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La côte d’Albâtre - Compte-rendu de randonnée
31 octobre – 5 novembre 2017

Les randonnées d’hiver posent toujours question. C’est en principe plus dur qu’une randonnée classique : froid, humidité, pluie, obscurité, cela fait beaucoup d’obstacles. C’est alors que l’on se dit ma foi c’est ça ou bien aller au travail. Le choix est donc très vite fait, et le plus souvent c’est sans regret. Voici donc un court récit de randonnée au sein des côtes d’Albâtre, entre la Pointe du Hourdel et Bracquemont (Dieppe), avec une petite virée complémentaire au Crotoy (Marquenterre).

Jour 0

Au départ de Court-St-Etienne, le trajet vers Abbeville se déroule sans problème notoire, si ce n’est que c’est chargé sur les routes. C’est une situation assez prévisible qui en réalité ne constitue pas une embûche (par contre dans l’autre sens, les pauvres rament sec à Mons). Au fil d’un trajet globalement nocturne, j’arrive à la gare d’Abbeville à 18h45, heure prévue. Le site est assez désertique, ce qui se révèle pratique. Je retrouve Nico au pied de l’église Saint-Vulfran – il est venu de Paris en train.

Il s’agit d’une élégante église, ancienne collégiale, qualifiable de petite cathédrale. C’est un édifice à l’aspect pour le moins soigné, gothique trapu, esthétique et interpelant. Son chevet (voire même le chœur), se trouve tronqué. La forme est étrange. Cette non-finition du transept pourrait être d’origine ; en réalité je ne trouve pas de documentation claire à ce sujet.

Abbeville est une cité dont le centre est étonnamment soigné, dynamique et propre. Au vu des commentaires sur ville-idéale, je m’attendais à une ville archi-morte. En réalité, le centre-ville d’intérêt historique est simplement très réduit, de la sorte on fait le tour de la petite ville en peu de temps. On ressent bien que les pilonnages de 1940 ont amené une destruction importante de la ville. Après il est clair que notre visite est tout à fait superficielle. Bien de petits secrets doivent se cacher dans des rues peu fréquentées.

Nous prenons un kebab au snack Antalya. L’accueil est froid et l’assiette moyenne. Cela aurait été largement prévisible (voir pagesjaunes.fr/pros/09406454), mais faute d’un dictionnaire des kebabs bien structuré, cette donnée était inconnue ! Suite à cela, nous prenons la route vers Le Hourdel. Tout se passe très bien.

Au Hourdel, le parking gratuit (celui des resquilleurs bien documentés !) est envahi de camping-cars. Hum, je n’aime guère ça, ces situations provoquent pas mal de va-et-vient. Du coup nous stationnons en un autre lieu, agréablement désert.

Nous établissons le campement en 50.216708, 1.566080. Il s’agit à peu près du seul lieu envisageable dans bien des lieues à la ronde. Tarp sommaire accroché à des buissons épineux, tout va bien. Jusqu’à ce que… mmmmeumememememeu ! La mob, ah non ! Il est minuit, puis 1 heure du matin, puis 5 heures quand même ! Un mec (bourré ?) roule sans phare avec une mobylette antique. Il s’écrase ( ? ) sur les galets, squatte, puis repart dans des tournées de mec amoché. Va-t-il nous rouler dessus ? Oh le boulet mazette ! Bon bref à part ce crétin, tout se passe bien. Logement 3 étoiles.

Jour 1

Début de journée à 7 heures, avec le lever du jour. C’est tard, mais les randonnées d’hiver c’est comme ça. Nous prenons le petit déjeuner dans le couchage. Il fait 2°, ce qui n’est pas énorme, mais cela s’avère en fin de compte plutôt agréable au vu du bon équipement. Au loin les canards coincoincointent, ce qui se révèlera pour ainsi dire une constante du séjour !

Nous aurions pu choisir de visiter la baie de Somme, ce qui au tout départ était l’idée première, mais au vu de la terrible concentration de huttes [de chasseurs qui canardent les migrateurs], j’ai décidé de boycotter le secteur. Au loin en effet, la kalachnikov crible le paysage de ses sonorités agressives. En effet dès qu'un canard à le malheur de se poser sur un étang, il se fait bourriner par une demi-douzaine de flingues en embuscade, c'est dire l'ambiance ! Soyons clairs, ils aiment la nature, ils le disent et c’est une flagrance. De la sorte et à défaut de la baie de Somme, ce séjour sera celui de la côte d’Albâtre (et tant mieux).

