La maison Christiane
Nous avons reçu les photos d'un voyageur et nous en avons fait la synthèse historique.
La maison Christiane est un lieu urbex d’une grande modestie, la maison a perdu toute son allure tant elle fut victime de pillage. En contrepartie, elle représente un trésor affectif en matière d’archéologie familiale.
Nous sommes à la proximité extrême et ravageuse d’être les derniers dépositaires de la mémoire de cette famille. Tout a disparu sous l’abandon. La sépulture des parents et des deux grandes sœurs se trouve sous des montagnes d’adventices. Les photos anciennes pourrissent sous des tas d’immondices croulants ; elles ont témoigné d’une urgence criante. Peut-on considérer que tant d’oubli, de négation, est une injustice ? Aucune pierre jetée, nous savons ce qui a provoqué ça.
Que faire de cette mémoire dans les mains, d’un côté enfouie sous les moisissures et les balafres du vandalisme, de l’autre côté tout reste encore possible pour apporter de la lumière : « leur » apporter de la lumière. Ce documentaire se voit inévitablement dédié à la mémoire de Denise, Roseline et Christiane.
Les recherches généalogiques ont été entièrement réalisées par Aude FLORENCE et complétées par Claude ALAIN. Promenade documentaire avec Camille. Immenses remerciements à Maryline de la mairie, qui a offert une aide radicalement précieuse (et indispensable !).
La maison
Elle est discrète, petite maison d’alignement sur une rue principale. Bouffée par la vigne vierge, il faut être attentif pour déceler son abandon. Pourtant elle est ouverte à tous les vents. L’intérieur révèle un vandalisme d’une férocité extrême.
Il ne faut pas imaginer qu’elle était comme ça. J’ai rangé cette maison durant des heures et des heures de manière à ce que les lieux retrouvent un minimum de dignité. J’ai fait le rez-de-chaussée, l’étage était inabordable, trop moisi. Voyez en haut, et bé en bas c'était comme ça. Comment peut-on à ce point manquer de respect à la vie des anciens, de "nos" anciens.
Camille me signale que tout y sent la pisse de chat. L’intérieur du frigo est une arme de destruction massive. Des dizaines de barquettes – des repas préparés – sont décédées. L’intérieur est noir, liquide, et dégage une odeur atomique.
La maison se révèle quasiment être un zéro étoile dont on part rapidou déçu. C’est clair que d’un point de vue exclusivement urbex, ça ne respire pas la pépite. Toutefois, des tas immondes et moisis révèlent des photos et des lettres. Au-delà de l’urbex s’ouvre une page d’archéologie familiale. Pour peu, on la croirait insipide. Loin de là, c’est la famille la plus touchante de l’année.
Les grands-parents, un bref topo uniquement généalogique
Les grands-parents paternels sont Louis et Mathilde. Le couple provient de Portes et est décédé à Saint-Florent sur Auzonnet.
Louis est né en 1866 et décédé en 1921. Il était mineur.
Mathilde est née en 1865 et décédée en 1907.
Les grands-parents maternels sont Adolphe et Marie. Le couple provient de La Vernarède.
Adolphe est né en 1871. Marie est née en 1878. Il était mineur, elle était couturière.
Les parents
Les parents sont Henri et Denise.
Henri est né en mai 1895 et décédé en novembre 1957 à l’âge de 62 ans.
Denise est née en septembre 1898 et décédée en janvier 1985 à l’âge de 87 ans. Dans notre documentaire, nous la nommons Denise-maman, car une de ses filles se nomme Denise.
Henri a pour grand frère Emir, né en 1891, qui dans le recensement de 1936, habite une maison pour ainsi dire voisine. Ce dernier est cultivé, il est employé de mairie. Une photo ancienne annotée par Christiane témoigne qu'il travaillait aux assises au tribunal. Il a aussi pour petit frère Alphonse, né en 1899. Il est décrit malingre et tuberculeux, il est réformé. Henri a exercé les métiers de manœuvre au recensement de 1919, employé en 1921, garde-champêtre en 1936.
La tombe des parents a été retrouvée au cimetière de la ville. Ce caveau familial possède les inhumations d’affiliés : la fille Roseline 1932-2000 avec son mari André 1935-1983, Louis 1899-1959, Jean-François 1909-1970.
