues par le vent, c’est le déluge d’alouettes. Elles sont des dizaines à démarrer leur chant trillé et leur lente ascension ballottante dans les bourrasques. Mes pas les délogent, dès lors elles montent et chantent. Jamais je n’aurai été si tant environné de leur beau petit fluté d’alouettes légères ; un vrai bonheur.
Là haut à Finiels, quelques touristes sont présents car c’est accessible du col, puis dès le chemin vers « 1685 », il n’y a plus personne. Le sentier est splendide. En plus, il est marqué par un nombre assez conséquent de montjoies appartenant aux templiers. Les pierres granitiques sont gravées de croix de l’ordre. C’est de cette manière que je rejoins le Signal des Laubies. Là encore, c’est une bien belle montagne. Mais… comme le dira une personne rencontrée durant le séjour : un bien drôle d’endroit par là-bas.
C’était en quelque sorte une parole juste, car en haut de ce mont, je me rends compte que j’ai perdu la carte suivante. C’est une catastrophe car mes cartes ont un parcours prédéfini, optimisé, précis. Elles se raboutent chacune et sans une carte, je ne sais pas forcément rejoindre le bout suivant. Si je connais globalement mon point de soirée, je n’ai aucune idée si je me trouve trop à l’est ou pas assez. En résumé, je suis complètement à l’ouest !
Tout ce que je garde en mémoire, c’est que je dois obliquer plein sud à la croix de Maître Vidal. Du coup, je me mets en quête de l’objet. Je vais jusqu’au roc des Laubies, puis rebrousse chemin. Ah, dommage, car elle était bien 500 mètres après la belle croix vénérable ! Que pouvais-je en savoir ? De retour au pied du signal des Laubies, pas mieux, rien... Du coup, je ne vois pas d’autre solution que de descendre plein sud puis d’aviser. Oui… Mais ce sont des psychosapins !
Larousse. Psychosapins : n.m. Vocable local aux causses lozériens et aux monts lozère. Désigne les forêts de sapins plantés en vue de l’exploitation, sur des hectares et des hectares. Caractéristique : impénétrable & foisonnement de chemins qui ne sortent pas du massif. Synonyme : Projet Blair Witch.
Après une bonne heure d’errance dans les psychosapins, je commence à me dire que je vais m’éloigner des points connus de manière critique. En effet, je découpe mes cartes de l’inutile, afin d’alléger. Or là je vais me retrouver à Perpette-Les-Alouettes. Comment retrouver ma carte suivante ? Ça va devenir grave à force. Trouvant un ruisseau, je me dis que le plus simple est de le suivre, car lui sortira du massif schizoïde des sapins maléfiques. Bonne idée car après une nouvelle heure d’errance, je trouve une éclaircie. Comparant (à ce jour) les cartes, je me rends compte que je suis sorti à Fontibus, presque au hameau « La Brousse ». Quel nom ! A ce moment, je vois au loin mon objectif, terriblement éloigné vers l’ouest. Mazette !!
A travers les massifs de genets, je traverse tout et tout droit, jusqu’à la Baraque de l’Air. De là, je mets le cap sur les menhirs qui sont invariablement superbes. Les pieds sont en feu à cause du fameux détour. Pas grave, je suis retourné à l’instant sur la carte ‘suivante’ dirons-nous, ce qui me permet de retrouver le parcours balisé de mes petits papiers. Lorsque j’arrive aux pieds des deux puechs de la Cham des Bondons, le soleil se couche.
Le site de la Cham des Bondons est d’une splendeur époustouflante. Il est déjà tard et la lumière serait meilleure le lendemain matin. Dès lors, je décide de passer la nuit là. Une maison ruinée se trouve être en fin de compte un lieu du plus parfait, avec de surcroît une vue sur un des monts, par la porte. Le site est extraordinaire et je dois dire que cette nuit et cet endroit ont été de loin un point culminant en matière de beauté et d’affinité.
Avant la nuit, je grimpe sur le puech le plus éloigné (1217). Il est déjà fort tard et la nuit va plus vite que moi sur les pentes !