Avant de partir pour les falaises, nous visitons tout de même la pointe du Hourdel, qui est donc la langue de terre longeant l’estuaire de la Somme. C’est un site classé comme affreusement touristique, voire même carrément pointé « pour voir les phoques » sur Gogole. Le fait qu’il soit tôt nous épargne la cohue. Et oh ? Tiens, une tête qui dépasse ?! et… oh, une autre… Les phoques sont effectivement au rendez-vous et se moquent éperdument des quelques promeneurs. Nous marchons jusqu’au blockhaus. Sur un banc de sable, un groupe de phoques fainéants se prélasse. Sympathique ambiance ! La promenade est tout à fait plaisante en cette période de hors-saison.

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Nous retournons à Marguerite, prenons le temps de préparer soigneusement les sacs, puis embarquons pour Cayeux, le point de départ de notre rando. Stationnement sans souci dans une situation excentrée de la ville, nous rejoignons le bord de mer avec aisance.

Il s’agit d’une plage de gros galets. La marche n’est pas toujours aisée, mais ça reste plaisant. A proximité de la fin de la ville se trouve un curieux édifice. Gogole le classe erronément dans la section des monuments historiques (ne JAMAIS se fier ni à wikimerdia ni à gogole) ; il s’agit en réalité d’un amer, érigé en 1947 (l’amer sud de Cayeux). L’amer est un point de repère fixe, qui détermine un lieu sans ambiguïté pour les marins ; bref c’est un phare sans lumière. Bâti sur un blockhaus allemand, il rappelle étrangement la forme d’un objet guerrier. A proximité de ce lieu, je descends sur une diguette en béton. Je signale à Nico de faire attention, ça glisse. Avec les galets qui roulent, je me pète la gueule (c’est le moins qu’on puisse dire !!), et me fais mal au poignet.

Le trajet jusqu’à Ault se déroule sans remarque. C’est en fin de compte assez monotone et plat. A gauche se trouvent les mollières, les terres salines de l’ex-baie, le tout graduellement solidifié avec la constitution des digues. La mer ne s’engage plus dedans. Le toponyme est le Hable d’Ault. C’est envahi de huttes. Les ballastières ont laissé des vides qui sont devenus des étangs. Ils sont tous couverts de faux canards en plastique made-in-china. Des bunkers dissimulés permettent de défoncer le moindre canard se posant. C’est très-très morbide. Fuir…

C’est en début d’après-midi que nous arrivons à Ault, cité vieillissante assez calme en cette période. Les falaises débutent à Onival. Ah, enfin les falaises ! Après une petite pause, nous reprenons la marche. A chaque fois va se poser la question : par le haut ou le bas des falaises ? Ce choix se révèle primordial selon les marées, puisqu’en marée haute le bas des falaises est battu par la mer. De longues voire très longues sections sont conditionnées par ce choix. Ici la marée basse le permettant, nous allons jusqu’au Tréport par le bas.

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L’estran est un joyeux mélange de cailloux, de galets, de rochers, de petites plages de sable mou parfois sur la partie très basse. C’est globalement difficile à marcher, le chaos est important. Par contre, ça dégage des vues sur les falaises qui valent le détour. Le plus souvent, elles ont 100 mètres de hauteur. A Ault elles ont 105 mètres, à Penly 107. Le plus haut est visiblement à Etretat, 108 mètres. L’ambiance est en fait étretatique, comparable bien que moins normande, et très agréable il faut le dire. Quelque part on retrouve en bien des lieux une architecture picarde rappelant sans détour celle du Pas-de-Calais maritime.

