Exploration campanaire, la cloche de Meyras
Voici une exploration campanaire menée à Meyras, Ardèche, un village de caractère situé à proximité d’Aubenas, et se situant pleinement dans la lignée de nos reportages à Thueyts, Barnas, Mayres. Un très grand merci à Madame le Maire Karine Robert pour l’accueil et à Patrick Morlé, adjoint, pour l’organisation de la visite.
L’église est romane et date du XIIe siècle. Elle comporte une cloche unique, placée dans une ouïe ouverte. Le clocher est protégé des volatiles – pigeons, choucas – par des grillages adroitement placés, qui ne nuisent pas à l’analyse de la cloche. A Chandolas ou Chauzon, cela avait été notablement compliqué.
C’est un profil lorrain moyennement lourd possédant une dédicace latin au cerveau, une estampille, une croix du côté monument, un calvaire incomplet du côté jour. On notera que du fait des pluies, le calvaire présent sur l’angle de la faussure est comme poli. Ce n’est pas le cas pour la dédicace.
La dédicace latin est la suivante : (ligne 1) + CUM AD DEI HONOREM ET PATRIAE LIBERATIONEM TRADITA ESSEM ANNO DOMINI 1499 HAERESIS CALVINIANAE (ligne 2) + PRAVITATE FRACTA ANNO 1603 ET DENVO ANNIS 1736 ET 174Σ (ligne 3) RESTAVRATA AD DEI HONOREM ET BEATAE MARIAE VIRGINIS I P B C D
Sur la faussure (Estampille Valeton) VALETON
On peut projeter un essai de traduction de la sorte : QUAND JE FUS LIVRÉE EN L'HONNEUR DE DIEU ET À LA LIBÉRATION DE MON PAYS EN L'AN DU SEIGNEUR 1499, J’AI ÉTÉ BRISÉE PAR L'HÉRÉSIE CALVINISTE EN L'AN 1603 ET DE NOUVEAU EN 1736 ET 1743 + J’AI ÉTE RESTAURÉE EN L'HONNEUR DE DIEU ET DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE.
Deux problèmes se posent immédiatement. En 1499, nous sommes sous le règne de Louis XII, et hormis quelques évènements touchant la Bretagne, globalement il ne se passe rien. Donc que signifie la libération du pays ?
La réponse s’offre dans une thèse n’ayant aucun sujet en commun : Caterina Menichetti, La littérature occitane médiévale dans sa tradition manuscrite, témoins, traditions, corpora en page 179. Elle cite : Dans la vita de Sainte Agathe, une expression liturgique est expliquée en latin mais la citation latine est traduite en occitan. (…) «Mentem sanhtam spontaneam honorem deo et patrie liberationem» (…) Cette citation est l’inscription angélique de sainte Agathe, un charme contre les dégâts causés par le feu et les orages souvent gravé sur les cloches et les beffrois.
PRAVITATE FRACTA peut faire directement référence au feu et à la destruction de l’église ou tout du moins de ses symboles catholiques. De ce fait, la locution est une incantation caractérisée comme classique par les médiévistes, faisant référence à une prière, une incantation, afin d’éloigner la destruction par le feu.
L’autre problématique, c’est l’absence de date de fonte, ce qui est totalement anormal pour Valeton tout autant que son élève Meironet. Doit-on voir une date dans IPBCD ? La lecture en est-elle fausse ? A vrai dire la lecture ne laisse aucun doute. Il n’a été trouvé aucune explication à cette inscription.
A propos de Valeton. On sait que l’initiale de son prénom est F et vu la récurrence de l’époque, François ne serait pas étonnant. Il a fondu avec Triadou dans le Tarn en 1782. L’association de sauvegarde du pays sacradel le mentionne comme originaire de Mende. Actuellement au gré de l’inventaire en Ardèche, on le retrouve à : Faugères 1771, Chassiers 1775, Lachapelle-Grailhouse 1777, Laurac-en-Vivarais 1775, Barnas 1769. De nombreux faisceaux d’indices laissent à penser qu’il a abandonné l’activité dans les périodes troubles précédant la révolution française.
La cloche de Meyras est-elle comparable à celle de Barnas ? Non. Celle de Barnas est un profil léger d’une épigraphie désastreuse. La cloche de Meyras est un profil lourd qualitatif. D’ailleurs, et c’est rare pour une cloche aussi ancienne, on voit les traces de badigeon de la potée sur la robe. C’est comme si le travail datant de 250 ans ressurgissait à nous, comme hier.
Au vu du travail qualitatif, représenté à ce titre par l’estampille, une datation probable de 1775 parait raisonnable.
Elle sonne un Mi(3) légèrement altéré vers le Fa. Elle pèse environ 900 kilogrammes, ce qui est considérable pour le secteur. Elle est en lancé franc. On observe un léger déséquilibre. Elle est sur un BT2 de Bodet. A la suite d’une opération d’aide de la fondation du patrimoine, le clocher a été entièrement restauré.
C'est un tout petit sanctuaire accroché d'un village étroit. Dans un clocher peigne, l'église possède une cloche. La cloche a été relevée en drone au vu de l'naccessibilité. La photo révère une Burdin non datée, datant de plus ou moins 1863 considérant l'épigraphie.