La nuit sera très froide. Ça ne posera aucun problème.
Jour 2
Le jour n’est pas encore levé lorsque je prends le petit dej. Le froid est bien prenant ! Les lumières naissantes sur les puechs sont de toute beauté. Ce sont deux monticules de marne. Les terrains calcaire avoisinants ont été érodés. Seuls ces tas de marne ont subsisté. De ce fait, le paysage est atypique. Ce sont des monticules étranges au milieu de rien. Très visibles de toutes parts et qualifiables de spéciaux, ces puechs forment un paysage unique.
Visiblement, les deux monticules ont des noms. Déjà, le puech est un mot ancien, rencontré en terres occitanes, signifiant une « terre élevée », bref un mont. Le premier s’appelle le Puech de Mariette et/ou le Truc des Bondons et le second le Puech d’Allègre et/ou le Truc de Miret. Mariette est celui qui est isolé face à la maison. Le second est celui qui forme prolongation de la terre en corniche. D’office le terme Truc peut étonner. C’est un mot occitan qui dénomine les monts. De manière amusante, on pourrait dire de la Lozère : la terre où les monts sont des trucs !
Îlot magique au milieu d’un gigantisme vert.
Au petit matin, les lumières sont rasantes, c’est de toute beauté et c’est la moindre des choses de le redire. Je grimpe le Mariette, que je n’avais pas fait hier soir. Que de beaux vallons ! Comment se fait-il qu’il n’y a personne dans un lieu si splendide ? Peu importe, c’est très bien comme ça. Il y a un fameux vent glacial là-haut, mais le soleil commence déjà à baigner le flanc est.
La descente en pleine pente sur le GR s’avère impossible tant c’est abrupt, donc il faut faire le détour ; c’est agréable tout de même. Le chemin vers Malbosc (encore un Malbosc !) est joli. Cela offre d’ailleurs un retour sur le site de « Bondons 2003 », le lieu où nous avions campé lors de nos promenades minières sur le secteur. Arrivé sur Malbosc, je suis accueilli par un déluge de meuglements impatients : les vaches ont faim et réclament leur ballot de foin. Elles devront encore patienter vingt bonnes minutes.
Au Valat de Las Ganses, je fais une grosse maintenance : prise d’eau, lavage du matériel, rangement. Puis, voilà qu’arrive la montée vers « Combélijo ». Je suis assez embêté d’être en propriété privée. Je ne pouvais pas le voir sur les plans ; je ne trouve aucune alternative. Du coup je monte rapidement, en contournant fort largement le troupeau. En haut, le comité d’accueil est un joli menhir.
Dans les aubépines, les bombus bourdonnent bruyamment. Encore quelques alouettes émaillent le ciel, mais surtout ce sont les cris raisonnants des coucous qui habitent les bois. La descente par la draille des troupeaux est belle. L’arrivée sur Florac a lieu aux environs de midi.
Je prends mon repas au bord du Tarn, dans un village de vacances inoccupé pour le moment. Le site est calme.
Le très court parcours sur la route rouge est affreux !! C’est un déluge de camions. Ceci étant, ce trajet est bref (à tout révéler, cinq minutes). Le contraste entre les Bondons et cette nationale est marquant. Lorsque je quitte cette route, je me trouve devant une difficulté, un détour long afin de contourner une route en impasse. Un enfant en vélo me voit et m’interpelle : Monsieur, il y a un petit chemin secret derrière les jardins ! Ce petit loup aura deviné le souci et m’aura rendu un fier service !
Du coup, après avoir passé le Tarnon se jetant dans le Tarn, me voici en train de grimper la longue et éprouvante pente d’accès au plateau du Méjean. Je n’avais jamais effectué un accès par là. Le parcours emprunté est celui du chemin dit de Gralhon. C’est une sympathique petite sente montant abruptement la pente. Après Salièges, cela fait passer aux Monteils. Au presque-sommet, aux environs de Combe-Longue, je rencontre une personne mettant à jour les marquages de GR. Je le remercie pour le travail réalisé bénévolement.
