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Les cloches de Rochecolombe

Voici un documentaire (partiel à ce jour) sur les cloches de Rochecolombe, en Ardèche. La commune comporte 3 églises : l’église de l’Assomption localisée au-dessus de la mairie, l’église Saint-Pierre du hameau de Sauveplantade, l’église Saint-Barthélémy du vieux village. Cette dernière fait figure de destination esthétique dans l’ancien village médiéval, très prisé d’un point de vue touristique.

Un très grand merci à toutes les personnes qui se sont investies dans la réalisation de ce documentaire. Monsieur le maire Jean-Yvon Mauduit, Madame Violaine Chareyre, Monsieur Manuel Gomez de Mercado.

L’église de l’Assomption possède trois cloches dans des baies ouvertes sur l’extérieur. Deux sont issues du même fondeur et possèdent un « calvaire à feuilles d'olivier » sur la faussure. Par comparaison, c’est identique à Sablières et Saint-Maurice-d'Ibie, qui furent documentées en drone par obligation. D’aucune, nous ne possédons ni datation ni nom de fondeur ; cette indication est vraisemblablement portée côté mur et un drone s’avère insuffisant.

Le 10 octobre 2025, nous sommes montés en clocher en vue d’identifier le fondeur. Toutefois, un nid de frelon a empêché toute investigation. Nous planifions une nouvelle visite aux premiers temps froids. L’église est condamnée actuellement, en état de péril depuis le séisme du Teil (11 novembre 2019).

L’église Saint-Barthélémy du vieux village possède 4 baies dans un clocher peigne léger, un peu comme dans le cas de figure de Balazuc. Ces baies sont vides. Les cloches auraient été « possiblement volées », mais cette assertion reste vraiment à vérifier car elle est issue de la tradition orale. Monsieur Albert Cardinal, qui nous a organisé la visite du clocher de Vogüé, pourrait en savoir plus. Une investigation sera menée.

L’église de Sauveplantade est un édifice roman extrêmement remarquable. Fait particulier, on accède au clocher en passant dans la maison d’un riverain. En effet, il n’existe nul autre accès. Sauveplantade possède ce que nous estimons être la plus ancienne cloche d’Ardèche, devant Tournon-sur-Rhône (1486).

Ce que nous savons de Sauveplantade

L'église Saint-Pierre de Sauveplantade, située dans le hameau de Sauveplantade à Rochecolombe, est considérée comme l'une des plus petites églises de l’Ardèche. C'est un parfait exemple d'architecture romane du premier âge en Vivarais, souvent qualifiée de « bijou de l'art roman » grâce à ses dimensions minimes : seulement 8,30 mètres de long sur 3,30 mètres de large. Elle se distingue par son plan en croix latine, sa courte nef de deux travées, un transept avec abside et absidioles, ainsi que sa coupole octogonale sur trompes coniques, alliant simplicité et élégance.?

Historiquement, le site était occupé à l'époque gallo-romaine et comportait un sanctuaire dédié à Jupiter, comme en témoigne une inscription latine conservée dans l’église. Mentionnée dès le VIIe siècle, l’église fut confiée au XIe siècle aux bénédictins de l’abbaye de Cruas, qui lui donnèrent son aspect actuel. Jusqu'à la Révolution, elle conserve une importance religieuse locale, avant que la population du hameau ne se rapproche du château construit à Rochecolombe pour cause d’insécurité liée à la guerre de Cent Ans.?

Classée monument historique depuis 1907, l’église de Sauveplantade fascine par sa remarquable conservation et sa simplicité architecturale, qui en fait une étape prisée de la Route des églises romanes du bassin de l’Ardèche.

Le clocher est situé au-dessus du chœur, au-dessus de la coupole, dans une architecture à la fois remarquablement simple et admirable. On accède au clocher depuis la maison d’un riverain, en marchant sur une toiture peu inclinée, sur une courte distance. La démarche n’est pas dangereuse. On trouve une cloche unique, qui dès le premier regard, démontre un format pain de sucre. Il s’agit donc d’une cloche médiévale extrêmement précieuse.

La cloche est suspendue en hauteur, dans une configuration très défavorable à l’étude, demandant la présence d’une échelle. Remercions à ce titre la grande gentillesse de Monsieur Gomez, de nous avoir mis ce matériel à disposition. Quand bien même, malgré ce prêt de matériel, la disposition étroite des lieux est très loin d’aider. L’échelle se place au millimètre.

La cloche fait apparaître une dédicace en textura quadrata difficile à lire : X REX VENIT IN PACE X REGNAT X IMPERAT, ce que l’on retranscrit par le très classique : CHRISTUS REX VENIT IN PACE, CHRISTUS REGNAT, CHRISTUS IMPERAT. Cela se traduit par : Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ commande. Il s’agit des Acclamations Carolingiennes.

