Exploration campanaire, les cloches de St-Étienne-de-Lugdarès
Voici une exploration campanaire du clocher de Saint-Étienne-de-Lugdarès, un village de la montagne d’Ardèche qui possède une église massive. Pour cette raison, on l’appelle la cathédrale de la montagne. La vidéo des cloches en volée a été faite un dimanche avant l’office.
Un très grand merci à Monique Beugnet et Lucette Brigitte pour l’organisation, ce qui a permis la réalisation de ce documentaire.
Le clocher était traditionnellement réputé totalement clos et totalement obscur, à ce titre l’un des seuls en France à être de la sorte. En arrivant dans la chambre des cloches, l’on constate que ce n’est pas le cas. Les murs possèdent quatre baies latérales, qui certes sont petites. Elles sont obturées avec des fenêtres épaisses. On a de la lumière, certes un peu chiche, mais de la lumière quand même.
Cette situation a été provoquée du fait qu’à l’époque, il y avait un hôtel le long de l’église. Suite à des plaintes, le clocher a été obturé. Cela provoque qu’on entend très bien les cloches de l’intérieur de l’église, mais peu de dehors. L’hôtel n’existe plus. La paroisse aurait souhait de modifier cela, avec le placement d’abat-son.
La chambre des cloches, parfaitement organisée et propre, comporte deux cloches. Les deux sont des raretés. La plus grande est une Dupuy La Souche datant de 1616. Elle est d’une métallurgie et d’un décor qui sont totalement excellents. La plus petite est une Pierre Bergonhoux de 1835.
A propos de la cloche Dupuy, ce que nous pouvons en dire provient d’une longue épopée dans les clochers, car comme aux habitudes, elle n’est pas signée. On relève toutefois les systématiques effigies, de la même taille (Saint-Didier-sous-Aubenas, Vagnas, etc). De ce fait, l’identification relève de la certitude. De plus, la localisation est plutôt concordante, puisque La Souche fait de même partie de la montagne ardéchoise.
Sa dédicace, sur une seule ligne, comporte le très classique IHS A FULGURE ET TEMPESTATE LIBERA NOS DOMINE et elle est dédiée à S STEPHAN, ce qui correspond à Saint-Étienne-de-Lugdarès : la cloche a donc été fondue pour le lieu et ne correspond pas à un déplacement.
On ne cessera de louer la qualité épigraphique des Dupuy. Hormis d’être rares, ce sont des cloches d’excellence. Considérant que le point d’usure était très entamé, c’est une cloche qui a été rechargée.
La seconde cloche est d’une origine que l’on qualifiera de nébuleuse. Sa métallurgie est passable voire mauvaise, son épigraphie modeste et peu qualitative. On remarque en outre que deux anses ont été cassées. Elles ont été reconstituées en bronze à défaut de tout bricolage, c’est donc un travail d’excellence. Pour la raison de métallurgie mauvaise, cette cloche ne possède pas de volant, elle est uniquement tintée en glas romain.
C’est l’un des objets les plus surprenants qu’il nous ait été donné de voir, car son décor est une copie de la cloche Dupuy. On remarque les mêmes effigies : Saint-Jean-Baptiste avec son vêtement en chameau (et sa troisième jambe), Sainte Marie avec un drapé très marqué et sa couronne carrée, le calvaire sur des lignes de décor végétal. C’est comme s’il avait été indiqué au fondeur, copie cette cloche, sauf que tout est d’une finesse franchement passable.
Sans observer plus au-delà, on se dit : tiens, c’est une Dupuy. Ensuite, la date amène immédiatement un problème, c’est anachronique !
A la pince, la cloche est signée P BERGONHOUX F 1835. Cela nous pose un problème dans le sens où ce fondeur n’est pas identifié. Pour une date aussi tardive, ce n’est pas forcément normal. Toutefois, c’est la seule indication figurant sur la pince et force est de constater, c’est le nom du fondeur. Il semblerait assez répandu que cela soit un patronyme du Puy-en-Velay.
Les deux cloches sont montées en rétrograde. Le battant de la grande fait des huit. J’ai pratiqué une volée manuelle sur la petite, très équilibrée. Je me disais : c’est curieux, j’ai du rebond alors que j’y vais vraiment doucement. Je n’avais pas vu qu’elle était sonnée en glas romain, de la position où j’étais. Cette espèce de catastrophe !! Lorsque je m’en suis aperçu, j’ai cessé la volée.
La nef possède une cloche Bollée en exposition, et l’église de Masméjean est traitée dans un documentaire à part. S’il s’avère qu’on ne savait pas à quoi s’attendre pour Saint-Étienne-de-Lugdarès, le moins qu’on puisse dire, ce sont des découvertes très entrainantes.