Nous passons la valleuse du Bois de Cise. Les valleuses sont des vallons de recul de la falaise, et sont le plus souvent suspendus. Des escaliers en permettent la plupart du temps l’accès. Il y a pas mal de touristes présents dans une ambiance paisible, quelques rares pêcheurs et rares baigneurs (les courageux !). Nous arrivons alors à Mers-Les-Bains, qui possède un superbe front de mer, puis Le Tréport. L’ambiance nocturne est assez calme. Nous prenons un repas sur les marches d’escalier du port. Le repas est … piquant ! On va dire que globalement, j’ai un peu la même tête que le poulet ;-)

On croise un établissement qui s’appelle le Quai Bab tréportais. En environnement entièrement nocturne, nous montons le terrible escalier qui mène au sommet du funiculaire ; l’ambiance des lampadaires qui s’allument lors de notre passage puis s’éteignent fait penser à une agréable vision du-genre-Ghibli. En haut, han, c’est haut ! Nous devons trouver un campement, mais le haut de falaise est clairement trop venteux. On tente un chemin agricole à l’entrée du Mesnil, mais poum, c’est le barbelé de plein fouet ! Pas vu… Bon sans dommages heureusement.

Finalement nous établirons le campement dans l’aire de jeux du Mesnil-Val-Plage. Très drôle ! La toile est tendue derrière le jeu et rend l’installation invisible aux passants… qui passent ! Dont la famille avec enfants, droite gauche droite gauche, on rentre du boulot ! Ils chantent gaiement en rentrant chez eux. On a très peur lorsqu’on entend maman, les jeux… Mais non, ouf !!!!! Car la tronche des clochards aurait quelque peu effrayé !! Logement 4 étoiles. En plus on a l’eau courante sur place (davantage un karcher qu'un robinet mais très efficace !).

De la pointe du Hourdel au blockhaus – 4 km.
De Cayeux à Mesnil-Val – 22,3 km.

Jour 2

Début de journée à 7 heures, ce qui sera une constante. Le petit déjeuner en couchage est super agréable, les jeux font des tables ! Faut pas trop trainer ma foi, car les premiers passants passent et là quand même, il ne faut pas exagérer, il fait jour ! La marche débute par le bas, marée montante, vers Criel. On sait que le temps est juste avec la mer montante, ce qui se révèlera d’ailleurs juste-juste à l’arrivée, mais aucun danger. La section de falaise était courte (2 km piles).

A Criel, nous sommes obligés de monter sur les falaises. Deux raisons justifient cela, la marée haute et le fait que la centrale de Penly est un terrible obstacle (mais nous y reviendrons). Le haut de falaises est très agréable, il faut le dire, et c’est un environnement à la fois calme, quasiment désert, venteux et infiniment beau. La mer est si haute si loin qu’on la devine à peine. Bien qu’un peu couvert parfois, le climat reste serein et quasiment estival. Plusieurs périodes voient le parcours en t-shirt, en novembre !

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Après ce long parcours en falaises, on arrive à Penly. C’est une centrale nucléaire qui possède 70 hectares gagnés sur la mer. Le front de mer est totalement bloqué. Du coup, on se voit rabattus à un long détour, village de Penly puis village de Vassonville. Les haies sont taillées avec un soin à la limite du trouble obsessionnel compulsif à tendance psychorigide (ouais, rien que ça !). Le moindre détail est taillé avec des angles obtus, aigus, ronds soignés, tours de plaques d’égout, de poteaux, etc… Ca ne déconne pas !!

Au sortir de Vassonville (49.971099 , 1.209544) et en territoire public, on se fait braquer par la police. Ils déboulent avec un gros pick-up et paf, ils sortent puis nous tombent dessus avec leurs Famas. Ils ont le souhait de contrôler notre identité parce qu’on est près du site nucléaire. Consultation du casier judiciaire, fouille des sacs. On écope d’un contrôle de routine qui certes, on ne peut guère leur reprocher, prend la tournure d’une vérification complète, mais diable que cela est agressif et laisse derrière une terrible sensation de malaise… Je leur reproche qu’on est quand même sur le GR officiel. Ils disent qu’ils ont très peu de monde par là … Quelle affaire … Surtout qu’on est au parking du site. Les réacteurs sont à un pas de la plage, complètement accessibles, mais là on s’en fout de tout. On imagine les snipers nous pointer depuis leur cache.

