Exploration campanaire, les cloches de Sanilhac
Voici une visite campanaire du clocher de Sanilhac, en Ardèche, à ne pas confondre avec la commune éponyme en Dordogne. La visite de ce clocher était attendue de longue date, car il était le dernier à manquer dans un très large périmètre d’inventaire. Un très grand merci à la municipalité pour l’accueil, et en particulier à Madame Claude Balazuc.
On accède au clocher par l’église, quand bien même la tour est distincte de l’église. C’est un cheminement qui fait passer de salle en escaliers, le tout dans un état de sécurité et de propreté qui sont parfaits. Quelques objets subsistent dans la chambre des cloches (des anciens volants), mais ils ne constituent pas de danger.
On trouve un ensemble homogène de deux cloches issues des Baudouin Père et Fils, fondeurs à Alès, qui sont comme nous le rappelons à différentier fondamentalement des Baudouin de Marseille.
La cloche numéro 1 est imposante et en lancé franc. Elle possède un battant de grande dimension, avec une chasse imposante. Conformément aux Baudouin, la métallurgie est douteuse et l’épigraphie brouillonne ; surtout elle est mal imprimée et pas ébarbée. Et une fois encore, la cloche amènera la surprise, la musicalité est très bonne. Comment font-ils cet exploit ?
Elle sonne un Fa#(3) et pèse 670 kilogrammes, dans un profil plutôt lourd. Son montage en lancé franc me met en franches difficultés pour l’actionner en volée. Je manque de puissance, face à des poussées trop importantes, des paliers et tourillons qui manquent de graisse. Cela s’avère normal, j’expliquerai.
La petite cloche possède une métallurgie légèrement meilleure, probablement du fait qu’ils ont eu moins de mal à garder le chaud pour un moindre volume de métal, et assez inéluctablement, on doit deviner que la grande a été coulée en deux creusets.
Elle sonne un Do(4) pour un poids estimé de 210 kg. Son montage en rétrograde la rend si légère qu’on la sonne tout en pensant à sa liste de courses pour le soir.
La grande date de 1841 tandis que la petite date de 1842. En cette différence, il faut bien lire qu’il s’agissait d’artisans fondeurs ayant à la fois une capacité faible, et de l’autre côté un carnet de commande qui ne désemplissait pas. Dans le Gard et le sud de l’Ardèche, leurs productions sont légion.
Les dédicaces sont les suivantes. La grande cloche : SIT NOMEN DOMINI BENEDICTUM (main) J’AI ETE BENITE EN 9bre 1841 (main) PAR MR SUCHET (main) MON PARRAIN Mr A ROGIER MAIRE (main) ET MA MARRAINE DAME BASTIDE. La petite cloche : VOCE MEA AD DOMINUM CLAMAVI VICTOIRE BENITE LE 25 AOUT 1842 (main) PAR Mr SUCHET (main) PARRAIN Mr JEAN SABATIER ADJOINT MARRAINE DAME VICTOIRE VIELFAURE.
Les N à l’envers sont comme une signature de premier coup d’œil de leurs travaux, c’est imparable. Ils n’ont jamais corrigé cet aspect, ce pouvant signifier qu’ils étaient illettrés, ou bien qu’ils n’avaient plus la capacité à modifier la matrice (cela peut s’avérer un peu étonnant). Les effigies, pour eux traditionnellement apposées sur la faussure, sont ultra classiques pour ces fondeurs.
La volée est sonnée en fausse volée, par tintement alternatif, que l’on dira qualitatif. L’automation est réalisée sur un boîtier Tempora, installé par l’entreprise Plaire. Comme on le sait, derrière eux, on trouve de la qualité, rien à redire. Le boîtier commande la sonnerie horaire et l’angélus.
La véritable volée, manuelle du coup, démontre des lacunes : la petite ne possède pas de moteur et sa chaîne pend au volant. La grande possède un moteur non fonctionnel. Au vu de la puissance nécessaire, il a probablement été choisi de ne plus remplacer, ce du fait qu’on sonne (malheureusement) beaucoup plus de glas que de mariages.
Il appert qu’en volée, la grande est très malcommode puisque le trou laissant passer l’échelle peut s’avérer dangereux. Il est très proche. J’ai manqué de puissance et j’avoue, au vu du vide, j’ai choisi la sécurité et pas tenté le diable. La corde s’est avéré insuffisante du fait d’un manque de bras de levier.
Ce qui s’avère déstabilisant, c’est l’accord choisi du Sol bémol, et de ne pas avoir fondu un Do dièse.
Ce sont sans nul doute les plus belles Baudouin d’Ardèche, et qui plus est, le poids conséquent et le lancé franc en font des objets très qualitatifs. Le voyage campanaire valait vraiment l’investigation.