Exploration campanaire, les cloches de La Souche
Voici une exploration campanaire du clocher de La Souche, une longue vallée située entre Jaujac et la Croix de Bauzon. Je remercie vivement la municipalité de m’avoir accordé l’accès au clocher avec tant de simplicité.
On accède au clocher par un escalier en pierres, se muant progressivement en deux escaliers en bois pentus. La chambre des cloches révèle trois instruments, dans une situation qui intrigue dès le départ : la présence d’un timbre fixe de grande dimension. Les cloches relevées sont : une Gansberg de 1736, deux Burdin de 1871.
Il ne faut pas faire un grand dessin pour expliquer que la cloche Gansberg est d’une très très grande rareté, autant en Ardèche qu’en France. On lui connait deux autres instruments en Ardèche : Largentière 1732 et Berrias 1732. Et deux autres instruments en France : Payrac (46) et Saint-Céré (46).
Michel-François Gansberg est originaire de Breuvannes (52) et dès lors, un fondeur du Bassigny. Il est important de signaler, au sein de cette grande mouvance de fondeurs itinérants, que Gansberg fait partie des origines, puisqu’une majorité de fondeurs partit en campagnes durant le 19e siècle. Après avoir visiblement séjourné en Ardèche dans les années 1730, ce fondeur s'installe à Rouffiac (15) vers 1740 où il épouse Françoise Calebrousse. Il prend sa retraite et quitte ce territoire vers 1770, pour la Charente.
Il est donc inestimable de posséder telle cloche et au même titre que Largentière – un peu moins Berrias au vu de la qualité dudit instrument – un classement à titre mobilier serait plus que recommandé.
La cloche de Gansberg se caractérise par une épigraphie médiocre, rejoignant les grandes constantes du 18e siècle, avec notamment une perte de maitrise de la potée et une absence d’ébarbage. L’épigraphie est pauvre et peu lisible. Il est d’ailleurs étonnant que Gansberg supplante la famille de fondeurs originaires de La Souche, les très réputés Dupuy. La qualité métallurgique est faible, marquée par des signes d’une température trop basse.
Nous sommes convaincus que cette cloche est fêlée. Aussi étonnant que ça soit, nous n’avons relevé aucune trace de fêlure, pas même à l’intérieur de la robe. Pourtant, elle rend un son mat et sourd. C’est en soi caractéristique d’une fêlure, ou a minima d’une tension dans le métal ; en l’occurrence, cela pourrait justifier son placement en timbre fixe et son absence totale d’utilisation.
Elle sonnerait (sous toutes réserves l’on s’en doute) un La(3) pour un poids estimé de 370 kg. Le profil nous a paru archaïque, assez proche des cloches flamandes du XVIIe siècle. Au vu de la faible occurrence actuelle de ses fontes, nous pourrions avancer qu’il a acheté des planches à trousser assez vieillies, à un fondeur retiré.
La dédicace de cette cloche est la suivante : (ligne 1) MRE FRANCOIS CHALMETON CVRE SANCTE SILVESTER ORA PRO NOBIS DAME MARGVERITE DANTRAYGVES MARQVISE DE CHOIZINET (ligne 2) P & I CHABANES CONSVLS – GANSBER FONDEVR EN 1736.
On retrouve Marguerite d’Antraygues, comme à Jaujac. Si cela nous aurait franchement arrangé d’identifier l’anonyme de Jaujac en l’attribuant à Gansberg, nous devons malheureusement déplorer que les matrices – particulièrement les 7 et les A – ne conviennent pas à cent pour cent. Nous sommes interpellés par la mention de Saint-Sylvestre, qui n’est pas lié à La Souche (il s’agit de Saint-Sauveur). Les dénominations Saint-Sylvestre en Ardèche n’amènent pas réellement sur une conclusion qui pourrait s’imposer comme évidente.
Les deux autres cloches sont issues des ateliers de Jean-Claude Burdin, fondeur à Lyon. Il s’agit de grands classiques pour l’aire de répartition en Ardèche. La cloche 2 est utilisée pour le culte, avec une sonnerie en rétro-équilibré, tandis que la cloche 3 est désaffectée du culte. Il s’avère qu’elle est toutefois fonctionnelle, après quelques réparations menées sur sa suspension.
La cloche 2 sonne un Do(4) pour un poids estimé de 210 kilogrammes. La cloche 3 sonne un Ré#(4) pour un poids estimé de 125 kilogrammes. Pour la cloche du culte, le battant a été remplacé (boule Paccard) et l’entretien est parfait.
Du fait que je n’ai pas eu accès au boîtier Paccard, j’ai sonné l’angélus sur la cloche de timbre. Autant dire que c’est l’émergence d’un son appartenant purement à un lointain passé, dont peu de Souchois doivent se souvenir. Ensuite, j’ai sonné les deux cloches de culte en simulation de duo. Si le duo de Burdin est commun, il reste agréable et qualitatif. Quant à la cloche Gansberg, c’est un apport énorme de faire cette découverte.