Exploration campanaire, la cloche de Lavilledieu
Voici une exploration campanaire du clocher de Lavilledieu. Un très grand merci à la mairie pour l’accueil et la disponibilité lors de la visite. Au gré d’un clocher en bon état, on trouve, accrochée en hauteur, une cloche unique montée en rétro-lancé. L’accès au clocher se fait par un escalier plus que séculaire, d’une étroitesse telle que les pierres sont élimées par le frottement des épaules. C’est encore plus étroit que Banne et sans conteste, un réel régal d’architecture.
Le clocher est médiéval tandis que l’église est nettement plus récente. Un sanctuaire existait le long d’un monastère de moniales. Cette ancienne église a été supprimée, le clocher conservé – c’est assez comparable à Saint-Etienne de Fontbellon – une nouvelle église a été bâtie, avec les pierres de réemploi.
Concernant le campanaire, il s’agit d’une Paccard fondeur à Annecy, datant de 1931. Conformément à toutes les cloches de cette période en Ardèche, 1930 – 1935, l’épigraphie est standardisée. Elle sonne le Do(4). Elle s’avère être une copie pour ainsi dire conforme à la cloche de Lanas.
Sa dédicace est la suivante : (ligne 1) JE M’APPELLE MARIE THERESE LOUISE (ligne 2) JE LOUE DIEU JE CHANTE LES JOIES (ligne 3) J’ACCOMPAGNE LES PLEURS (ligne 4) PARRAIN : RIGAUD LOUIS (ligne 5) MARRAINE : GUEY LEONA (ligne 6) CURE : TERAUBE AUGUSTE (ligne 7) MAIRE : AUZAS GUSTAVE (ligne 8) 1931.
L’élément qui saute aux yeux, c’est que le nom de la marraine est manquant. On y devine le patronyme par des traces plus claires sur la faussure. L’expérience immédiate que l’on s’en fait, c’est que le nom a été buriné. C’est une hypothèse pourtant totalement fausse.
D’après les spécialistes, l’explication est la suivante : l’ensemble de la dédicace a été réalisée à la cire perdue, conformément aux méthodes traditionnelles, ce de surcroît que Paccard est une fonderie d’excellence. Lors de la coulée, la marraine n’était pas définie. Lorsque Léona Guey s’est proposée, le fondeur a ajouté les lettres sur la panse. Si quelquefois cela se fait par gravure – cela est le cas par exemple à Mayres pour le nom du maire – ici le fondeur a opté pour la soudure des lettres.
L’hypothèse est dès lors que les lettres se sont détachées au fil du temps. Ce faisant, en zoomant les photos au maximum, on découvre alors des traces rondes de brulures. Il appert donc qu’il y a eu une tentative de soudure et pour mille et une raisons, cela s’est détaché. Léona Guey est décrite comme très croyante. Elle nous a quittés il y a une vingtaine d’années.
On notera qu’en Savoie, deux cloches identiques sont expertisées par Antoine Cordoba-Roch pour des détachements : 1934 et 1937. Paccard était donc concerné par un souci de soudure en cette période.
Le procédé de gravure a été principalement employé au XIXe siècle, dans la période post-révolutionnaire, où le carnet de commandes des fondeurs explosait. Certains (notamment Louison à Toulouse) coulaient des cloches « d’avance » présentant généralement une décoration basique et souvent une paléographie latine dédiée à la vierge ou au Christ. Revenait ensuite au fondeur de graver selon les demandes de ses clients.
La cloche ne sonne plus en volée du fait que le beffroi est en partie fiché dans la maçonnerie du clocher et ce dernier s’en trouve fragilisé. L’entreprise campanaire Bodet a été récemment consultée dans le but d’établir un projet : descendre le beffroi un niveau plus bas et dès lors, remettre la cloche en volée. Dans ce temps, le plus bel hommage qui serait à rendre à Madame Guey serait de souder de nouvelles lettres.
Lavilledieu fait partie de Sainte-Marie de Berg et Coiron.