Le
beffroi dans le passé...
Ce reportage est un petit sujet sur le beffroi de Tournai. Le sujet est relativement bref, vu les difficultés de prise de vue. L'essentiel des structures campanaires se trouve derrière des vitres. Ce qui suit permet tout de même de se faire une petite idée sur les lieux !
Ce
reportage a été effectué grâce à l'aide directe
de Pascaline Flamme et Thierry
Bouillet. Un grand merci à eux deux. Cette page contient : un descriptif
essentiellement campanaire des lieux, un enregistrement et quelques vidéos
du concert de Pascaline Flamme, des photos des cloches
et du beffroi. Ce sujet a été donné à l'office du
tourisme de Tournai.
La moitié des photos a été réalisée
par Sandy De Wilde.
Le beffroi de Tournai est le plus ancien beffroi de Belgique. Cette information n'a rien de bien novateur, mais mérite d'être signalée afin de donner un cadre à nos cloches. Sa construction aurait débuté en 1188. De profondes mutations auront lieu en 1294, dont une élévation majeure de l'édifice.
Au niveau campanaire, le site ne manque franchement pas d'intérêt. On y trouve 55 cloches posées, 4 cloches déposées, 1 clavier Clock-O-Matic construit lors de la rénovation de 2004, un clavier d'étude, un tambour, une horloge d'édifice Michiels. Ce n'est quand même pas rien ! D'autant plus que certaines cloches valent le détour.
Les
cloches du carillon :
La composition est la suivante : 13 cloches François
Barbieux de 1743-1755, 18 cloches Marcel Michiels de 1960, 23 cloches Eijsbouts
de 2002-2004, 1 cloche Séverin Van Aerschodt de 1873.
Les
cloches spécifiques :
-Une cloche de Robins de Croisilles, dite
la Banclocque. Elle date de 1393 et pèse 5 tonnes environ.
-Une cloche
de Robins de Croisilles, dite le tocsin. Elle date de 1393 aussi, elle pèse
2050 kg.
Les cloches
déposées :
-Quatre cloches de Marcel Michiels sont déposées
et stockées dans une pièce du beffroi. Elles datent de 1960. Elles
n'ont rien de spécifique par rapport à la production habituelle
de Marcel Michiels.
Il ne reste malheureusement plus aucune trace des cloches de Jacques Waghevens et Etienne Laloé. [Sauf qu'une littérature, c'est à dire F. Desmons, Les cloches de Tournai, in Annales de l'Académie Royale d'Archéologie de Belgique, mentionne que les 9 (A1) et 14 (D2) sont des Waghevens. Si tel est le cas, il y a franchement de quoi s'en vouloir et plus que nécessité de revenir... Un spécialiste pourrait-il s'exprimer, à savoir si les 2 Waghevens ont été démontées lors de la restauration de 2004, remplacées par des Eijsbouts et si c'est le cas... alors où sont déposées les Waghevens ?]
Quelques mots à propos de toutes ces cloches...
* Les cloches Barbieux sont intéressantes, notamment en terme de rareté. Il faut bien remarquer que pour ce fondeur originaire du Tournaisis, c'est une chance d'en trouver à Tournai et un luxe d'en trouver ailleurs. Bien qu'assez difficilement accessibles dans le carillon, quelques-unes se laissent observer docilement. Il apparaît que ce sont des cloches soignées. Nous sommes très loin d'une production médiocre, pourtant encore fréquente à cette période de l'histoire. Ces cloches possèdent une épigraphie assez limitée, mais de bonne qualité. Le nom François Barbieux est très lisible. Un rinceau végétal assez touffu se trouve en frise au dessus du nom du fondeur. Une frise de guirlandes végétales se trouve en dessous du nom du fondeur. A chaque noeud de guirlande se trouve un visage assez réaliste. Il s'agit de personnes âgées et barbues, peut-être des représentations amusantes et amusées des dieux du vent, de l'eau, etc, puis des têtes d'angelots. A noter : un nombre de filets très important à la fourniture.
* Les cloches Michiels sont standardisées et n'appellent en ce lieu aucune remarque. On notera que ce sont (malheureusement) parmi les dernières cloches de Marcel Michiels, fondues en fin 1960 et installées en 1961. Lors de cette production, il décida de remplacer gracieusement 8 cloches de carillon, qui étaient fondues par lui en début de carrière, et jugées trop médiocres.
* Les cloches Eijsbouts sont un peu originales. En effet, elles n'ont pas pour frise un décor stéréotypé, ce qui est le cas habituellement car seulement trois décors de base sont proposés. Le décor que nous pouvons observer ici est un liseré de fleurs de lys. C'est on ne peut plus simple, mais tout à fait soigné. Les plus petites cloches sont Eijsbouts et elles ont un son cristallin. On peut se demander si cette épigraphie n'a pas été faite pour s'allier avec celle des Michiels, laquelle est très similaire.
* La cloche Van Aerschodt est difficilement accessible. Elle se situe derrière la banclocque. On n'en voit qu'une face. Elle a un décor simple, minimaliste mais bien réalisé.
