Exploration campanaire, la cloche de Saint-Privat
Voici une exploration campanaire de l’église de Saint-Privat. Un très grand merci à la mairie pour l’accueil ainsi que la disponibilité durant l’expertise. La cloche de Saint-Privat a un profil que l’on pourrait qualifier de grand classique, si ce n’est que des petits détails s’avèrent déroutants.
La montée au clocher est effectuée par un escalier en pierres en très bon état, lequel mène à une structure en bois tout autant sécurisée, puis un passage sur les voutes en comble. Les pesées sont réparties sur des planches en OSB. Tout cela révèle une très bonne maintenance de l’édifice. Dans la chambre des cloches, on relève la présence d’un beffroi Bodet entièrement neuf. Tout cela augure une exploration campanaire dans un lieu parfait. Quelle bonne nouvelle, c’est en somme assez peu fréquent.
On constate la présence d’une cloche unique suspendue en rétrograde, avec la présence d’un mouton immense. On la croirait pour un peu quasiment équilibrée, comme une volée tournante, mais il est vrai que la cloche pèse 685 kilogrammes et c’est déjà un petit poids.
La cloche émane du fondeur Gédéon Morel, en provenance de Lyon. Autant pour l’Ardèche que pour la région, c’est un très grand classique. Elle date de 1844.
La dédicace est la suivante :
IN CYMBALIS BENE SONANTIBUS LAUDATE DOMINUM PS 150 V
MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ PRIEZ POUR NOUS O M S
JE M’APPELLE MARIE ANNE EUGENIE ST-PRIVAT
MARRAINE MME MARIE ST DENIS NEE DUMAS
PARRAIN M. EUGÈNE TOURRETTE
CURE DE ST PRIVAT MR HUGON MDCCCXLIV
GEDEON MOREL A LYON
VOX EXULTATIONIS ET SALUTIS IN TABERNACULIS JUSTORUM
L’aspect qui attire l’attention, c’est la fraction carrément non négligeable de dédicace inscrite en gravure plutôt qu’en cire perdue. Mais que s’est-il passé ?
Saint-Privat possédait une ancienne église, en très mauvais état (proche de la ruine), exiguë et mal conçue. Au gré d’un projet de longue haleine, elle fut rasée, les pierres réutilisées dans le cadre de l’érection d’une nouvelle église. On devine encore, à ce jour, quelques traces de cet ancien édifice. L’année 1840 voit le début d’un gros chantier, achevé en 1843.
Sans milliers de détails, on sait que l’église était équipée d’une cloche de 170 kilogrammes, qui bien qu’installée dans la nouvelle église, fut fêlée assez rapidement.
La cloche actuelle pèse 685 kilogrammes, dont le métal de l’ancienne cloche. Là où les archives sont des sources de discordances potentielles, c’est qu’elle fut bénite le 11 janvier 1846.
Notre déduction est que le curé Hugon de l’époque a acheté une cloche en magasin, de décoration entièrement standardisée. Pourquoi ? Probablement Gédéon Morel fut-il complètement débordé en cette époque, carnet de commande plein, ce ne serait nullement étonnant. Qu’a-t-il proposé ? De graver sur la panse de manière à individualiser la cloche.
Certes c’est légèrement moins qualitatif, mais au moins c’est fait. Nous noterons que Crouzet-Hildebrand ne s’encombrait absolument pas de ce genre de travail bienveillant.
Dès lors, si la cloche est datée de 1844 d’un point de vue métallurgique, il est clair qu’elle est datée de 1846 d’un point de vue usuel, ce qui correspond en réalité à la dernière des pierres de la nouvelle église.
Les travaux récents de ces dernières années ont conduit à décrocher la cloche et à monter un tout nouveau beffroi. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le travail de Paccard est mené à la perfection. La cloche est commandée par un boîtier Paccard Harmony.
Elle chante un Sol(3) harmonieux en profil renforcé. La visite révèle une situation très qualitative.