Exploration campanaire, les cloches d'Aubenas
Voici une visite campanaire du clocher d’Aubenas, menée en compagnie de Benjamin Le Blévec et Jean-Marcel Beveraggi. Un très grand merci à la paroisse pour l’accueil, en particulier à Odile Lefebvre et Jean-Louis Plancher.
L’église Saint-Laurent d’Aubenas surprend en premier lieu par sa relative invisibilité, totalement encastrée dans l’habitat, au même titre que la cathédrale de Nîmes. En réalité si l’on remonte à des temps médiévaux, de nombreuses églises étaient disposées de la sorte ; aujourd’hui cette belle église à Aubenas se voit entourée de bâtiments de valeur, surtout Grand Rue et rue Radal, on n’imagine guère leur démolition.
Le clocher, situé à l’extrême sud de l’édifice, est quasiment distinct de l’édifice, ne formant pas campanile mais tout du moins un cheminement complexe, que ce soit par la sacristie ou la chapelle. On y monte par un entrelacs d’escaliers, quelquefois abrupts et formant somme toute un paysage intérieur discret et de toute beauté.
La chambre des cloches est vaste et tout à fait baignée de lumière. Si une chose n’avait pas été prévue ce jour-là, c’est le vent piquant digne d’une ère glaciaire, serait-ce à peine exagéré de dire que l’on s’attendait à trouver des pétrifications de mammouths antiques ?! Lors du film, cet imprévu a fait mal aux mains.
Deux cloches sont présentes. Pour une ville de la taille d’Aubenas, cela révèle tout de suite l’impression d’un minimalisme, on s’attendrait à plus lourd. Il reste deux aspects à prendre en compte. Premièrement le fait que l’Ardèche reste et restera un département atypique. La plus grande ville du département (Annonay) n’est pas la préfecture, l’évêché se trouve dans un presque-village (Viviers).
En second lieu, notons que l’essor de l’Aubenas d’aujourd’hui ne retranscrit en aucun cas ce qu’elle fut auparavant ; à l’issue de la révolution française, elle avait 3000 habitants, en 1840 lors d’un premier essor, elle touche à peine les 5000 habitants. Rien que Largentière, sous-préfecture, approchait les 3000 habitants en 1840 pour une sonnerie de cloches autrement conséquente.
Malgré tout, les deux cloches d’Aubenas sont très intéressantes.
La cloche 1 est une anonyme de 1653. Il ne serait pas forcément exclu que le nom soit mentionné en pourtour d’une estampille d’un homme barbu en profil. Cependant, si des inscriptions existent bel et bien, elles sont aujourd’hui limées par les vents et le temps. Reste que, le nom d’un fondeur sur un profil serait une excentricité. Si communément cela a lieu, c’est autour d’une silhouette de cloche.
La dédicace est la suivante : LAVDO * DEVM * VERVM * POPVLVM * VOCO * CONGREGO * CLERVM * FESTA * DECORO *MORTVOS * PLORO * REPELLO * TEMPESTATEM * VOX MEA CVNCTORVM * FVGATRIX DEMONVM * IESVS * MARIA * TEDEVM * LAVDAMVS * SALVATOR * SAECVLI * 1653 28 MAII et sur la faussure, croix sur Golgotha, IHS MA.
L'inscription est commune. Après le jour précis m'a laissé franchement songeur, car faisant ses cires, comment savait-il qu'il allait couler tel jour ? La venue d'un évêque spectateur ? Ca laisse un peu sceptique. Elle possède les mêmes caractéristiques que la cloche de Chassagnes hameau des Vans. Surtout le numéro 5 qui fait un éclair, mais aussi les E aux jambes très longues et les O aplatis, même manie de mettre un séparateur entre chaque mot. Ca n'en donne pas un nom de fondeur malheureusement, les deux sont non signées.
Elle est répertoriée en POP, classée à titre de mobilier, mais ils n'ont pas mieux.
Elle est montée dans un rétrograde très doux. Le battant est monté beaucoup trop haut, ça lui donne une tonalité un peu métallique pas forcément du plus agréable. Après on peut louer l'intention de la protéger. Sa métallurgie est médiocre, donc un rétrograde calme et un battant peu énergique est une bonne chose, mais malgré tout le réglage n'est pas adapté. Malheureusement ce n'est pas la première fois que l'on voit ce genre d'approximation.
La cloche 2 est une Gédéon Morel de 1838. Elle est montée dans un lancé franc dynamique à la générosité agréable. Richement décorée comme en toute occurrence de ce fondeur lyonnais, elle représente à la fois un grand classique et un sommet inénarrable de l’art campanaire.
La petite cloche sonne un Do(4) et pèse environ 210 kg. La grande cloche sonne un Fa(3) et pèse environ 770 kg. La volée des deux cloches, avant la messe, est de toute beauté. Au tout départ, la sonnerie horaire de 10 heures n'est pas synchronisée avec l'image, ça a sonné un quart d'heure avant. Je souhaitais vous en faire profiter. La volée démarre en 0:34 minute. On m'y voit avec une capuche de rebelle. Alors vraiment désolé. Je n'avais pas du tout prévu qu'il y ait un tel vent polaire. Les doigts ont souffert !