Les cloches de Villeneuve-de-Berg
Voici une exploration campanaire de l'église Saint-Louis à Villeneuve-de-Berg. Un très grand merci à la paroisse de nous avoir permis ce documentaire, en particulier à Madame Hélène Jouve qui a assuré le suivi et tout le montage opérationnel. Ce reportage n’aurait pas pu avoir lieu sans l’aide précieuse qui fut apportée.
L’église Saint-Louis de Villeneuve-de-Berg est un édifice historique essentiel dans notre parcours des clochers ardéchois. Villeneuve-de-Berg fut créée comme bastide royale à la fin du XIIIe siècle dans le cadre d’un paréage entre Philippe III et l’abbé de Mazan ; l’église Saint-Louis y occupe une fonction centrale depuis l’époque médiévale et a été intégrée au système fortifié de la cité.?
Le clocher est une ancienne tour défensive, la flèche date du XVIIIe siècle, et la façade a été remaniée au XIXe siècle. Assez surprenant, le clocher est beaucoup plus haut qu’on pourrait le supposer et son ascension forme surprise au gré des étages. L’ensemble est dans un très bon état d’entretien, ce de surcroît que des antennes téléphoniques y sont disposées. Discrètes, ce n’est pas gênant.
Le beffroi en bois, en parfait état de fonctionnement, comporte deux cloches. La grande est une Paccard de 1975, indiquée comme étant une refonte d’une cloche de 1848. La petite est une Gédéon Morel de 1844. On est donc loin d’un ensemble comme Alba-La-Romaine ; certes ancien et estimable toutefois partiellement dysfonctionnel.
La grande cloche pourrait être prise pour une Granier au premier regard. Elle n’est pas signée, ne comporte aucun nom de fondeur ni aucune estampille. Il ne faut pas être un grand spécialiste pour se rendre compte assez rapidement qu’il s’agit d’une Paccard. En l’occurrence, l’effigie de Vierge à l’Enfant est très caractéristique de leur atelier, sans citer le joug arqué. Ce qui surprend est l’épure de la robe : très peu de dédicace, très peu de décor. C’est qualitatif, mais spartiate pour cette fonderie.
Cette cloche sonne un Fa#(3) pour un poids estimé de 640 kg plutôt en profil lourd. Elle est montée en rétro-mitigé, ce qui pour le secteur de l’Ardèche est rare, si ce n’est unique, tout du moins dans l’état actuel des inventaires. Après c’est une variante du rétrograde et en gros, il faut un peu tendre l’œil pour le remarquer. Mais effectivement, le battant est surbaissé dans la robe à l’aide d’une barre fixe.
Les traces d’accordage à la faussure et à la pince démontrent qu’on était déjà à un stade très avancé de musicalité à la fonderie Paccard, fonderie qui a préfiguré ces techniques dans le même temps que les Eijbouts.
La petite cloche est une Gédéon Morel. Elle est extrêmement caractéristique de la fonderie, à savoir un décor soigné, de longues dédicaces, des effigies rondes et très saillantes, la présence systématique d’étoiles. Cette cloche sonne un La pour un poids estimé de 340 kg plutôt en profil léger. Elle est montée en rétro-équilibré.
On remarquera qu’une part de la dédicace a été gravée plutôt que réalisée à la cire perdue, bien que le nom de Villeneuve soit en cire perdue. Dès lors, ce n’est pas une cloche de magasin ; il est à estimer plutôt qu’elle fut commandée dans l’urgence, et que les gravures furent des ajouts. Notons que cela concerne vraisemblablement son financement, avec notamment les noms des parrain, marraine, mécènes. Dès lors, on peut éventuellement avancer qu’elle fut payée par souscription, en plusieurs fois.
Cet aspect caractéristique se voit sur les termes PARRAIN MR et ensuite gravé BERTOYE, plus loin MARRAINE MME et ensuite gravé VERNET. Ce furent des informations manquantes. En cette période de très forte charge au niveau du carnet de commande, on peut comprendre.
Il n’y aurait rien de vraiment anachronique ni anormal que la Paccard refondue, émane d’une Gédéon Morel qui fut fêlée pour une raison que l’on ignore. Nous avons donc un duo d’une Savoyarde et d’une Lyonnaise, les deux se marient avec bonheur : la sonnerie est esthétique. L’ensemble est piloté par un boîtier d’automation Paccard Harmony de dernière génération, en sacristie, et ma foi, tout est réellement dans un état très plaisant.