A Combe-Longue, je fais le détour par les deux antennes surplombant Florac. C’est envahi de monde. Ce site est semble-t-il balisé et possède un parking. En quelque sorte, les gens montent au panorama puis repartent. Le monde ici présent est très loin d’être envahissant et à ce titre, je ne verrai plus personne jusqu’au lendemain à Meyrueis.
Au niveau de la Ferme de Pradal, je rencontre de gros soucis. Plusieurs panneaux voie sans issue artisanaux émaillent le GR de Pays Tour du Causse Méjean. A l’entrée de la ferme, un berger allemand fort agressif empêche l’accès. Je suis obligé de contourner la ferme. Vu la situation, je suis contraint de traverser le colza. De plus, je suis dans le sens contraire des sillons. Que gagne le fermier avec de tels agissements ? C’est vraiment la question que je me pose durant plusieurs centaines de mètres.
Tout le chemin vers Teissounivou est assez commun. Ce n’est qu’assez tard en soirée que j’aborde enfin le secteur du Mont Gargo. Je ne connais pas du tout l’accès nord, de ce fait je patauge plus ou moins en matière d’orientation. Je monte le « 1166 » prenant le mont pour le Gargo, mais c’est clairement différent. Je commence à m’inquiéter. Je sais que la Serre de Fourcat est TRES jalouse du Gargo. Du coup, elle fait tout ce qu’elle peut en vue de s’attirer les randonneurs ; allez, elle le mérite bien car elle est belle !
Je me dis que la seule solution est de monter. De là-haut n’importe-où, je reconnaitrai la cime du Gargo – je serai moins perdu. Du coup, j’entame l’ascension du premier mont venu. Ça monte ça monte ça monte… Je me dis : mazette c’est bien haut tout de même… Et puis en fin de compte, je vois au loin La Fajole. Ah bah d’accord, je suis au sommet du Gargo !
En haut c’est bien sûr merveilleux. Je suis contrarié du fait que la petite pierre avec la peinture cévenole a disparu. Quel dommage que ça ait été volé. Ce qui est au Gargo appartient au Gargo. Enfin voilà, c’est comme ça… Le ciel commence à se voiler, ce qui n’augure honnêtement pas du bon pour le lendemain. C’est assez rapidement que je quitte le rond tout doux de la cime Gargo. L’objectif est de dormir au Souc et la nuit est déjà proche.
Le sommet du Gargo. J’avais dit en tournant le dos : je reviendrai.
Des 2 km que j’avais en mémoire vers le Souc, c’est en fait 6 km qu’il faut. Je connais par cœur, mais tout de même ! Du coup, je mets une heure afin d’arriver sur place, la nuit est arrivée. Je m’installe sans hésiter, là au Souc, une ancienne bergerie ruinée. C’est un lieu parfait. Il est 22 heures (je suppose) lorsque je commence à prendre mon repas. Ça creuse ! Il fait glacial.
J’ai eu énormément de mal à partir du Gargo, je me suis retourné 25 fois.
A peine couché, j’entends les cris de deux petits mammifères qui s’interrogent sur ma présence. Ils font des miaulements, ressemblant à des chatons, mais en plus persistant. Durant toute la nuit et régulièrement, ils me poseront les mêmes questions. Je pensais à des belettes mais il semblerait que c’étaient des lérots (à confirmer, car ce n’est pas évident). Malgré le froid et les questions, la nuit fut bonne.
Jour 3
Les Monts Lozère sont faits, la Cham des Bondons aussi, le Gargo de même : je me dis au matin que peu importe le climat désormais. Seulement, je n’avais pas tenu compte que le climat lozérien est un grand farceur. Filou va !
Au petit matin, l’ambiance est glaciale, la boussole affiche -4°C. Le ciel est pourtant couvert. Je me mets en route vers Meyrueis par un cheminement parfaitement connu, celui des grands mamelons dénudés du secteur du Veygalier. C’est un site grandiose et splendide. Ici par rapport à l’année dernière, déjà le ciel gris change l’aspect du paysage, mais ce qui est encore plus perturbant, c’est qu’il y a de l’herbe verte partout. Rien n’est brûlé par le froid/chaud, ça ne crisse pas sous les pieds. Ça donne honnêtement l’impression que la nature se dépêche tout ce qu’elle peut avant de se faire bruler par le soleil. A tout casser, délai un mois !