Une enquête administrative très longue est en cours concernant Denise-fille. Elle y est d'après les Pompes Funèbres. Aucune plaque ne l'y identifie actuellement.
Denise-maman devant la maison, l'escalier est très reconnaissable.
Les filles
Henri et Denise-maman ont trois filles.
Denise, née en juillet 1920 et décédée en janvier 2004 à l’âge de 84 ans.
Roseline, née en 1931 et décédée en novembre 2000 à l’âge de 68 ans. Elle fut mariée à André et a vécu à Bagnols-sur-Cèze.
Christiane, née en 1935. Elle a vécu 30 ans avec son concubin Max. Elle fut la dernière occupante de la maison.
L’acte de naissance de Denise-fille est de prime abord étonnant, dans le sens où nous lisons qu’elle a été adoptée comme pupille de la nation par jugement du tribunal civil d’Alès, en 1923, rayé, 1933. Cette procédure peut avoir lieu lorsqu’un des deux parents est décédé, à la guerre par exemple. Or les recherches témoignent sans la moindre ambigüité que ce ne fut pas le cas.
Henri a été blessé à la Grande Guerre. Il n'est pas invalide mais a un handicap qui fait qu'il va moins bien gagner sa vie par la suite, car moins bon dans son travail. En relisant le dossier militaire d’Henri, ça semble logique. La blessure et une maladie l'ont laissé longtemps à l'hôpital : 6 mois et 4 mois. L’Etat prend en charge les frais de scolarité de l'enfant et verse une allocation. L’Etat décidera via une commission de son orientation selon ses résultats scolaires. Cela peut être fait très vite ou plus tard, par exemple si l'enfant veut aller plus loin que le brevet à l'époque. Ça semble correspondre à l'âge de Denise en 1933. Les parents ne perdent pas leurs droits vis-à-vis de l'enfant. C'est simplement l’Etat qui aide « pour services rendus ».
Christiane, nous avons remué ciel et terre pour la retrouver. S'il y a bien quelqu’un qui est en mon cœur mazette !
Elle a longuement vécu avec Max. Ce dernier a eu des problèmes artériels et il est décédé prématurément, sans laisser de testament. Cette situation a laissé Christiane dans une situation ubuesque. Christiane était pharmacienne dans le village voisin. Elle a perçu la retraite des mines. De nature très modeste et discrète, elle a vécu sans faste, un choix, une simplicité. Elle a quitté la maison en 2014.
Le caveau familial. Des premiers travaux d'extrême urgence ont été entrepris afin de faire cessation de la procédure de reprise. Il y avait un nid de guêpes dedans, qui a été notablement dérangé : la galère ! Il a été fait strict minimum. Par une chance inestimable, il me restait des barbotines et des fleurs dans la voiture, vraiment les dernières.
Le caveau familial de Max, conjoint de Christiane.
Partons en visite de la maison. En premier lieu la cuisine.
Avant-après, trente ans d'écart.
Partons maintenant dans l'enfance. Christiane à la maison.
Christiane au jardin.
Christiane est fâchée.
Christiane à la plage.
Non daté, Christiane devant le muret.
A droite. Elle ressemble tellement à sa maman, c'est touchant !
Christiane au manège. Elle a l'air tellement contente !
Maintenant nous voici au salon. J'ai modifié le moins possible et juste évacué les déchets.
De gauche à droite, Roseline, Denise-maman, Christiane, ?, Denise-fille, Henri, ?.
Combien Christiane ressemble à sa maman !
1948, Christiane a 13 ans.
Les filles au muret, Christiane à droite. On retrouve la personne de gauche sur des photos de 1993.
Souvenir de l'été 1949. Christiane a 14 ans.
Souvenir de 1949.
Colonie Gai Soleil, été 1953. Selon les recherches, c'est à Sète.
La salle de bains.
Christiane, 18 ans. A sa droite, Roseline.
Souvenir du 10 juin 1956, théâtre antique d'Orange.
La Napoule, camp Ugine, juin 1966.
Les chambres. Je n'ai pas pu rénover, c'était trop moisi.