Tchorski
Accueil - Urbex minier - Urbex industriel - Urbex religieux - Paysages sonores - Contact & achat - Politique de confidentialité

La maison Doudou

Parce que cela devait arriver un jour. C’était inévitable. Catastrophique. Ma lamentable histoire de la maison Doudou, la voici.

Depuis le rond-point, cette maison a l’air carrément abandonnée : volets fermés et abîmés, façade lourdement taguée, toiture en partie éventrée. Oui tout laisse à penser que je vais passer un moment urbex classique dans une maison abandonnée on ne peut plus régulière. Le jardin est dans un état de friche tout à fait rassurant. Devant un déluge de circulation automobile, une caméra sur un poteau électrique me filme, j’escalade le haut mur – non sans mal d’ailleurs, c’est difficile et scabreux.

Comme en témoignent des cartons entiers emplis de serviettes, il s’agissait d’un ancien restaurant : Le Mas des Artistes. C’est un peu compliqué d’imaginer que cela pouvait arriver dans un endroit aussi exigu, mais pourtant, aucun doute ne peut exister. Le gestionnaire de l’établissement était Dominique. La création du restaurant date de 2012 selon le registre de commerce trouvé sur place.

Le restaurant vantait une terrasse ombragée, une maison de jeux pour les enfants, un havre de paix cévenol. Dominique, originaire de Belfort, était aux fourneaux, secondé par Eloïne, belle-maman. La maman et compagne de Dominique, Delphine, professeur d’espagnol, aidait durant la période forte de la saison estivale. De quand date la cessation d’activité, aucune idée.

Ca et là trainent de nombreux jouets, des livres pour les tout-petits. Il y avait un enfant ici. J’imagine ma petite Ava là-dedans du haut de ses à-peine deux ans, elle aurait tant envie de toutes ces peluches, elle dirait : doudou !

Je poursuis la visite de logis en logis, une poupée gît décédée sur un sommier de lit. Tout sent la tristesse d’avoir dû fermer, partir. Je traverse en silence un long couloir plutôt joli, et soudain c’est l’instant dramatique : je tombe sur un ordinateur allumé. Sidéré, je vois l’écran, les quarante mille icones, la lampe de chevet allumée. En bas, le petit chat décampe. J’entends les pas d’une personne. Catastrophe, catastrophe, je suis dans une maison habitée.

Je n’ai pas été vu ni entendu – en tout cas on dirait, il est encore temps. Je quitte les lieux le plus en silence possible. Mon pied photo n’est pas replié, des grosses pelotes de bardane s’accrochent à mes vêtements. Je suis au pied du mur, à moitié caché dans la végétation. C’est le moment d’escalader. Je dois m’accrocher à un arbustes frêle, tracter sur des monceaux de lierre qui ne tiennent plus à rien. Oh purée quelle histoire. Et puis voilà un peu de chance, je suis dehors, à nouveau sur le rond-point.

Ca ne m’était jamais arrivé ce genre de bévue et honnêtement je n’aime pas ça. Nous nous serions rencontrés dans la maison, combien aurais-je fait peur, combien aurais-je blessé ? Heureux de dire que j’ai pu prendre la fuite sans plus déranger. Mazette une belle catastrophe.

A l’abri, je reprends mes points GPS pour essayer de comprendre. Je constate que mon appareil a bugué et a mélangé-agrégé des points. Sur celui-ci était clairement indiqué : a l’air d’avoir été entièrement refermé, n’est plus abandonné. Tout s’était mélangé, je n’avais pas abordé les visites avec précautions, celle ultime d’abandonner le projet notamment. Ca arrive parfois, ça arrive souvent même.

Je file le plus loin possible, d’autres explorations plus simples et plus sereines, pour oublier. Le lendemain à nouveau de passage sur place, je circule à pieds histoire de trouver une boîte-aux-lettres, peut-être déposer un mot d’excuses qui sait ? Mais je ne trouve rien sur le devant de la maison : tout respire malgré tout l’abandon. Est-ce à l’arrière, un restaurant aussi ? Je n’en sais rien, je m’en vais sans rien de plus. Après tout, discrétion et respect : surtout laisser tout cela dans un oubli profond.

Heureusement que ça n’a pas été plus désastreux que ça. La maison Doudou, un curieux souvenir. Ce qui est sûr, c’est que je ne suis pas prêt d’y refoutre les pieds.

ACCUEIL