Exploration campanaire, les cloches de Vorey
Voici une exploration campanaire de l’église Saint-Symphorien de Vorey, localisée en Haute-Loire. Un immense merci à la municipalité de Vorey pour tant de générosité dans l’accueil, en particulier Madame le Maire Cécile Gallien et l’adjoint Didier Saby.
On accède au clocher par un escalier en parfait état, lequel donne dans une pièce occupée par du matériel liturgique. Deux dernières volées d’escaliers en bois, s’approchant de l’échelle, donnent accès à la chambre des cloches. Le sol est constitué de planches en bois dont certaines parties demandent une attention toute particulière ; il est à noter qu’elles sont en effet assez fines. Si les cloches sont accrochées en hauteur, une large part reste accessible.
La chambre des cloches, globalement sombre du fait d’abat-son resserrés, comporte 3 cloches.
- La plus grande, une Arthur FARNIER de Dijon, datant de 1899.
- Une cloche ancienne, dite « la cloche renaissance », datant de 1578.
- Une cloche ancienne, dite « la cloche gothique », non datée, estimée 1480, ce dont nous reviendrons en détails.
Les trois cloches sont suspendues dans un beffroi métallique en parfait état, en lancé franc, et nous signalerons un état d’entretien parfait. Le système est commandé par un boîtier d’automation possiblement Paccard, mais en tout cas antique – le style est des années 50 – et dont nous n’avons pas compris le fonctionnement. De ce fait les cloches ont été sonnées à la main. La vidéo est une reconstitution d’un plenum.
Les cloches de Vorey représentent un ensemble d’une qualité extrême ; à ce titre les deux cloches anciennes sont classées suite à l’intervention de l’expert campanaire Hervé Gouriou en 2014.
Ce que l’on sait de la cloche gothique.
Elle possède une dédicace en textura quadrata au sommet du cerveau, ce qui représente une tendance totalement conventionnelle pour cette époque. Elle est non signée et non datée, ce qui là encore rejoint une certaine majorité des instruments de cette époque. De ce fait, on peut affirmer sans détour qu’elle a des similitudes avec ses contemporaines.
Son ancien battant a été retrouvé lors de travaux conséquents menés sur la toiture de l’église. Le battant était négligemment déposé dans un recoin. Il est actuellement conservé en mairie. Il a une dimension de 62 centimètres. Il possède des traces de forge très spécifiques, notamment du fait de recharges. C’est un objet de très forte valeur archéologique.
Si l’on doit se pencher sur la datation, dans un ouvrage de 2022, Bernard Vérots exprime que le battant possède des similitudes fortes avec un objet identique observé à la chapelle de Chalencon, datant de 1499. Cet aspect est confirmé par Bernard Sanial. Thierry Gonon, médiéviste et spécialiste des cloches anciennes, ne la cite pas dans son corpus.
La cloche de Chalencon possède la dédicace : IHS ALLAIT ET VENAIT PARMI EUX M CCCC LXXXX VIIII, qui n’est pas purement concordante avec la cloche de Vorey, bien qu’étant de même en textura quadrata. Ceci étant c’était un impératif de l’époque, l’onciale n’étant plus usitée.
Retournac, sa dédicace est la suivante : X VINCIT X REGNAT X IMPERAT X AB OMNI MALO DFENDAT. Ce que l’on peut traduire par : Le Christ est vainqueur, Le Christ règne, Le Christ gouverne, Le Christ nous garde de tout mal. On observe de part et d’autres des effigies dans des médaillons rectangulaires.
Cette cloche possède des similitudes avec les instruments issus des ateliers Waghevens {notamment la période 1480-1481} et la cloche gothique de Fosses-La-Ville {datée 1460}. Au vu des concordances des dates, il pourrait être estimé sans grand anachronisme que cette cloche date plus ou moins de 1480. Bernard Vérots estime qu’elle pourrait provenir du couvent des Bénédictines au vocable de Saint-Saturnin.