Bien que je connaisse parfaitement le chemin, je tombe sur une originalité. Le hasard fait que je trouve un enclos, clôturé, disons 20 mètres carrés. Je me dis : bien sûr, un enclos en vue de tondre les moutons ! Sauf que de moutons, je trouve une carcasse. Oh ? Puis quelques mètres plus loin, ça sent la charogne. Ah mais bien sûr, c’est comme dans les Pyrénées, c’est une aire de nourrissage des vautours. D’ailleurs, je trouve une superbe plume de rémige primaire, bien 35 centimètres. Je la prends. Je me dis, une chance sur cinq cent mille qu’elle arrive en état. Et … elle est arrivée parfaite. Elle connaitra bien des déboires à ce titre !
Le ciel se charge de gris. Voilà la pluie ?
Non… Voilà une belle tempête de neige.
Le vent monte en puissance, il fait glacial. Je ne suis pas équipé en conséquence. La neige s’accumule et commence à bruler les mains. Du coup, je les tourne régulièrement afin d’exposer au froid diverses parties, et qu’il n’y ait pas qu’une seule partie attaquée. Je comptais aller à Drigas, mais à La Citerne, je mets cap directement sur Meyrueis. Là, il faut se tirer urgemment du pétrin.
Au début de la tempête, j’osais encore photographier.
Au fil de la descente, ça devient de la neige fondue. Je suis une soupe. La sente qui descend sur Meyrueis est étroite. Les herbes chargées d’eau transforment graduellement les chaussures en piscine olympique ! A Meyrueis, à peu près plus rien n’est sec. Je vais chercher du pain chez Boyer. Mazette qu’il est excellent ! Ensuite je romps la chaine de l’autonomie complète ; je me dis après tout, on s’en fout, ce n’est pas une compétition, et je prends un café. Dégoulinant et tremblant de froid, je suis placé (dans un établissement bondé) près de la TV. Le journal de TF1 m’apprend que les français sont « choqués » parce qu’il fait froid et ils n’auront pas de muguet pour le premier mai. Par rapport à ma situation apitoyante, ce décalage me fait énormément rire !
Après un chargement d’eau potable au cimetière de Meyrueis, j’entame la longue montée sur le causse Noir. C’est une longue sente pentue, parfaitement paisible dans les bois, qui débouche sur Servillières. Tous les chemins sont bordés de mots sympas concernant le « s’il-vous-plait fermez les clôtures pour le bétail ». Une est dégradée. Je la répare, puisque c’est gentiment demandé.
Du sentier, j’oblique vers la Marjoab. Ça commence mal car c’est décoré de privé, voix sans issus, des panneaux zone 30 volés et accrochés aux clôtures, des assiettes de camping privé, des planches 30 rappel. Accueil : deux chiens. Puis enfin, le chemin que je dois emprunter : vois privés. Une personne âgée est présente. Je lui demande si je peux passer (longueur 200 m). Il me répond avec méchanceté : non, prends le goudron.
Près de Servillières et au Pont de Claparouse, je prends la grosse piste vers Lanuejols. Je me fais à nouveau doucher. Tellement trempé, je n’évite même plus les flaques. Arrivé à Lanuejols, je me réfugie dans l’unique arrêt de bus Edgard, le seul d’ailleurs je crois ! J’y patiente deux heures le temps que pluie passe. Puis… ça ne passe pas ! Alors, au cours d’une fausse éclaircie, je reprends route, vers Espinassous. Ça pourrait être sympa, mais là côté pluie, c’est l’assaut final. Il faut masque et tuba ! Je passe le hameau en trombe. Désormais il n’y a plus qu’un seul objectif, être à Trêves avant la nuit, dans le but de passer la nuit au sec. Autrement la vie sera impossible.
