Tchorski
Accueil - Urbex minier - Urbex industriel - Urbex religieux - Paysages sonores - Contact & achat - Politique de confidentialité

Le manoir aux drapeaux

Voici une petite visite d’un lieu urbex que l’on appelle le Manoir aux Drapeaux. C’est une visite compliquée car le voisinage ainsi que la propriétaire sont purement excédés du passage là-dedans. Désormais ça vire à la surveillance intensive et la case prison du Monopoly. A vrai dire, c’est entièrement compréhensible. Le manoir a été totalement retourné et saccagé par des voleurs. Comment s’étonner dès lors ? Voilà une fois de plus un si bel endroit qui se voit massacré.

Une vérité qui ne va pas plaire : les drapeaux sont des montages à la con des urbexeurs. A bien le regarder de près, le manoir dans son ensemble est super soigné, chaque petit élément est à sa bonne place. Or, un drapeau est pendu devant un tableau. Le dessous du tableau est blanchi, le large montant du drapeau, accolé au mur, n’a laissé aucune trace : question d’impact de la lumière sur la tapisserie sur de longues durées. Pourquoi voudriez-vous que des gens si soigneux aient mis ces débilités devant un tableau ? Absurde et totalement incohérent. Bref c’est dommage mais en réalité, ce n’est même plus étonnant. Les montages urbex, tout le monde s’en plaint, mais il y en a partout.

A rebaptiser donc, pour autant que ça soit réellement utile, ce serait le manoir de Rosine et Jean.

L’histoire de ce lieu est plutôt bien identifiée, ce notamment du fait que les documents administratifs (des passeports anciens) ainsi que des lettres datées de la seconde guerre mondiale étaient présents. J’en dresse un bilan ci-dessous, tout en ôtant les noms de famille puisque cela fait remonter à l’adresse du manoir : pitié, ne l’exposons pas plus encore au vandalisme. J’ai dressé un arbre généalogique par le biais des termes utilisés dans les courriers, chère soeur, cher beau-frère ; un relevé que je ne peux pas publier puisque de facto, les patronymes donneraient les clés de la porte d’entrée du manoir. Je n’en sors que des extraits.


Jean et Rosine. Photo : B.

La famille, le berceau

Les ancêtres proviennent de la région parisienne. Germaine, que nous classerons l’arrière grand-mère, est répertoriée à Longpont en Seine-et-Oise. Il s’agit de Longpont-sur-Orge situé près de Montlhéry, donc en banlieue sud de Paris. Cette information ne nous intéresse pas plus que ça, étant donné que ce n’est autre qu’un grand éloignement du manoir. Oui… si ce n’est que c’est probablement elle au visage hyper-sévère, sur la photo ovale dans la chambre rose. Elle domine la chambre, ce qui peut faire pressentir l'aspect familial presque nucléaire, une ambiance qui perce franchement au travers du manoir : c'est un lieu carrément loin d'être anonyme.

Nos occupants historiques sont  Jean M. alias le grand-père et Rosine A., alias la grand-mère. Jean était professeur des écoles. Grand humaniste, il a accueilli visiblement à répétition des personnes en exode durant la seconde guerre mondiale. Elle, très à l’écoute de sa famille, sans cesse à prendre soin de ses proches. En témoignent les innombrables courriers.

Jean et Rosine, grand-père et grand-mère, sont les propriétaires historiques du manoir.  Ils ont eu un comportement que l’on ne peut pas qualifier d’héroïque, ce ne serait pas le bon terme, mais en tout cas au minimum profondément humaniste. De nombreux papiers de remerciement laissent à penser - sans grand doute - qu'ils ont accueilli des familles durant l'exode, en 1943, dans le but de les protéger. Rosine a largement contribué aux confections de cuisine et paquets. Il est sans cesse évoqué la grande table, l’accueil sans concession, la bienveillance.

Tous les autres intervenants, nombreux frères et soeurs, on doit profondément trier, parce que ça nous ramène à une histoire familiale dense et radicalement confuse. Dire que l'on pourrait en écrire un livre est excessif, mais en tout état de cause, c'est surtout que ça nous éloigne du manoir. Les lieux : Guéret, Draguignan, Mâcon, Brioude, Saint-Etienne, etc.

Frères et sœurs de Jean : Thérèse. Louis. Ce dernier a pour fils Lucien. Eventuellement Jacqueline. Je ne peux pas garantir son existence, archive confuse. Aucune idée de l'ordre de la fratrie. Je ne dispose que de cher frère chère soeur.

