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La maison à Joseph

Qu’est-il arrivé dans cette petite ferme ? Nous aurons bien du mal à le savoir. L’abandon date d’il y a très longtemps. Les déprédations ont ratissé chaque mètre carré de pièce d’habitation, la toiture s’effondre, les vents balayent les pluies dans les recoins de vie enfuie-enfouie dans l’oubli. Ici tout est mort, révolu : le temps efface inlassablement. Il ne reste presque plus rien.

Non pas que nous soyons trop tard ; exigence intenable, nous faisons beaucoup… de notre mieux. Les vestiges de vie nous nourrissent, qu’ils soient palpables – presque étouffants – qu’ils soient ténus comme une infime fragrance.

Doit-on deviner un refus de la succession pour des questions de dettes ? L’on peut imaginer quinze mille demi-vérités, qui ne feront que s’approcher. Bien des fois nous nous sommes trompés. Des faits, rien que des faits dirions-nous.

La ferme a appartenu à Joseph V., né le 23 juillet 1913 et décédé le 10 juillet 1997 à l’âge de 83 ans. Il pourrait relever d’une certaine logique que la ferme soit abandonnée depuis 1997, c’est donc très lointain. Son épouse, Noélie, née Bastide le 4 février 1921, mariée V. en 1945. Elle est décédée le 6 août 1997 à 76 ans. Son mari est décédé le 10 juillet, elle partait le 6 août. Combien ils ont dû s'aimer.

Deux enfants. Jean-Marie, qui est (ou qui fut) actif dans une société de motoculture dans le Gard. Il a 69 ans. Bernadette, qui est active dans une société d’agriculture en Ardèche. Elle a 61 ans. Un fait assez amusant de cette maison, une personne collectionnait les emballages de paquets de cigarettes.

Cette ferme tombe en ruines, tout est retourné ou en situation de semi-effondrement. Malgré tout, on devine encore la vie d’antan, la gazinière ultra-vieille, le désuet emballage de lessive. C’était rude, c’était frustre, c’était un peu comme ça partout en fait : une vie paisible aussi. La ferme laisse entendre des jours heureux, ça devait être simple et nourrissant.

Joseph était indéniablement un petit agriculteur. On trouve des médicaments pour le bétail, on détaille de nombreux produits phyto pour les cultures, des gros tonneaux pour la vigne. Derrière, une très ancienne deux chevaux se fait envahir par les ronces. Extinction de vie, ça disparait, hiver après hiver.

La tombe de Joseph, il est tout seul dans ce petit cimetière agréable ; tant de fois j’ai pris mon petit repas juste au-dessus, sur le muret, profitant du soleil hivernal. La tombe est entretenue. Une chance, une photo sur la sépulture : un petit pépé qu’on se plairait à aimer, prenons un café ensemble aurait-on dit (je passais par là, était-ce inconsciemment fait exprès). J’ai pu fleurir la tombe, même si l’hiver approche à grands pas.

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