Le chemin de descente sur Trêves est abrupt, très joli, je dirais quasiment malgré les conditions climatiques. Cinq vautours me jaugent et se disent : hum, pas très gras, pas terrible… Au fil de la descente, ce sont des lacets. Du coup, je surprends une harde de chevreuils. Ils se tirent de partout. Un des leurs, tellement idiot, fait un cercle et se retrouve à deux mètres de moi, essoufflé. Il ne me voit pas. Je ne bouge pas, de crainte de l’effrayer. Lorsqu’il me voit, il lance un aboiement rauque et file comme une bête traquée. Bon, il n’a pas inventé l’eau chaude !
Il est 19 heures lorsque je suis à Trèves. L’église sonne, la cloche est un chaudron ! Je me trouve une place sous un auvent près de l’église. C’est une table de pique-nique. Je campe dessus, ça isole du sol. Ça permet à tout mon matériel, sac de couchage y compris, de dégouliner par terre. La plume du vautour est ravagée. Je la laisse au sol. Durant la nuit, le chaudron va sonner toutes les heures, deux fois (afin d’être sûr !) et tinter les demi-heures. La joie c’est qu’à minuit, ça sonne zéro heure, c’est un avantage ! Je crois que j’ai dormi par là. Disons que la bonne nouvelle, c’est que même trempé, je n’ai pas eu froid.
Jour 4
Je ne saurais dire si je me suis mis debout avant le lever du jour. C’est encore blotti dans le sac de couchage, tout à l’aise, que je prends le café, largement baigné de relents de Ramen bien gras. Ah, c’est ça le bon confort ! Un petit chien me rend visite et devient assez rapidement intéressé par le petit déjeuner. Je l’aurais bien appelée Clochette, mais j’apprendrai qu’elle s’appelle Lola et qu’elle aime bien suivre les randonneurs. Au sol, la plume de vautour est comme neuve, bien qu’elle fût terriblement fripée la veille. Pas compris, je la rembarque du coup. Il fait froid mais l’ambiance est agréable. Je prends la marche à sept heures, le chaudron sonne !
Le camping improvisé à Trêves fut quelque part assez idéal.
Le départ de Trèves se fait accompagné de Lola. Lorsque je commence la très pentue montée vers les Ubertariés, elle me chipe les jambes parce qu’elle voudrait quand même bien jouer à baballe, ou au minimum au bâton ! Sa maman rapplique et la fait rentrer, car clairement, si ça continue de la sorte, il va falloir la chercher à Nant.
La montée est laborieuse, mais c’est simplement parce que je prends le temps. Les geais sont déchainés et chose peu habituelle, ils glissent dans les airs d’incessants gloussements. C’est normal, c’est parce que c’est la période des parades. Aux Ubertariés, le chemin passe en plein dans une ferme, ce qui surprend quelque peu, mais ça a l’air normal. J’organise le détour par le hameau de Causse Bégon, mais le paysage ne m’évoque pas de magie. C’est un peu le même phénomène que dans le nord du Sauveterre, les terres sont dominées par l’agriculture et en ces lieux, ce n’est même plus spécifiquement extensif.
Reste à se poser la question, le causse Bégon est-il un causse ? Si l’on considère que les causses sont des plateaux séparés par des rivières encaissées, alors oui. Le Bégon est délimité par la Dourbie et le Trèvezel. Mais si l’on considère que chaque causse a son identité propre, alors là c’est difficile. Il est vrai que géologiquement, les causses ne sont qu’un. Après, de multiples pratiques culturales, anthropiques et architecturales font que le Larzac n’est pas le Blandas : ça se voit, se ressent. J’aurais tendance à évoquer que le Bégon fait partie du causse Noir. Je n’ai pas vu de différence entre les deux.
Disons que je voulais absolument y aller et ça faisait des années – ne serait-ce qu'en vue de connaître, voilà donc une chose de faite. Sur le plateau, le vent est d’une grande férocité. Il se bagarre ferme avec les quelques buissons de buis épars. Ce n’est qu’à la plaine des Baldits qu’il se calme (temporairement), en réalité juste à cause de la forme de l’adret. La descente sur Nant est jolie, voire même sans exagérer enchanteresse. A proximité du village, le vent sauvage se bat avec les fils électriques. Ça siffle et ça rugit, chacun campe sur ses positions. Ce n’était pas prévu mais pourquoi pas : je me dis que je passerai midi à Nant.