Elle a une tonalité très altérée, ce qui rend sa sonorité assez aigrelette. On pourrait d’office considérer cette musicalité comme désagréable ; ce ne serait autre qu’une grossière erreur. Notre oreille est tout simplement habituée aux cloches de profil lorrain, ce que cette cloche médiévale de toute évidence ne suit pas. Sans être de pain de sucre, on relève que sa forme est relativement effilée.
Il s’agit de la cloche moyenne, parmi les trois. Elle pèse 260 kilogrammes, elle est en profil léger. Elle possède un battant Bodet thermoforgé et du fait de la fragilité au point d’usure, l’ensemble est calibré sur du léger.
Ce que l’on sait de la cloche renaissance.
C’est un instrument esthétique, qui possède une épigraphie à la fois surprenante et de toute beauté. D’office ; on peut affirmer que cette cloche ne suit pas les standards épigraphiques de son époque. Elle est non signée et date de 1578.
D’une qualité métallurgique très bonne, elle surprend par son esthétisme un peu hors du commun. Sa dédicace au cerveau comporte un texte en fort grosses lettres romaines très lisibles. Sous la dédicace, quatre effigies d’une forte qualité : Sainte-Barbe, Sainte-Catherine de Sienne, Sainte-Catherine d’Alexandrie, Saint-Antoine (identification par Hervé Gouriou).
Sa dédicace est la suivante : AD IVTOR IV NRM : I NOIE : INI : QUI : FECIT IHS : A ce sujet, Hervé Gouriou forme l’hypothèse qu’il s’agit du texte : Adjutorium nostrum in nomine domini qui fecit celum et terram, ce que l’on peut traduire par : Notre secours repose dans le Seigneur qui a fait le ciel et la terre.
Sur la panse, au-dessus d’une croix esthétique, figure les lettres BDLR : MCPC : CDP. Si cela fait possiblement référence au fondeur – encore que cela reste à déterminer –, aucun expert n’a pu identifier cette inscription. A la faussure et très lisible, la date 1578.
Il s’agit de la plus petite cloche, elle pèse 210 kilogrammes. Elle est en profil ultra-léger.
Ce que l’on sait de la cloche Farnier.
Si les Farnier de Robécourt sont totalement courantes, les Farnier de Dijon le sont nettement moins, Arthur Farnier ayant été un fondeur peu prolixe. La cloche reprend tous les canons de la décoration Farnier, à ce point qu’une confusion s’avère pour ainsi dire immédiate. Les matrices sont les mêmes, ainsi que l’organisation de la dédicace. Seule l’inscription à la pince, celle-ci étant très claire, nous instruit sur la provenance de l’instrument.
Elle possède la dédicace suivante : SOUS LE PONTIFICAT DE N.S.P LE PAPE LÉON XIII, MONSEIGNEUR CONSTANT GUILLOIS ÉTANT ÉVÊQUE DU PUY-EN-VELAY, MONSIEUR L’ABBÉ FOUILLY LICENCIÉ ES LETTRES CURÉ DOYEN DE VOREY, J’AI ÉTÉ BÉNITE LE 15 OCTOBRE 1899. J’AI POUR NOM MARGUERITE CLÉMENCE VICTORINE. J’AI EU POUR PARRAIN M. L’ABBÉ ARGOUJON DE VOREY ET POUR MARRAINE MARIA BOUDON DE SAINT-PAULIEN. LONGTEMPS ATTENDUE PAR LA PAROISSE DE VOREY, J’AI VU ENFIN LE JOUR GRÂCE À LA GÉNÉROSITÉ DE MME VIRGINIE PORTENEUVE EN SOUVENIR DE SA NIÈCE REGRETTÉE MLLE CLÉMENCE PORTENEUVE DE QUI JE FUS LE VŒU SUPRÊME.
Elle est en profil léger, sonne un Ré#(3) et pèse 940 kilogrammes.
Au vu de la fragilité des cloches anciennes, il serait envisageable de considérer que les sonneries de volée ne soient pratiquées que sur la grosse cloche, voire plus du tout ; il reste la question du boîtier d’automation en suspens. Aucun manuel d’utilisation n’a été trouvé sur place, ce qui pourrait corroborer l’idée que seuls les tintements horaires sont pratiqués.