Frères et sœurs de Rosine : Barthélémy. A pour enfants Jules et Rosa. Jules a été fait prisonnier de guerre en Allemagne, notablement en 1941. La famille lui a inlassablement donné du soutien avec des paquets et des lettres. Cyprien. A pour enfants Juliette et Emma. Augustin. Chef de gare sur la commune de Les Arcs, ce qui de nos jours correspond à un secteur ferroviaire sur la commune de Draguignan. A pour fille Lucienne.

La famille côté Jean a eu maille avec un héritage difficile, ce qui explique les liasses ineffables de documents cadastraux et notariaux. Une situation qui fut sans conflit, mais en seconde guerre mondiale, 1943, un casse-tête épuisant pour eux. Les notaires ne se déplaçaient pas, les héritiers étaient interdits de déplacement par l'occupant Allemand.

Remercions B. d'avoir fait les photos des clichés anciens, car à mon passage quelques semaines plus tard, il n'y avait plus rien de cela.


Clarisse et Henri G. Photo : B.

La famille, les enfants

Jean et Rosine ont eu pour enfants Clarisse M. et Henri M.

Clarisse née M., mariée avec Henri G., née en août 1909 et décédée en juillet 1985. Alias : la mère. Elle écrit une correspondance très volumineuse d’une écriture fine et malcommode. Elle est professeur des écoles. De très haut niveau, elle a fait l’école normale supérieure en section Lettres. Attention donc au fait que nous avons un fils Henri M. et un mari Henri G.

Clarisse s’est donc mariée comme précité avec Henri G., né en juillet 1910 et décédé en juillet 1974. Alias : le père. Localisé à Mâcon. Professeur des écoles. Son patronyme complet est Pierre Henri G. Pourquoi se voit-il nommé par son deuxième prénom ? Son acte de décès mentionne Pierre G.

La correspondance d’Henri M., bien que volumineuse, ne nous apporte rien. Clarisse quant à elle nous intéresse parce qu’elle est la mère de la propriétaire. Professeur des écoles, en principe sur le secteur de Guéret dans la Creuse.

Les enfants de Clarisse et Henri sont : Anne G., née en novembre 1942 et Geneviève G. Si l’on a une correspondance abondante concernant Anne, alias Poupette, on ne sait rien de Geneviève, si ce n’est qu’elle se marie avec Alain en 1978. Cette dernière est, pour autant que nous ne fassions aucune confusion, la propriétaire du manoir. Nous devrons nous limiter à ne rien savoir car il y a foule d’homonymes. Elle reçoit du courrier plutôt récent à l’adresse du manoir.


Probablement Anne et Geneviève. Photo : B.

L’avenir du manoir

En ce qui nous concerne, mentionnons en premier lieu que la situation sur place n’a pas permis d’étudier la correspondance, ce notamment parce que les courriers abondants étaient dispersés et saccagés. Ce n’est qu’en consultant les photos des courriers, a posteriori, que les pièces de puzzle se sont imbriquées. Notons de plus que de consulter ces centaines de photos de courriers a demandé un temps fou.

Donc, je ne dispose pas de la photo de la tombe de Jean et Rosine. Par contre, il est entièrement envisagé de le faire, ce dès que l’opportunité s’en présentera. Moins évident pour Clarisse et Henri, si jamais ils sont à Guéret. C’est éloigné pour nous. Reste que Guéret semble avoir été le vivier de leur activité dans les années 40-50, mais qu'en est-il de leur vie postérieure ? Ont-ils déménagé ? Nous ne trouvons plus aucune trace d'eux après 1950. Notons en toute précision utile que Clarisse est décédée en la ville de Clermont-Ferrand.

Quant à l’avenir du manoir, il semblerait qu’il souffre d’un souci d’indivision, ce qui en provoquerait de manière compréhensible la situation de lieu inoccupé. Tout ce que l’on pourrait lui souhaiter, c’est de sortir de l’humidité, du vandalisme, et de retrouver son si beau rôle humanitaire qui l’a animé durant tant d’années.

Après de longs mois d’attente (enfin trouver une occasion d’y aller, c’est loin), nous avons pu nous rendre sur la tombe de Jean et Rosine. Ils sont inhumés avec Clarisse leur fille et Henri, son mari. Nous pensions qu’ils étaient à Guéret. Non, ils sont revenus dans le lieu de l’enfance. La tombe a été fleurie pour la Toussaint, ce qui témoigne que cette recherche mène à une famille encore bien présente et aimante. La succession n’est pas vacante. J’aurais aimé fleurir la tombe, mais en cette saison il n’y a plus de fleurs. Nous avons envoyé une pensée forte pour cette famille.

ACCUEIL