Le village de Nant est visiblement sous l’assaut de régulières grandes charges touristiques. Il y a un petit monde fou qui déambule. Ce n’est pas bien gênant car c’est paisible. Par contre, qu’est-ce que ça doit être en juillet ? J’ose à peine l’imaginer ! Quoi qu’il en soit, l’ambiance est sereine devant la superbe église fortifiée, lorsque sonne l’angélus. Nant est une petite ville aux ruelles médiévales étroites, le paysage est admirable. Elle mériterait une visite plus approfondie.
Je prends mon repas dans un abri de bus cinq étoiles. Il y a des accoudoirs afin de poser la bière ! Ça quand même, je n’avais jamais vu ! Considérant le vent, je me dis qu’il vaut mieux manger chaud ce midi, et froid ce soir. C’était ma foi une riche idée car le soir fut désastreux. Du coup, je m’installe à la mode clochard. Les chaussettes sèchent, le repas chauffe, je réorganise profondément le sac, c'est un rigolo bazar. A un moment, un riverain amusé vient me voir et discute quelques instants.
C’est de la sorte que je quitte Nant. Il fait relativement beau mais le climat reste fort venteux. Direction Castelnau, par la grand route. Je n’en ai aucunement le choix car dans cette vallée, aucun chemin ne me permet de contourner. Les deux kilomètres sont avalés au pas de charge. A Castelnau, j’oblique sur une piste forestière vers Algues. Le paysage est extrêmement morne considérant que la piste a été récemment dévastée en vue d’être circulable. A Algues, morne aussi, du fait que les ruines du château ne sont vraiment plus que quatre pierres.
Je prends la petite route vers Coste Brial. Pas un chat à la ronde. Le paysage n’est pas entrainant. Je commence à ressentir de gros soucis au niveau des pieds ; je mets cela sur le compte de la marche aquatique de la veille. Cependant, à Coste Brial, je décide de m’arrêter et d’analyser. En fait, le constat est celui d’un désastre. Depuis Nant, j’ai mis des chaussettes en mérinos. Comme j’ai tracé (paysages mornes), j’ai chauffé. Or, il s’avère que les chaussettes sont spéciales (thermiques) : pas d’autre constat que de dire une seule chose, mes pieds sont brulés. La peau est rouge vif, il y a des cloches sur le dessus, la plante des pieds donne la sensation d’être semée d’épines, douleur persistante, sensation de fourmis, une forte vapeur s’échappe des chaussures.
J’évalue la situation à la catastrophe. Je change de chaussettes. Je trempe les nouvelles dans un ruisseau, les mets, mais je n’arrive pas à redémarrer pour autant. C’est aux pas blessés que je prends le chemin de Sauclières. Je rame intensément.
J’espère pouvoir dormir là, même si l’église n’indique que 17 heures. Cependant, je trouve le village mort. Les rues sont bercées du hululement des chiens. Je me sens très mal à l’aise en ce lieu, ce qui n’est pas forcément justifié, mais voilà, je ne ressens pas grand-chose d’autre qu’un sentiment d’épouvante : village fantôme et chiens wolfenstein.
Du coup, c’est sur une impression d’abattement que je monte le vallon d’en face. Je suis épuisé par le vent. Je n’ai plus qu’un seul objectif, trouver un abri sous roche dans le Campestre.
La montée est laborieuse, mais les paysages du causse Campestre témoignent immédiatement de ce que je recherche. Fini le causse Noir, nous sommes désormais dans la belle austérité d'un territoire rude. Les terres sont très pauvres, incroyablement envahies de roches et de buis. Ce sont des terres incultes au paysage bien spécifique et sans nul doute sur la question, je reconnais les photos de Michel.
