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Le souterrain du castor aigri

Si j’avais voulu faire le buzz, j’aurais écrit : on tombe sur les propriétaires et ça se termine mal. Toute la subtilité provient du curieux sous-entendu dans « les » propriétaires, ainsi que dans les mots qui auraient pu être écrits : « moi aussi ». A défaut de trouver un repaire des nazis, d’avoir failli mourir en urbex, la simplicité est de dire que la vérité ne se trouvait pas du-tout-du-tout là où on la pensait (avec une sincérité naïve).

Comme vous le savez, l’équipe est très friande de rivières souterraines, au contraire de bien des amateurs d’urbex d’ailleurs. Elles forment des milieux souterrains d’un grand esthétisme, elles sont souvent méconnues, et chargées d’une histoire ancienne. C’est en cette démarche que nous vous emmenons aujourd’hui dans une canalisation souterraine d’une beauté exceptionnelle. Qui plus est, la partie souterraine est totalement absente des descriptions actuellement existantes. Cela n’en donne que plus de valeur aux recherches.

Ce souterrain est un ancien canal d'origine médiévale, probablement établi entre le XIe et le XIIIe siècle, qui traversait une partie de la ville. Il faut lire dans cette construction un ensemble très hétéroclite, qui furent des ponts, des voutes, mais en tout cas pas une construction à la fois uniquement médiévale et d’un seul tenant ; ça s’est fait un peu par un peu.

La longueur du souterrain était de 1050 mètres, au gré d’une structure plutôt variable, des parties anciennes et beaucoup de parties récentes. Il reste que la situation a fondamentalement changé et nous n’avons pu visiter que 440 mètres. Le reste est à peu près détruit.

La création du canal remonte à la période médiévale, à l'âge d'or des moulins à eau. Ce canal, en partie souterrain, a longtemps permis de dévier et de diriger une partie des eaux de la rivière toute proche, pour alimenter des moulins et favoriser le développement industriel local, comme le moulinage de la soie ou d'autres activités textiles.

Aussi, on l’utilisait comme béalière. Ce terme décrit une dérivation des eaux de rivière afin d’irriguer les jardins. On peut aussi appeler cela un béal.

Le canal est constitué de sections variables, avec une portion moderne baignée de la lumière du jour, et des parties plus anciennes qui sont voutées. Aussi bien les ambiances sont très différentes, autant c’est un véritable bonheur d’esthétisme en chaque endroit. Le canal est un bief entièrement local, prélevant et restituant l’eau dans la même rivière.

Comme il n’y a plus de jardin ni d’industrie ni d’atelier, le canal est dénué de toute fonction aujourd’hui. Très esthétique, il sert de promenade d’agrément dans certaines parts de la ville, qui globalement comporte un esthétisme agréable.

Une exploration qui part en vrille

On connait l’entrée, on connait la sortie, entre les deux c’est très simple : 1050 mètres. Cependant à 300 mètres, l’eau comporte une dérivation. Ca n’est pas du tout comme prévu. Devant moi, une galerie à sec, qui comporte une atmosphère lourdement confinée, chaude, moite, étouffante, avec une odeur de chiottes insoutenable.

Je suis le seul à m’y engager. Mon compagnon de voyage fait demi-tour.

C’est alors que le téléphone reçoit ce message de la part du compagnon de voyage :

Le seul problème, c’est que moi aussi je rencontre le propriétaire des lieux. La galerie est de plus en plus encombrée de galets. Inutilisée, elle s’est ensablée avec des roches, le fond totalement comblé est visible, c’est complètement plein. J’évite des rejets de chiottes, tellement immondes, qu’il est à se demander comment je ne trouve pas le décès semi-immédiat par irradiation massive de merde demie-décomposée.

C’est très hostile, une dernière photo. Au fond de ma photo, un rocher bouge. Ce n’est pas une ombre portée par ma lampe. Et merde (c’est le cas de le dire), un castor est coincé au fond de la galerie, c’est très bas, très inconfortable, et en gros je vais me faire défoncer car il est acculé et il a peur. Je pars vite fait.

Dans le même temps et sur le chemin du retour, mon compagnon de voyage rencontre un type dans la galerie. Cette personne marche avec lenteur, observe. Serait-ce un promeneur comme nous ?? C’est tellement incongru. Et bien non. C’est le propriétaire, le vrai, le deuxième. Car si ingénument on pouvait imaginer que c’est une rivière, une propriété communale, et bien non. C’est une béalière et ça appartient à quelqu’un, ce quelqu’un qui possède un ancien moulinage.

C’est là qu’on se dit qu’on en apprend tous les jours. Par respect pour le propriétaire des lieux, qui n’a pas spécialement envie d’avoir 45 visiteurs par week-end, je ne localise pas le souterrain dans ce documentaire.

Du coup, nous avons été en amont afin de comprendre ce qu’il se passe avec les 500 mètres manquants, non visités du coup. Si nous faisons de bonnes estimations, la canalisation serait ensablée, enrochée, et noyée. On voit un départ de canalisation noyé d’eaux très polluées.

Pour une destination touristique prestigieuse, c’est là qu’on voit sans détour que la pollution des eaux et des sols par des privés reste encore à ce jour une histoire majeure, liée à la négligence de la mairie en la matière (ça se voit, ça se sait). Quant au castor, il n’a pas trouvé la meilleure des habitations. Quoi qu’il en soit, tout est redevenu en paix, au revoir petit propriétaire !

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