Après une courte pause à Saint-Martin-Plage, où je manque de peu d’oublier mon appareil photo (frayeur !), on se dirige vers Dieppe. Par le bas, dans les chaos de roches et de gros galets, on ira jusqu’à Bracquemont ; ce qui se révèle une estimation, mais en fin de compte on n’en sait trop rien. Ça doit être assez bon. La jetée de Dieppe est à 4 km à vue d’œil. On stoppe le parcours ici pour plusieurs raisons : 1) On a caché les sacs à dos à Saint-Martin sous des tas de filets. Avec le matériel hivernal, les sacs sont lourds. 2) La soirée avançant, ça aurait fait un campement à Dieppe, ce qui est loin d’être évident (mais possible tout de même je suppose). Et 3) en fait on y avait pas pensé. C’est aussi banal que ça !

Les rochers chaotiques offrent un florilège de belles vues, les falaises sont monstrueuses. Et dans tous les gargouillis de roches érodées se trouvent plein de bestioles, dont de curieuses bites.

En fait à cause des flics, on est impatients de partir (on nous a clairement annoncé la couleur qu’on risque d’avoir affaire aux collègues au retour). Désolé Penly, mais côté tourisme, tu es à chier. On traverse toute la ville sans le moindre souci (ouf !) et au loin, la centrale gueule un bruit puissant lancinant ressemblant à celui d’une torchère. 4 km plus loin on l’entend encore. Et dire que nous avions envisagé de dormir aux abords... Pauvres riverains… Enfin, s’il n’y avait que la question du bruit… soit… passons…

On prend un agréable repas au pied du Mont de Vassonville, puis établissons un campement au lieu-dit Les Hares, altitude 107. La configuration du verger fait que c’est à l’abri du vent et très calme. Durant la nuit, un hibou crie WAHOU ! WAHOU ! Alors du coup je l’appelle Youpi :-D. Campement 4,5 étoiles.

De Mesnil à Criel par le bas, de Criel à Penly par le haut, contournement de Penly, St-Martin Plage, Bracquemont par le bas, retour – 34 km.
Bande son : Jean-Luc Le Ténia, un hibou sait qu’il dérange ;-)
Bon allez non Youpi, c’est pas vrai, on t’aime bien ;-)

Jour 3

Début de journée à… ok, je radote ! C’est très humide mais le matériel mis en œuvre permet de s’affranchir de ces soucis. Retour vers Criel par le haut. On s’était rendu compte qu’il existe bel et bien un chemin des falaises permettant de descendre et retourner par le bas (49.982413 , 1.224002) mais au vu qu’on tombe quasiment dans la centrale, qui le voudrait ? Le haut est venteux et nous effectuons quelques variantes. La valleuse de Parfondval est très profonde, huh il nous faut vite un remontant ! Les bombons Halloween tombent à point et mon généreux donateur se reconnaitra ;-)

Plus loin le Val Pollet, une valleuse aussi, a subi des pluies diluviennes. Les deux échelles du fond sont à moitié arrachées à moitié tordues, mais ça passe sans difficulté. On croise un promeneur lorrain qui nous dit tout le mal nécessaire sur les chasseurs, on l’avertit qu’il y a deux bouchers présents au Val de la Mer à Tocqueville.

Retour à Criel. Les pieds se plaignent, mais ça passe encore. On entame le trajet vers le Mesnil par le haut et découvrons Yauville. J’y reconnais les lieux décrits dans la vidéo du BRGM. La falaise est entièrement instrumentée. En effet ça se casse la g… mais alors grave, et jusqu’à 70 cm sont perdus par an sur certains sites. La route est abandonnée sur une portion. La situation est peu amène pour les riverains, visiblement.

On prend le repas de midi à la plaine de jeux du Mesnil. Alors là il y a grosse activité ! C’est amusant de voir cette ambiance, après avoir clochardé là ! Après avoir rechargé en eau avec le karcher que nous maitrisons bien maintenant, on va jusqu’au Tréport par le bas. Ambiance très-très chaotique garantie dans les innombrables rochers, au sein d’une marée tout-juste-tout-juste descendante. On dérange sans arrêt des groupes de goélands, qui râlent comme des poux !! Quant aux cormorans, perchés sur un immense bloc de falaise détaché, ce sont des flipettes ! Au Hourdel nous avions le droit aux plaintes par téléphoque, mais donc ici c’est plus moderne, les volatiles se plaignent sur intermouette.

