La maison Marie-Odile
Cette photo "pourrait" être Marie-Odile à gauche, Anne-Marie à droite. Date probable 1948.
Quelle chance d'avoir découvert cette maison ! Le moins qu'on puisse dire, c'était inattendu. Le contexte, c'est Anthony Peelhot qui suspectait plus ou moins l'existence d'un petit quelque chose. Après une belle journée de virée urbex, nous sommes déjà en soirée. On va voir ? On va voir !
Devant nous, ça fait des lustres qu'une moissonneuse batteuse bloque la route. Nous sommes à 10 kilomètres heure. Peu importe, il fait beau, on est bien. Et puis voilà qu'apparaissent des barrières. La maison est ceinturée de toutes parts. Chose assez logique, elle s'effondre. Les signes d'abandon sont manifestes.
Sur place, après une très rapide évaluation des lieux, nous constatons que l'habitation est tout simplement grande ouverte. Un pillage en bonne et due forme a été organisé. L'intérieur de la maison est saisissant. C'est très fortement dégradé mais par contre tout est resté totalement figé sur place.
Le début d'un long récit historique - Recherches généalogiques par Antiope Holstein.
La cuisine ayant été forcée, c'est la seule pièce qui bénéficie de lumière. Tout le reste est dans le noir, les volets sont fermés. Cela dégrade intensément la qualité des photos. C'est dommage mais de toute évidence, il faut faire avec.
Les pièces révèlent chacune un niveau culturel extrêmement élevé. On trouve de partout des références à de la musique classique : des disques, des portraits tels Beethoven ou Brahms, des centaines de livres sur les musiciens ; une armoire complète de livres de partitions anciennes et malheureusement dégradée, un piano aussi.
Aux premières recherches, nous suspectons être dans la maison d'un musicien de renom, mais non, nous serions tout simplement chez des mélomanes.
Les grands-parents
Les premiers occupants de cette maison sont Sébastien et Marie. Les deux familles se connaissent en 1814, les hommes ont fait l’armée ensemble. La maison proviendrait, d'après les recherches, de la maman de Marie : Madeleine.
Cette dernière, Madeleine, était tisseuse dans une ancienne filature de soie. Cette industrie était localisée à l'origine dans le château. Elle existe toujours mais dans des locaux modernes.
Sebastien était tailleur de pierre. C’est probablement lui qui a sculpté la tombe et la cheminée. La dalle de la cheminée, finement taillée dans du marbre noir, comporte la date 1888. La date est inexpliquée car la famille s'y implante de manière antérieure. Peut-être est-ce un aménagement ou un don de Sébastien.
Sebastien s’est marié avec Marie en 1873. Il habite avec elle, ainsi que les parents de Marie dans cette maison. Leurs enfants naissent et y vivent aussi.
Sébastien est né en 1845 et décédé en 1909.
Marie est née en 1846 et décédée en 1923.
Les parents
Sébastien et Marie ont pour enfants Albert et Edouard. Nous relevons sur le caveau familial la présence de plusieurs enfants mort-nés. Nous ne possédons pas de plus ample détail à ce sujet.
Albert se marie avec Augusta. Il effectue une carrière militaire brillante durant la première guerre mondiale. Par la suite et durant toute sa vie, il mène des activités associatives d'ancien combattant. Il a exercé le métier de bijoutier. Cela explique probablement que la maison ait été intensément volée.
Albert est né en 1912 et décédé en 1985.
Augusta est née en 1917 et décédée en 1982.
Les derniers occupants
Albert et Augusta ont pour enfants Anne-Marie et Marie-Odile.
Nous savons infiniment peu à leur sujet.
Anne-Marie a probablement habité à la maison, puis dans le secteur d'Annecy. Elle est la seule personne, avec Albert, pour qui nous avons rencontré des photographies anciennes.
Marie-Odile ne s'est pas mariée. Elle a assez longuement travaillé, avec beaucoup de coeur, dans un CDI de collège et lycée, à une petite vingtaine de kilomètres de son habitation.
Alors qu'elle était déjà un peu âgée, elle a été virée de l'établissement sans ménagement et sans le moindre gramme de respect. Elle en a beaucoup souffert. Elle a essayé de rebondir, notamment au niveau du Sacré-Coeur, mais dans des conditions réellement peu amènes.
Elle est inhumée dans le caveau familial, mais la pierre ne comporte pas son nom. La mairie nous atteste, par l'acte de concession, sa présence. La sépulture est dans un état d'abandon total.
Anne-Marie est née en 1942 et décédée en 2008.
Marie-Odile est née en 1945 et décédée en 2022.
Le destin de la maison
D'après les éléments retrouvés dans la maison : dernières publicités, date de péremption des aliments, la dernière occupation date de l'hiver 2006 / 2007. Un lien vers un séjour en Ehpad ? De surcroît, où Marie-Odile logeait-elle ? Nous sommes à quelques pas de considérer que ce fut une résidence secondaire beaucoup utilisée.
Au vu du danger intense que représente cette maison, la mairie a pris un arrêté de péril. En effet, la construction est en pisé. La toiture est éventrée. L'étanchéité n'est plus du tout assurée. Les sables se font lessiver. Une façade possède une ouverture béante énorme. La maison va totalement s'ouvrir et dès lors s'effondrer. Au vu des dégâts structurels observables aujourd'hui, la maison est pour ainsi dire condamnée. Il sera pour ainsi dire impossible de la rénover.
Donc avenir ? Ca va s'effondrer sans trop tarder, ça va être rasé. Tout l'historique de cette famille va être englouti.
Il est de très grande évidence que les successeurs doivent être terrassés par l'ampleur des travaux nécessaires et le fait indéniable que cette maison soit volée incessamment.
Lorsque nous partons, nous refermons la porte, mais au vu des pillages organisés, il est de fait que c'est foutu, c'est une évidence.
Cela ne fait que marquer plus fortement notre volonté de garder une mémoire lumineuse de cette famille.