Terrassé par le vent qui devient de plus en plus furieux, je ne trouve aucun abri sous les roches. C’est exténué que j’arrive à Homs, un petit hameau de Campestre. Je me dis ‘mazette, il va falloir aller jusqu’à Campestre’, mais en réalité, vais-je encore y arriver ?? Par très grande chance, je rencontre un Monsieur. Sans aucun détour, je lui explique être en piteuse situation vu le vent et que je cherche un endroit pour dormir.
Probablement étonné au tout départ, il me guide vers une de ses écuries et m’offre là un lit. C’est un logement cinq étoiles, totalement inespéré vu la situation dramatique de ce soir là. Dans la toiture de l’écurie, le vent fait rage. Furieux, il tente de démonter les tôles et les bardages par toutes sortes de brutalités. Il est 19h50 lorsque je me mets au lit. Epuisé, je m’endors immédiatement.
Durant la nuit, une souris va tenter de grignoter mes taupe-cake, mais elle sera en échec la
pauvre ! Petites crottes de dépit :)
Jour 5
La journée démarre tôt. Je suppose qu’il est 5 heures, mais comme j’ai vécu quasiment tout le long sans pendule, je n’en sais guère plus. Mon état est déjà nettement meilleur que la veille. Les pieds sont profondément abîmés mais ce n’est pas aussi critique qu’à Sauclières. A la sortie, je salue les chevaux. Ce sont des aphc pirates river, doux et sympathiques. Ils sont câlins.
Le vent est toujours présent, mais on sent qu’il commence à vivre un peu de fatigue. Les cailles recommencent à ressortir des buis. L’accueil de cet habitant n’a été rien d’autre qu’infiniment salvateur. Sans cela, le séjour aurait été critique, je n’en doute pas un instant.
C’est de la sorte – reconstruit en partie – que j’aborde (véritablement) enfin les terres du Campestre. C’est rude, austère et infiniment beau. La moindre des terres a été dépierrée. C’est tout à fait impressionnant car ça fait des milliers de gros tas de lauzes. Jusqu’à la Combe de Maltre, le soleil est présent. Après les nuages sont de la partie. Je traine pas mal vers Puéchal et les Magettes, terres à buis. Au petit matin, peut-être 8 heures, je suis à Campestre. Je vais au cimetière en quête de la tombe des Marquès, mais il semblerait qu’ils soient inhumés au Luc. Pure supputation, mais en tout cas ce n’est pas ici à l’église.
Sur la route, mon logeur me recroise. C’est une personnalité fort accueillante. Je me mets en route vers Le Salze, profite beaucoup des épierrements et de l’ambiance du Campestre, puis par les petits chemins, je monte vers Lucides. Ça me permet de faire ce que m’a conseillé Jean-Paul la veille, descendre sur Alzon sans complication.
Le Campestre est splendide au lever du jour.
Au village d’Alzon, il n’y a pas grand monde mais l’ambiance n’est pas sinistre du fait qu’on voit bien que les lieux font preuve d’entretien. Au sortir du hameau, sur la grosse départementale 99 (souvenirs d’enfance), j’oblique très rapidement sur une piste très pentue vers Case Vieille. Comme bien souvent, sentier finit en brousse et j’achève le parcours en mode sanglier.
A la ferme de Case Vieille, je suis bloqué par un chien. Du coup, je dois prendre le chemin plein sud plutôt que plein est. J’atterris dans la forêt domaniale de la Vis. C’est un beau spectacle, mais le seul souci est que je m’écarte de l’objectif : le puech Aouro. Je prospecte pas mal les pentes. A un moment que je juge adéquat, je prends une direction plein est. C’est à peu près les Serre de la Croix et Serre du Lac. Je pensais que ça allait être TRES hostile, mais ça se passe encore pas trop mal. De la forêt domaniale au Puech en question, deux kilomètres, une heure. Honorable en fait. A un moment, je vois des crottins de sanglier, puis quelques centaines de mètres plus loin, l’odeur animale du propriétaire. Oh, j’espère ne pas les rencontrer !!
Au sommet de l’Aouro, grand soleil mais vents terribles. Pas de bourrasques mais un vent fort, constant, musclé, insistant. Il a été évoqué 160 km/heure. C’est déjà pas mal ! Les oiseaux n’arrivent pas à brancher. Des alouettes lulu sont plaquées au sol. Je prends mon repas couché, ce qui est sympa. Je suis de la sorte aux portes du causse Blandas. Le soleil tape dur et le Blandas prend un peu une apparence de zone désertique espagnole.