Arrivée au Tréport, je souhaite vraiment aller au funiculaire, parce que j’ai vu un documentaire sur sa construction (un truc de dingue). Sauf que là c’est le choc. De la très grande nature, on passe à la file de deux autobus qui attendent. Le Tréport la nuit bah c’est pas pareil que la journée ! Bon c’est pas grave, on y va. Dedans sacrée ambiance ! Vannes à deux balles, un mec voit nos sacs et dit : alors, on va sauter ? D’abord je ne comprends rien, puis ensuite réalise qu’il a pris les trucs pour des parachutes. Un autre mime le discours de François Hollande. Oulah on fait dans la délicatesse ! Bref, euh… on se casse ?!!

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Au sein du Tréport, c’est tourisme de masse, on se croirait à la galerie marchande du Auchan ! Euh, on se casse ?!! On fait une pause à l’amer du Tréport, on prend le temps de papoter avec un goéland et son grisard qui se laissent photographier sans trop broncher (ils auraient sûrement préféré un Quai Bab) puis zou, partis ! Sauf que je fais une drôle de tête. Mazette que les gens d’ici ressemblent à … ah bah non, en fait c’est bien Jean-Philippe et Marie-Paule ! Mais quel hasard de se croiser ici ! On discute quelques instants. Je suis un peu gêné de me trouver aussi sale, mais soit c’est ainsi… On se quitte tous guillerets.

Comme nous étions passés assez rapidement, on regarde un peu mieux le front de mer de Mers-Les-Bains. En photo-melon, je pose comme François Hollande en discours devant la jolie borne de limite Seine-Maritime / Somme. Puis, à la suite de ces idioties, nous montons à Notre-Dame de la Falaise (éclairée en rose fuchsia mazette). Peu à peu les touristes redeviennent rares, puis c’est totale solitude sur le haut des falaises de Rompval. Normal car il fait totalement nuit et… ah bah oui en fait, on est sortis du GR et on est dans les pâtures à vaches !! Après quelques farfouilles, on sort par un petit chemin au Bois de Cise.

On y trouve une superbe table de pique-nique abritée, confort 5 étoiles. Il caille sa mère (enfin, devrais-je dire sa mer). La fatigue est présente, on se voit mal chercher un squat, on finira par choisir d’établir le campement en contrebas du restaurant ‘Le Cise’. C’est l’escalier d’accès de la valleuse à la mer. A première vue, ça a quand même l’air isolé. Je dis (ah oui je l’ai proclamé) : le panneau promet un campement 4 étoiles.

Mais dit mémé, il ne faut jamais se fier aux panneaux ! A 22 heures, Gilbert amène Ellen à la mer avec la lampe de son gsm. En voyant la toile, Mâdâme lance un : oh mais c’est quoi çââ ? Gilbert rassure puis lance un bonne nuit désolé ! Ensuite à minuit, une dame éméchée rigole et manque de gerber. Bon d’accord, 2 étoiles ! Mais nuit sans soucis.

De Penly à Criel par le haut (variante), de Criel au Mesnil par le haut, du Mesnil au Tréport par le bas, du Tréport à Bois de Cise par le haut – 30,2 km.

Jour 4

Petit-déjeuner pris sous la toile, très agréable ; il ne faut pas trainer car le premier canipisseur pointe son nez. A la table de pique-nique, Nico tente un début de crise cardiaque en voyant des livres d’une collection rare, dans une boîte-aux-livres. Sous un climat assez venteux, on se met en route vers Ault par le haut. Le Bois de Cise est du genre fortuné 150 étoiles, gros manoirs et mention spéciale pour la plaque d’immatriculation belge X-CISE ! En haut, belle rencontre avec un âne, puis Ault est en vue.

A Ault, nous faisons un détour par l’église, et conformément à ce que j’avais vu dans les documentaires, elle est bien construite en damier. Elle est constituée de carrés de pierres blanches et silex, ce qui est typique de la Picardie Maritime. C’est joli. Quel soin dingue dans la taille des pierres. Malheureusement l’église est en TRÈS mauvais état. La mairie n’entretient pas.

