La vieille forge oubliée (1/3)
Nous avons reçu les photos d'un voyageur et nous en avons fait la synthèse historique.
Nous voici au sein d'une visite qui relève de l'exceptionnel. Il s'agit d'une ancienne usine de fabrication d'outils agricoles. Nous sommes devant un témoin de la révolution industrielle, les locaux sont typiques d'un établissement à l'anglaise. On y trouve une armada de machines tout à fait exceptionnel. Il faudrait peu pour que l'on imagine la grisaille de Londres, le smog, la pluie, les fumées denses rousses et noires.
La localisation de ce lieu ne sera pas donnée pour deux raisons. Premièrement, on le comprend, en vue de protéger le patrimoine. Il est vrai qu'il est extrêmement rare de croiser cela. Nous n'avons rencontré cette qualité qu'en la boulonnerie Boël à La Louvière. C'est dire la rareté. La seconde raison est nettement plus déplorable. L'ensemble industriel est très dangereux du fait de son occupation actuelle. Sans aller plus en avant dans la description, nous nous comprendrons, tout du moins je l'espère. Si vous reconnaissez l'endroit, ne négligez certainement pas ce second aspect.
L'usine est constituée d'un nombre non négligeable de bâtiments tout en longueur. Certains sont en bon état, une part est occupée, certains sont croulants. En tout état de cause, tous les bâtis sans exception comportent un nombre important de machines-outils. Il s'agit essentiellement de marteaux-pilon. Nous trouvons aussi des masses à forger, des fours de préchauffe, des soufflantes, ainsi qu'une colossale installation hydraulique. En effet, l'énergie utilisée était celle de la rivière attenante. De ce fait, on trouve un imposant système de moulins dans un vaste bâtiment. Là encore, nous insistons, ce matériel est d'une grande rareté.
Les valeurs donnent le tournis. Les usines comprennent 12 roues hydrauliques de force de 180 chevaux et 3 turbines de 75 chevaux. Ces forces font agir 35 marteaux à queue et 9 soufflantes. Ces dernières portent le vent à 35 feux de forge, à 7 fours de releveurs, à 1 four à gaz pour la trempe, à 4 fours de recuisson, à 2 fours de bleuisseurs, à 4 feux de forge. A cela s'ajoute les 10 et quelques marteaux-pilons, dont certains récents - probablement les derniers temps de l'usine dans les années 1980.
La philosophie de cet ensemble industriel, c'est ce qu'on appelle le fouriérisme. Cela signifie, en cet espace de production, que l'industrie est directement reliée à l'agriculture. Cela permet la mise en œuvre de processus particulièrement intégrés, verticaux, autant dans la conception initiale que la destination finale. Il est utilisé le charbon de terre. Il s'agit en réalité de houille, qui provient du bassin tout proche, et dès lors celle-ci est beaucoup moins chère. Ceci allié à la production hydroélectrique, nous avons un ensemble industriel de très haute performance.
Le déclin de cette ensemble industriel, nous imaginons qu'il arrive un peu avant les années 80, avec l'émergence des tondeuses électriques, ainsi que des matériaux provenant de Chine. En effet, la fabrication de faux et de faucilles relève de travaux de haute précision. On estime bien que pour une débroussailleuse ou une lame de tondeuse, la précision n'est pas la même. Dès lors, l'entreprise se voit complètement dépassée par la main d’œuvre et les matériaux chinois. C'est dans ce temps qu'on voit une certaine forme de diversification, avec la fabrication d'outils de jardinage, telle des râteaux ou des lames de sécateur. Toutefois, cela n'aura pas suffi.
L'occupation de notre usine n'est pas forcément lisible (une fois de plus), du fait qu'un film a été tourné à l'intérieur. Il nous a été signalé qu'un certain nombre de décors et matériaux du tournage sont restés en place. D'après une brève enquête auprès de la société de production, il semblerait que tout soit intact dans l'usine, sauf le long corridor extérieur qui paraissait beaucoup trop neuf ! Ils ont sablé par terre afin de faire comme à l'époque, ils ont refait toutes les gouttières, remplacé toutes les portes des caves qui sont flambantes neuves de peinture bordeaux. C'est d'ailleurs magnifique. Quelques portes ont été remplacées, quelques machines ont été déplacées ; il s'avère que pour tout le reste, nous avons la quasi-certitude que l'ensemble est authentique. À vrai dire les intervenants sont tellement nombreux qu'à ce jour, plus personne n'en est vraiment sûr.
Voilà donc une belle visite qui se propose avec un grand nombre de machines. Comme je le dis et le redis, c'est exceptionnel. La commune en question comporte quatre usines de la sorte. Je vous invite à cette belle visite toute en poésie industrielle. Plongez-vous dans le vieux Londres de l'époque.
Voici un marteau à queue.
Notez son manche en tronc-d'arbre.
Les presses de matriçage à chaud.
C'est un joyeux bazar que l'on adore.
Dernière utilisation.
Une presse à pilon.
Un four de préchauffe.
Des ébauches de faux. Elles sont forgées mais pas encore pressées.
Comme si l'ouvrier, le frappeur qu'il s'appelle, était encore là.
Un modèle.
Joli corridor.
Des faux des faux des faux.
Magnifiques lumières.
La matrice.