Aouro est une variante de l'oura, le vent en occitan. En réalité, le lieu porte terriblement bien son nom !
Les landes à buis du Blandas depuis le Puech Aouro.
De l’Aouro, je souhaite me diriger vers le Quintanel, mais je fais une stupide erreur de boussole. Le tout couplé à une mauvaise appréciation des lieux, je me retrouve quasiment embarqué vers La Rigalderie. Je me dis que je suis un bel idiot mais en même temps, ça ne porte aucune conséquence car les paysages sont splendides de chez splendides. Par rapport au Campestre, j’aurais tendance à dire que le Blandas est un peu moins pierreux, un peu plus des landes à buis, un peu moins dominé par les anciennes cultures et très éventuellement un peu plus chaud (disons méridional).
Plein de couleurs à La Rigalderie, puis direction les menhirs. Ils sont touchants car ils donnent l’impression d’avoir vécu un assaut, ils sont troués. Les chevaux viennent à la clôture, les alouettes ascensionnent, les criquets et les grillons s’en donnent à cœur joie. A la ferme du Landre, j’oblique vers le Planas puis le GR de Pays Tour du Viganais.
Il fait fort chaud à présent, ça ne fait pas de mal. Ce chemin plein nord me permet de rejoindre le (très connu pour nous) hameau de Navas, où nous avons logé plusieurs années de suite. Seulement, il est de fait que jamais ces étapes n’avaient permis de visiter posément les alentours. Le début de parcours est en tout cas émaillé d’une ancienne lavogne, qui possède de belles couleurs. Les terres du bas sont en labours, on entend les lauzes sur le soc. Mon objectif est la Serre de la Labagne, au nord de Navas. Elle n’a rien de particulier, mais elle permet de dominer le pays du Viganais, dont Bez-et-Esparon.
Le sommet est très venteux, incroyablement envahi de buis, et je dois dire que l’environnement a tout d’un site agréable. J’aurais apprécié redescendre pleine brousse vers La Guignère mais je me rends bien compte que c’est une mauvaise idée. Il y a pas mal de cultures de luzerne et je ne veux pas marcher dedans. C’est donc par les chemins et les petites routes que je rejoins la carrière de Lauzes puis Montdardier.
Longs sont les derniers kilomètres à La Truque puis le chemin vers la Sanguinède. Comment s’en étonner, je connais par cœur ! C’est avant le coucher du soleil que le sac est posé au sol. Il fait bon, un peu venteux, les crapauds calamite lancent leurs premiers crôa.
Le Blandas bucolique, ça respire le printemps à chaque pâture.
Bilan du séjour
* Le matériel a été parfaitement adapté, à l’exception de la protection contre le froid. Il est à préciser que les conditions climatiques ont été très anormales en matière de températures négatives. Donc du coup, concernant l’aspect MUL, ça commence à être rodé.
* Monts Lozère et Cham des Bondons : fait ! C’est un émerveillement.
* Peu d’attrait pour le causse Noir.
* Les terres du Campestre et du Blandas sont un peu confidentielles. Elles méritent de l’attention. Elles sont touchantes.
A l’avenir
* Très clairement, approfondir les parcours dans le Campestre, notamment Le Luc Bas et le Luc Haut, puis Le Cros. Ce voyage donne une première impression mais il y a un peu de superficialité.
* Aller au Larzac, dernier grand causse me manquant.
Autrement, je me dois d’écrire mon impression favorable sur l’évolution des causses depuis mes promenades de 1993. Moins de désertification, plus de projets locaux ; les dolines sont souvent cultivées d’une agriculture extensive plutôt porteuse d’avenir. Auparavant, je connaissais les lieux abandonnés aux buis, les terrasses éventrées, plus de chevaux, beaucoup de pression de chasse. Bref, ça évolue plutôt bien.
A de prochaines et toujours aussi motivantes randonnées !