Nous repartons vers Cayeux par le haut. Le quartier d’Onival est impressionnant. Des bétonnages de constitution manifestement ancienne essaient de sauver les maisons, mais à l’instar de Criel, les dégâts sont bien légion. La mairie envisage purement simplement la démolition de 80 maisons à front de mer, dont Le Cise, en mettant en avant la question du retrait stratégique. Via le PPR, l’Etat français officialise (en zone rouge) qu’il n’a plus les moyens d’entretenir le trait de côte, il se
« désengage » de l’entretien du bord de mer. Le tout-poli-discours est entretenu sur un fond vicié de construire un nouveau-Ault en arrière de terres et donc disparition de l’épineuse question de l’entretien du front de mer. A défaut d’être soutenus, les habitants doivent faire face à une municipalité qui rêve sans détour de démolir leur habitation, allant jusqu’à bouter le feu en vue d’éradiquer les végétations et déstabiliser les falaises par suppression de l’enracinement. Puisque tout est voué aux pelleteuses, le secteur est dans un état de triste abandon : trottoirs défoncés, front de mer déglingué. Si vous pensiez avoir des soucis avec votre municipalité, allez à Ault, ils tiennent le haut du podium. Un groupe de résistance (J’aime Ault) s’est formé.

Suite à cela et sous une pluie de plus en plus insistante, nous rejoignons Cayeux. Curieusement pluie et vents ne dérangent pas, c’est la mer en hiver et c’est bien. A Cayeux, les pieds crient au secours ! Les galets et les pieds trempés, c’est un cocktail hostile. Nous prenons un repas sous le auvent à la table de pique-nique du Cise (super lieu !).

A la suite de ça et comme nous avons fini le parcours, nous prenons une après-midi de vacances dans la petite ville du Crotoy. C’est en baie de Somme (eurgh les bouchers) mais un parcours vers le parc du Marquenterre nous évite d’office les hostilités. A l’église, la pluie est battante, on se réfugie, puis à la côte, le vent et une gouttière forment une pluie horizontale !

On se dirige vers la Pointe de Saint-Quentin, objectif de la Promenade. En marée basse, ce sont d’immenses gigantesques étendues de sable-vase. C’est magnifique. Un mélange de mauvais temps majestueux et quelques éclaircies donnent de belles couleurs. Dans l’ensemble, on se trouve plutôt bien épargnés par le climat (pas mal !!). La longue promenade donne sur un chemin-fort-boyard, complètement détrempé de boue profonde. Il faut escalader un talus. Le contournement de la Maye, petite rivière locale, se déroule sans problème, puis dans un mélange de très-vaste-sable-très-vaste-vent, on arrive à la pointe. C’est beau comme tout !

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Demi-tour et la nuit gagne vite les paysages. On cherche un snack car cuisiner va être un peu compliqué avec le vent et la pluie. Les pieds ne crient plus, ils hurlent !!! On prend une calzone au camion à pizzas Ricolo, sur conseil de locaux, c’est une bonne idée. Alors qu’on déguste auprès du port, la pluie se met à tomber, du coup on s’abrite à la cahute de vente de poissons. Ca sent les moules. L’ambiance du Crotoy est celle d’un tourisme de masse, ils vont aux phoques à la Pointe à Guille, mais honnêtement en cette saison, pour nous c’est agréable.

On établira le campement dans un retrait, derrière la plage, environ à 50.228688 , 1.610517. Le vent est assez présent, la toile ballotte et plusieurs ajustements sont à faire durant la nuit, le sable est dur, mais la nuit est tout à fait tranquille. Pas de mobylette ! La marée haute gronde gravissime à une heure du matin. Visiblement en ce lieu, la marée montante est très violente, plusieurs panneaux en avertissent. Campement 2,5 étoiles et tout va bien.

Du Bois de Cise à Ault par le haut, puis Cayeux – 13,5 km.
Le Crotoy jusqu’à la Pointe de Saint-Quentin – 22 km.

