Exploration campanaire, la cloche de Bleury
Un très grand merci à Madame Isabelle Lefebvre et sa famille pour l’accueil chaleureux à Bleury. Merci aussi à l’aide qui fut donnée afin de sonner la cloche et au Père Adam Galazka pour sa présence.
Le clocher quadrangulaire est accessible par un escalier étroit en bois, aux marches hautes, séculaires et très bien entretenu. Un sol carrelé de vieilles pierres forme le sol de la chambre des cloches. On y trouve une cloche unique dans un beffroi en bois. Elle émane du fondeur Jean Le Royer et date de 1556.
Si durant de longues décennies, elle était suspendue en tant que timbre fixe (source centre universitaire du temps libre de Maintenon), elle est aujourd’hui mue grâce à un quart de volant en bois. Dans des temps reculés, la corde, usée, céda lors d’une volée et les sonneurs échappèrent de peu à un accident assez conséquent car la lourde corde attira inévitablement des gravats.
Elle sonne le Mi bémol (3) et pèse 1320 kilogrammes en profil lourd. Elle est montée en lancé franc. Elle a une hauteur de 99 centimètres de la pince au cerveau, et un diamètre de 122 centimètres à la bouche. Comme souvent dans les temps médiévaux, elle a des anses décorées au cordon. Cette cloche austère a une élégance intense. On la sent vénérable, imposante et pourtant proche de nous.
Son épigraphie est en gothique textura quadrata, la frise en deux lignes est située tout en haut de la panse, ce qui là encore représente un grand classique pour un instrument de cette époque. En contrepartie, on note avec étonnement que la dédicace n’est pas en latin mais en vieux français. Grand étonnement aussi de ne trouver aucune mention Sit nomen Domini benedictum ni figure mariale ni parrain ni marraine.
La dédicace est la suivante : (blason) L’an mil cinq cent cinquante six je fus faicte et nommée marguerite par les habitants de saint martin de bleury johan le royer me fict (blason) thomas tessier (croix christique) etienne germont jacqs ragier gaziers pour lors
Cette dédicace est encore une fois étonnante par le fait que le fondeur mentionne ses assistants, alors que les cires sont coulées des mois avant la fonte afin d’être inscrite en négatif dans la chape. Car à l’époque, rappelons que la coulée n’était pas en Butagaz. Il fallait monter le feu et couler à la louche, fameux travail pour une tonne trois. On notera par là même le grand talent dudit Jehan Le Royer, qui forgea un Ré excellent, sans la moindre technique d’accordage encore connue. Savoir-faire médiéval.
Ledit fondeur n’est pas connu en d’autres églises, des homonymes existent : verrier à Chartres, mathématicien auprès du roi, mais en tout état de connaissance actuelle, il n’est d’autre occurrence campanaire. D’un point de vue de l’aspect général et de date, cette cloche est à comparer avec celle de Saint-Prest qui est un peu sa sœur jumelle.
Elle fut démontée, avec une grande grue, et partit en atelier. Elle ne fut pas rechapée, elle a un point d’usure très faible du fait de la rareté de ses sonneries. En contrepartie, la couronne laisse apparaitre un épais (et très adroit) filet de soudure sur une anse latérale.
L’église de Bleury sert pendant toute la période hivernale, d’octobre à mars, car très bien rénovée, elle possède le chauffage adéquat. La cloche est électrifiée pour les heures mais la volée est manuelle. Du fait de son poids, j’ai manqué de puissance et dès lors, le battant ne touche qu’un seul côté de la pince. A partir de 2:30, la volée devient équilibrée car une sonnerie plus efficace est réalisée.
Cette cloche est sonnée tous les 15 jours par Monsieur Lefebvre. La famille a d’ailleurs investi 14 années de leur temps afin de rénover l’église, qui à ce jour est parfaite, il n’est d’autre mot. D’après la base Palissy, la cloche est classée à titre de mobilier depuis 1943.