On sait que Sauveplantade était un monastère. Dès lors, cette cloche rejoint parfaitement la tradition monastique, notamment la pratique récurrente de ne pas signer ce type d’instrument. En effet, nulle datation ni nom de fondeur. Ce n’est pas une surprise.

La configuration du clocher est totalement défavorable du point de vue de la présence des pigeons ; cela entraine une robe maculée de fientes et une dédicace très difficile à lire. La textura placée au cerveau est classique pour le genre. Les effigies sont corrodées et peu marquées dans la chape. C’est un aspect prédominant dès le départ car notamment sur la faussure, les traces de troussage sont visibles.

Deux effigies se font face : d’une part un Christ Pantocrator, d’autre part un Ecce Homo. Nous signalerons d’emblée le caractère discutable de ces identifications, tant l’érosion et le vert-de-gris rendent peu lisible. Ce de surcroît que – même avec une échelle – toute analyse revient à peu près à de la lévitation.

Disons que cela nous semble important à signaler, car d’un point de vue global, nous avons des ressemblances de profil et d’effigies très marquées avec Vorey (43) et Saint-Julien-du-Pinet (43), mentionnant malheureusement qu’il ne s’agit pas du même fondeur. En effet, le chapeau de cadre de l’effigie ne correspond pas. De peu, mais ce n’est pas identique.

Très peu de fondeurs officiaient en ces époques reculées. Nous mentionnerons de surcroît que le médiéviste Thierry Gonon ne la connaît pas dans son Corpus sur les cloches médiévales – c’est loin de soutenir la recherche.

Son profil est en pain de sucre peu affirmé, sur base d’un début de profil lorrain, toutefois en ultra-ultra léger (vraiment fragile). Elle sonne un Ré(4) en prime, avec la présence discrète d’une tierce en La(4) extrêmement peu exprimée d’ailleurs, et une altération plus que notoire de la fondamentale vers un Mi(4). Il est normal que ce soit brouillon, pour un profil métallurgique aussi peu maîtrisé. Son poids estimé est de 120 kilogrammes.

Elle possède des anses en arceaux, comme cela peut s’avérer classique pour un instrument de cet âge. Son montage en rétro-équilibré est équipé d’un joug important et d’un battant bodet léger. Ce montage est réalisé afin de préserver la pince, franchement fine. Une des brides est montée à l’envers, ce qui provoque une suspension catastrophique.

Monsieur le Maire évoque que cette cloche était sonnée de par le passé, notamment lors des enterrements. Elle ne l’est plus aujourd’hui et plus aucun entretien n’est pratiqué. Au vu des difficultés à monter au clocher, la somme d’investissement personnel de tout un chacun que cela représente, il est un document radicalement rare (et une chance) de présenter cette cloche.

Au vu des comparaisons effectuées avec Vorey, nous faisons estimation de datation à 1470 – 1480.

Considérant que la cloche de Tournon-sur-Rhône date de 1486, considérant que les informations concernant les cloches médiévales de Bourg-Saint-Andéol sont lacunaires (d’après T.Gonon ibidem, 1475, se basant sur J.Berthelé), considérant que l’état du clocher là-bas ne permet pas d’inspecter les instruments : avec une prudence de rigueur, à défaut de complétion de l’inventaire, nous considérons qu’il s’agit de la cloche la plus ancienne du département de l’Ardèche.

Elle mériterait -à très haute valeur ajoutée- : un placement de grillage contre les volatiles, un nettoyage à l’eau, une mise en valeur photographique de qualité après le nettoyage. Il s’avère que les conditions difficiles pour y monter (disons que c’est surtout par une volonté de ne pas trop déranger les gens) rendent ce projet peu réaliste. Il appert que si elle n’est pas sonnée, elle n’est pas en danger. Il reste que, à défaut de tourner le tirant d’un demi-tour, il nous semble très indiqué de ne plus la sonner d’aucune manière.

Documenter la cloche la plus ancienne d’Ardèche est une chance et un honneur, rendu possible par tous ceux qui ont soutenu le projet.

La tradition orale fait remonter de la mémoire une histoire concernant l’église, celle de Saint-Roch. Autrefois, le clocher de l’église était surmonté d’une statue de Saint-Roch, au même titre que Saint-Germain possède une magistrale statue de la vierge – ce qui au demeurant en fait la plus haute église d’Ardèche et pose des problèmes de stabilité notoire.

Revenant à Sauveplantade, la présence de Saint-Roch fit de sacrées histoires du point de vue monuments historiques, car cela ne correspond pas à l’architecture du roman primitif. Des voix s’élevèrent au village car personne ne voulait qu’on y touche, bref cela restât de la sorte malgré les conflits. Jusqu’au jour où un impact de foudre intense eut frappé le clocher.

La maison de Monsieur Gomez (un membre de sa famille y habitait à l’époque) fut endommagée, la statue de Saint-Roch fut pulvérisée. Était-ce là un signe du destin ? La statue endommagée fut ôtée et supprimée. Cette histoire ne revint plus jamais dans les discussions.

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