Jour 5

Au vu de la pluie, pas de petit déjeuner au campement, mais au kiosque (jardin public du quartier des Mollières). Au loin, ça coincointe très sévère ! (https://aporee.org/maps/?loc=38535). Un voisin interpelé par ma posture immobile vient me voir. Il m’explique que ça coincointe parce que les canards sont nourris toujours à la même heure, c’est quelqu’un de professionnel et consciencieux. Du coup ça réclame à grande force de cris agacés ! Face à ce bruit, je lui demande s’il a ça tous les jours. Il me dit qu’il a l’habitude… Durant l’enregistrement, un mec déjà éméché dit que je téléphone au parcmètre. Oulah !

C’est de la sorte que nous partons vers Amiens, où je vais déposer Nico à la gare. Trajet sans souci. Le train étant effectivement à 11h23 et le suivant effectivement à 17h30 (wahou !), nous avons 1h30 afin de flâner en ville. Ambiance calme de dimanche matin et jolie volée de cloches à la cathédrale. A la gare à l’heure venue, il y a tout de même pas mal de monde et le train semble bondé.

De retour à Marguerite, je vais visiter le viaduc Jules Verne, en vue de voir son caisson. Seul souci, le gps interprète bien le point mais m’envoie… sur l’autoroute ! Bref, rapide correction, sans problème, et me voici en dessous. A Longueau c’est glauque et à Camon c’est beau (étangs, réserve naturelle). Le viaduc est bas mais impressionnant.

Le trajet de retour se déroule sans le moindre problème et de la sorte, je suis arrivé aux alentours de 17 heures. Le matériel est très humide mais peu sale.

Total du séjour : 126 km

Matériel et bilan

En matière de couchage, j’ai donc mis en œuvre le Lamina Z Torch (1780 grammes) ainsi qu’un sursac Bivy Millet (450 grammes).

Le couchage, en plus d’être excellent, est beau je trouve. Il a une forme adaptée, un rembourrage renforcé aux endroits stratégiques, un volume de pieds étroit et un coffre large (on y est très à l’aise et pas avec cette sensation d’enfermement propre aux sacs de couchage). Super capuche et fermeture complètement adapté. Que dire si ce n’est que je suis séduit ? Son poids est conséquent et son volume très-très conséquent. La rando d’hiver ce n’est pas aisé. Du coup j’ai dû promener avec le kit ainsi qu’un petit sac de complément. Même en fin de rando ça ne rentrait pas. Seul bémol, il faut vraiment des conditions froides. En fin de séjour avec une nuit à 10,5°, je n’en pouvais plus et j’avais une impression de volcanisme.

Le sursac est très adapté et franchement génial, séduction aussi, aucune condensation intempestive. Ça épargne la bâche et il est possible de se mettre n’importe où n’importe comment. Le bonheur. Ces deux matériels règlent les questions de la rando d’hiver avec satisfaction.

Quant à la randonnée, à l’exception de Penly, soyons clairs le charme a été bien présent. Penly n’a pas été un drame non plus, on a bien rigolé à chanter Allah Akhbar dans la voiture. Certes en été et pleines vacances c’est indiscutablement une autre histoire, mais là n’est pas le débat ; pour nous ce fut beau et c’est là un bel essentiel. Les galets-cailloux-roches sont très fatigants sur les inférieurs des muscles extenseurs (en gros le haut du pied), mais ça vaut la peine ! A poursuivre, pourquoi pas en côte d’Opale… L’avenir le dira bien.

Rappel

La notation officielle ISO 9001 (certifiée sans gluten) des campements est la suivante :

0 étoile : Bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, campement roumain, chien qui mord ! A défaut, un parking de l’intermanouches peut faire l’affaire aussi.
1 étoile : On ne dort pas mais c’est normal, il y a un moineau qui a subi une diarrhée chronique de personne âgée sur le tarp.
2 étoiles : On dort et c’est déjà pas mal. Toutefois un promeneur a caché sa vidange de bière dans mon sac de couchage durant la nuit.
3 étoiles : Sympa, sans chinetok-nouille au matin.
4 étoiles : Très agréable. On y revient. On conseille aux potes. Si possible 100% en propriété privée, afin de ne pas être embêté par les anarchistes comme moi mais qui sont pas moi.
5 étoiles : La même chose, mais avec une belle vue le matin.

Généralement un squat a beaucoup d’étoiles au début et puis… bah ça baisse très vite ! Normal quoi… On dira que ce sont les moustiques ;-)

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