Marseille, Notre-Dame de La Garde - Le gros bourdon 8 tonnes
Cette page est un documentaire campanaire sur le gros bourdon de la basilique Notre-Dame de la Garde à Marseille. Ce film a été réalisé dans le cadre de la réalisation d’un grand livre sur les cloches en France. La basilique est visitée par 2 millions 600 mille visiteurs par an. La file d’attente pour accéder à la nef fait le tour de toute la basilique. Le clocher n’est pas accessible avec simplicité du fait de la forte pression touristique exercée sur l’édifice.
Nous remercions très vivement le diocèse de Marseille pour l’accueil sur place.
La renommée de Notre-Dame de la Garde à Marseille est immensément supérieure à la cathédrale La Major du Vieux Port. Communément, on l’appelle « La Bonne Mère » du fait de son immense statue de la Vierge au sommet de l’édifice, en travaux de rénovation lors de notre passage.
Le gros bourdon est une cloche Gédéon Morel de 8 tonnes. Elle sonne tous les dimanches à midi. Le nombre de messes est important au vu de la demande sur l’édifice. L’appel à chaque messe est réalisé sur deux toutes petites cloches en timbre fixe, avec tintement en fausse volée.
Le bourdon s’appelle Marie-Joséphine et fait curieux et amusant, son battant a un prénom : Bertrand. C’est une cloche émanant de la fonderie de Gédéon Morel à Lyon. Elle date de 1845. Elle pèse 8234 kilogrammes.
Accrochée relativement en hauteur, la bouche est à 2 mètres, elle donne une impression d’être immense. Elle a un diamètre de 2,40 mètres et une hauteur de 2,50 mètres. Elle sonne dans un rétrograde très lent. La pratique du lancé est peu fréquente voire absente dans le sud de la France. Elle démontre un assez fort déséquilibre. Elle chante un Ré#(2). C’est, selon toutes réserves de pesée, la neuvième plus lourde cloche de France.
Les deux petites cloches sont : une Jules Robert, de Nancy, datant de 1920 ; une Toussaint Maurel, de Marseille, datant de 1885. Le bourdon est équipé d’un joug arqué en métal extrêmement impressionnant. Il possède l’estampille du fondeur Toussaint Maurel.
La basilique Notre-Dame de la Garde a été érigée de 1853 à 1864. Basée sur les fondations d’un ancien fort, elle est perchée sur un tertre et domine majestueusement la ville. Bien que cela puisse être relativement difficile à affirmer, c’est le lieu le plus visité de Marseille, notamment un but de destination pour les bateaux de croisière.
La construction étant récente, on observe la présence d’un gros bourdon de même récent, bien que légèrement plus ancien. Emanant de la très réputée fonderie Gédéon Morel à Lyon, c’est – l’on s’en doute – la plus grosse cloche de ce fondeur.
Le clocher est relativement étroit, sans que cela soit excessif comme à Lalouvesc. Le profil campanaire est relativement surprenant, avec la présence de ce gros bourdon seul, accompagné de deux petites cloches anecdotiques, qui plus est accrochées en timbre fixe.
La basilique appartient au diocèse de Marseille et non à l’État, comme peuvent l’être les cathédrales de Marseille ou de Toulon. De ce fait, on a une gestion attentive de l’édifice. On est très loin de la grande déglingue des UDAP. On ressent que le diocèse gère la basilique avec soin, voire même avec affection. Il est évident que cela se ressent.
Du fait d’être récente, la cloche a un poids connu. C’est nettement plus controversé dans le cas des gros bourdons anciens tels qu’à Sens (89), où l’on observe des surenchères bien compréhensibles. Avec le temps, les estimations s’affinent. A Marseille, on serait sur base de la 9ème cloche de France en matière de poids, le tout tenant dans un mouchoir de poche puisque les suivantes : Bordeaux et Metz, ont des surpoids peu importants.
Le bourdon est sonné en rétrograde lent. Nombreux alsaciens critiqueront le mode de volée. Il s’avère en définitive que le clocher serait trop étroit pour un lancé. Fait étonnant d’ailleurs, le balancement possède un bouton d’arrêt d’urgence rouge si la volée venait à prendre trop de degrés. C’est un mécanisme qui a été monté car la cloche possède 4 bras métalliques qui dans un temps passé, permettait la volée manuelle à la corde par 4 sonneurs.
De ce fait, le balancement est lent, le battant de 387 kilogrammes quasiment immobile. La cloche est surmontée d’un joug arqué que l’on pourrait qualifier d’unique. Il offre un volume énorme d’acier, qui fut récemment rénové avec une nouvelle peinture grise et une mise en valeur de l’estampille.
Au même titre que les bourdons de Montpellier, le manque de finesse est renforcé par le pelliculage de pollution. Cela altère la perception que l’on peut se faire des effigies.
La dédicace de la cloche est kilométrique, à tel point qu’il est à se demander, l’expérience aidant, s’il s’agit du plus long texte de France. En ce qui concerne le détail de ces textes, on ose à peine imaginer la somme purement colossale de travail que cela a pu représenter pour les ouvriers de la fonderie. Dans le même temps, on tremble à l’idée de monter le bourdon le long des pentes radicalement folles de Marseille ; fut-ce avec des bœufs ou des chevaux.
