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Pont-de-Labeaume Ardèche, les cloches de Notre-Dame de Nieigles

Voici une visite campanaire de l’église Notre-Dame de Nieigles. Cet édifice roman du XIIe siècle est perché sur les hauteurs de Pont-de-Labeaume, au sein d’un petit hameau resserré, accessible par des routes incroyablement étroites à l’ardéchoise. Si cela peut se révéler commun pour nous, il est de fait que ça ne manquera pas d’impressionner le visiteur urbain.

L’édifice est propriété de la commune. Il s’avère toutefois que l’église paroissiale est située tout en bas, au cœur du tissu urbain de Pont-de-Labeaume, le long de la nationale 102. Il y a donc deux églises sur la commune. Cette église de centre-ville donne de prime abord un aspect relativement peu intéressant et la mairie n’a pas répondu à notre sollicitation de visiter le clocher. La paroisse organise les célébrations au sein de ladite église.

La sonnerie de Nieigles est utilisée uniquement lors de la célébration de Pentecôte.

Au même titre que l’église de Naves (Les Vans), l’édifice de Nieigles connaissait un état de ruine affirmé dans les années 1980. Autant l’église n’était pas croulante, autant elle nécessitait des travaux de rénovation intenses. Au fil du temps, une remise à niveau a été réalisée grâce aux efforts conjugués de la municipalité de Pont-de-Labeaume et de l'association des amis de Nieigles. L’église est inscrite à l’inventaire des monuments historiques en 1975.

L’association m’a ouvert les portes et je remercie très vivement l’équipe pour l’accueil si chaleureux sur place. Cette association travaille d’arrache-pied à rendre l’édifice accessible au public.

Le clocher comporte 4 cloches, dont l’historique s’avère à la fois nébuleux et mouvementé. En tant qu’édifice roman, il est acquis que le clocher comportait auparavant un nombre de cloches relativement élevé, ne serait-ce que par le nombre de baies disponibles. De ces objets, qu’ils soient médiévaux ou renaissance, nous ne savons rien. Faut-il imaginer une destruction lors des guerres de religion ?, la notion n’est pas forcément étrangère.

En tout état de cause, il est certain qu’à l’orée des années 1980, l’édifice était dépourvu de cloches. Les 4 instruments présents à ce jour proviennent d’apports, sur lesquels il sera relativement difficile de faire la lumière.

La première cloche est une Paccard, fondeur localisé à Annecy. Elle est non datée, ce qui est peu conventionnel pour cette fonderie. Elle comporte une frise de palmettes au cerveau, parsemées de signes christiques, une frise décorative à la fourniture. Ce rinceau est très peu habituel pour la fonderie, à savoir une ancre, une baleine. Du côté vide, la faussure possède un blason. L’armoirie figure un oiseau posé sur un rocher, lequel est entouré de la mer. Le dessus est une tiare.

Il s’agit de l’armoirie du pape Pie XII, décrite comme : D'azur, une colombe d'argent à tête tournée qui tient un rameau d'olivier de sinople et qui est posée sur une montagne d'argent à trois pics qui repose sur une terrasse de sinople surmontée d'une mer ondulante d'argent et d'azur.

Cela borne la datation de cette cloche à 1939 – 1958.

Elle sonne un Ré(4) pour un poids estimé de 150 kg. Elle est montée en rétro-équilibré. Elle est électrifiée sur un boîtier Harmony. Bien que correctement équipée, elle ne sonne jamais en volée. Lorsque nous avons actionné la volée, le moteur a serré. Les paliers et tourillons ne sont pas graissés, ce qui a provoqué un blocage systématique de la volée à quelques degrés. Cela explique que j’ai actionné la volée à la corde, laquelle se révèle d’ailleurs assez inopérante, ce qui est logique.

La seconde cloche est une Burdin Aîné, fondeur à Lyon. Elle est datée 1845 à la fourniture. Elle est moulée sur le décor « à stries ». Il s’agit d’un modèle ultra-commun que nous décrivons comme étant une cloche de magasin. Submergé de commandes en cette époque, le fondeur Burdin coulait des cloches standardisées, ne mentionnant aucunement le nom de la commune, de la paroisse, des parrain et marraine. Ces cloches moins chères étaient destinées à fournir de petits édifices.

Elle sonne un Fa#(4) pour un poids estimé de 72 kg. Elle est montée en rétro-équilibré. Bien que correctement suspendue, elle ne possède aucun volant ni moteur.

On remarque d’emblée que la robe possède une croute d’oxydation importante, dénonçant un environnement lourdement pollué. Elle proviendrait d’une grande ville, cela ne serait vraiment pas étonnant.

Les deux dernières cloches proviennent d’un don, réputé « de mémoire » provenir de Saint-Etienne. On y relève une petite cloche en acier, que nous faisons provenir indiscutablement de la fonderie Jacob Holtzer à Unieux (Saint-Étienne). Cela borne sa datation à 1860-1872. Conformément à cette fonderie, sa sonorité est catastrophique. La seconde cloche est anépigraphique.

Ces deux petites cloches sont montées en poste fixe sur un seul et même axe. Elles possèdent un double mouton, ce qui est à la fois totalement inutile et d’une forme rare (voire unique ?) ; il s’avère que cela offre un esthétisme certain, ce d’autant plus que la suspension domine le porche de l’église. Les deux cloches dites « de volée » sont suspendues à l’arrière.

Il fut un temps où il était sonné l’angélus. Faisant suite aux réclamations d’un riverain, la pratique a été stoppée – de longue date d’ailleurs – cela justifie l’absence d’entretien de la volée.

La volée sonnée à la corde est donc une simulation de duo. L’accord « ré majeur sur fa dièse » est tout à fait agréable. La sonnerie révèle inévitablement un déséquilibre très intense sur la Paccard. Au vu du manque de graisse, cela ressort comme une pure évidence de l’ordre de l’inévitable.

L’ensemble est donc d’un hétéroclite important, ce qui retranscrit les propos qui d’emblée et sans surprise, expriment des apports extérieurs. Une Paccard des années 1950, une Burdin 1845, une petite Holtzer 1870, une petite anépigraphique. Hormis la variation des profils, cela constitue un joli potentiel, notamment sur le duo des deux cloches de volée.

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