La cloche est une des plus décorée de France, tout à fait semblable aux cloches russes, c’est dire l’ampleur rare, et de ce fait à appuyer !
En ce qui concerne le relevé des textes, nous nous référons à l’inventaire de Philippe Wathelet en 2012, d’une part parce que nous n’avons pas eu le temps de le faire, d’autre part puisque de toute façon, il a réalisé un travail d’excellence. Il s’agit d’une dédicace au cerveau et de quatre panneaux indépendants placés autour d’effigies de grande taille.
Au cerveau : * ALMAE VIRGINI DE PARAE DOMINAE NOSTRAE A CVSTODIA CIVITATIS MASSILIENSIS ET NAVICANTIVM PATRONAE *
En panneaux : HOC-CE AES CAMPAN PECVN D QVORVM INFRA NOM CONFLATVM DE MAZENOD EPISCOPVS MASSIL PRAEFECTO ET LEGAT MATRINAE DIVISIONIS DVCE * DE LA COSTE * SACRARIVM ADMINISTRANTIBVS D D F GILLYI BARIN BEBUFAT * AVEDOVARD * SOUSCRIPTEURS M M DE SURIAN ET MUY * RAFFO SECRETAIRE INTIME DU BEY DE PAYEN * A DLIGLUN * C F GROS * L BONNEFOY * GELLEL MAIRE*THOMAS DE GUERIN * GIBBAL FRERES * CAPEFIGUE BONNEFOY * MESD LA COMTESSE LUDOVIC DE PANISSE * TH TEMBE *
FIDELIVM NEC NON MVNIFICENTIA R R SOLEMNI RITV CONSECRAVIT ET ANNO DOMINI MDCCCXLV * LOCVM VERVM MVNIFICA D? EVGENIA PROVINCIAE PRAEFECTO * LEBAS * CAILLOL VIC GEN*BERNARD CAPELLANVS * LAIARD * AVTRAN PERRON * CASSISTRE * BERRYER DEPUTES DE LA VILLE DE MARSEILLE TUNIS * FELIX RAFFO * DELUIL-MARTINY * LATIL NOTAIRE * L SAMATAN * J F E ALLEON * J DELESTRADE * F BLANC * SIGNORET * FELIX DE CHOMEL* DE CHAMILLART MARQUISE DU MUY * OLIVA RAFFO *
ANTISTITIS MASSILIENSIS PATRINORVM NOMINA MARIA JOSEPH IMPOSVIT I I TENENTE PATRINI AMPLISS VIRO CANAPLE PVCET * FAVENTIBVS MILITARIVM OPERVM DVCTORE * CAVVIERE * ROVBAVD * CAILHOL CROZET * E REY GABRIEL * FACH * ICARD * LE MARQUIS DE PANISSE * LE COMTE DE AUBAN * LE COMTE DE RUFFO-BONNEVAL F SILVESTRE * JAUFFRET FRERES * PACQUETET XAV RICHARD * BURET * ROCCA FRERES * LA COMTESSE DE CARROS-AUBAN * PACQUETET-GAVOT *
ADMINIS TRATORUM SACELLI ET N N D AC R R CAROLVS JOSEPH EVGENIVS A E REYNARD HVIVS-CE CIVITATIS COMITE D HAVTPOVL BELLICAE * L MAIRE * T GAVOT * I VIAL * I B SCHMIT * PANISSE * LE COMTE DE FELIX MARQUIS DU CASTEAUGEAUD * BARTHELEMY NOTAIRE * MAX CONSOLAT * ASTIER NOTAIRE * J ROCCA * L CHAVE * DAUDOUARD * GUILLODON DE TILLET * GIERRA MAIRE * MOURIES *
Sans aucune surprise, la panse est recouverte d’étoiles, ce qui constitue une quasi-signature de la fonderie Morel. Cela donne un charme indéniable à la cloche, très largement supérieure aux Hildebrand, qui pourtant peuvent être considérées comme contemporaines. La couronne possède des anses d’un charme tel, il est peu dire qu’on a affaire à une œuvre d’art. Il s’agit de 6 anges en prière, rassemblés sur une anse mère qui s’achève en plateau.
Le plateau vient s’inscrire parfaitement dans le joug arqué, ce qui témoigne d’un travail de très grande qualité. Au vu du montage du coup, il n’y a pas de brides et tirants. Du fait d’un grand soin et d’une sonnerie en somme douce, le point d’usure à la pince est très faible.
En hauteur de la chambre des cloches est placée une petite cloche en timbre fixe : la Toussaint Morel de 1885. Au vu du temps restreint sur place, elle ne nous fut pas accessible. Nous ne savons pas où est installée la seconde, pourtant existante. A l’entrée du bâtiment touristique au niveau zéro se trouve une cloche déposée et rénovée, en exposition.
La visite de la Bonne Mère s’avérait indispensable en vue de documenter les cloches en France. Nous remercions très vivement la direction de l’édifice pour tant de gentillesse et de disponibilité dans l’accueil.