* Le tocsin de Robins de Croisilles n'est pas du tout visible en temps habituel. Cette cloche se situe en sommet de flèche. L'accès au local n'est pas autorisé. C'est bien entendu très dommage pour nous. D'après Pascaline Flamme, cette cloche n'a pas le profil effilé d'un braillard médiéval. Thibaut Boudart confirme qu'elle a le même profil que la bancloche. La dédicace comporte le texte suivant (d'après littérature) : Je fais haultement mon debvoir ; Pour cascun les heures savoir ; Quant je dore j'ai qui me resveille ; Si resveille tel qui someille ; Nonante II CCC et M ; Me fondit Robin de Croisille.
D'après le dictionnaire des instruments de musique, Robin de Croisilles est un fondeur originaire de Montdidier, France, près de Cambrai. Il fournira à Tournai quatre cloches, le tocsin pour sonner l'alarme (cloche qu'on appelle le plus souvent Le Timbre), la banclocque pour sonner les évènements tristes, le Vigneron et la Cloche des Ouvriers. Le Vigneron est fêlé en 1416 et sera refondu par Michel De Gand. Le Vigneron avait pour vocation de sonner l'heure de fermeture des cabarets. On l'orthographie parfois le Wigneron.
*
La Bancloche est une grosse et belle cloche, un peu au sens du Great
Bell en anglais. Elle s'appelle aussi banclocque ou bancloque ou ban-cloque.
C'est la cloche des Bans ou la cloche à Ban. En dédicace, elle est
orthographiée bancloke. C'est une cloche de volée actuellement montée
en lancé franc. Elle a un mouton assez petit vu le volume de l'instrument...
Elle possède une décoration assez limitée. Une ligne de dédicace
se trouve au cerveau. C'est une textura quadrata en très bon état
pour l'époque, large et lisible. Les anses sont finement décorées
de lignes à points. La cloche mesure 1m65 de hauteur.
La dédicace
comporte le texte suivant : Bancloke suis de commugne nommée ; Car pour
effroy de guerre suis sonnée ; Ci fu celi qui fondy devant my ; Et pour
le cas que dessous je vous dy ; Robins de Croisilles c'est cler ; Me fit pour
justice assembler ; L'an mil trois cent nonante deux ; Pour sonner à tous
fais piteus ; De mort d'oreille ou d'ortauls ; De caiche et flastrir tesmoins
fauls.
Je dois aller contre toutes les littératures sur la thématique. L'orthographe du nom est RobinS de Croisilles. C'est mentionné ainsi sur le cerveau, comme pour le tocsin. On sait que l'orthographe médiévale est sujette à de très puissantes variations, mais ça mérite d'être signalé et noté comme sur cette cloche.
Est-ce la plus ancienne cloche de Belgique ? Non, d'ailleurs personne ne le revendique. C'est d'après mes relevés la cinquième plus ancienne, ex-aequo avec la sixième (le tocsin) fondue à la même date.
Cette grosse cloche sonne le sol dièse. D'après les dires, la volée est extrêmement impressionnante, étant donné que la bouche vient à quelques centimètres à peine de la vitre de protection. Vu le volume du battant (terrible !!!), on imagine mal le volume sonore que ça doit représenter...
Les éléments campanaires annexes
A propos du tambour : il est engoncé derrière une vitre et peu visible. C'est un gros tambour assez monumental et fort restauré. Il est placé légèrement au dessus du clavier du carillonneur.
A propos de l'horloge Michiels : quasiment invisible, elle semble de facture assez traditionnelle pour ce fabriquant.
Le clavier : c'est un superbe clavier Clock-O-Matic, en tout point similaire aux modèles de carillons d'études. Seule originalité, et elle vaut le détour... Toutes les cloches sont en dessous du clavier. De ce fait, les abrégés renvoient toute la tringlerie vers le bas. Ca donne un paysage assez peu commun. A côté du clavier, une trappe s'ouvre et donne la possibilité d'ouvrir sur la salle de cloches, ça permet au jouer de mieux les entendre. Avec les abat-son, c'est aussi tout le tintamarre de la ville qui remonte. Un moment en riant, Pascaline m'a dit : mais ça sent les croustillons... En effet, en bas c'était le marché de noël...
Le clavier d'étude est un Clock-O-Matic très classique. De grande qualité, cet instrument est actuellement sous-exploité et se dégrade vide dans les conditions de froid et d'humidité.
Ce documentaire clôture l'année d'anniversaire des 500 ans du carillon.
Ci
dessus, vous pouvez écouter un morceau de Pascaline Flamme.
Le
beffroi vu de la cathédrale.
Nous
allons commencer la longue ascension.
Il
ne faut surtout pas perdre la corde !
L'escalier
est étroit et la montée longue !
Ah...
Enfin ! Le sommet tant attendu est là :)
On
arrive à la salle du carillonneur. Ici, on voit Pascaline Flamme au clavier.
Détail
sur le clavier et l'estampille Clock-O-Matic.
Les
abrégés renvoient toute la tringlerie vers le bas.
Voici
le carillon. Nous allons l'explorer en détail.
Une
petite cloche Eijsbouts.
Ces
clochettes sont très difficilement accessibles.
Les
ressorts de rappel.
Au
fond, la grosse cloche est une Barbieux.
Un
battant à boule de type Eijsbouts.
Détail
sur le décor de la Barbieux.
L'angelot
et la guirlande végétale.
En
noir et blanc, dans des conditions de lumière très difficiles, on
devine le personnage âgé.
Le
rinceau supérieur est de belle facture.
Une
cloche Michiels. On y remarque la similitude de rinceau fleur-de-lysé avec
les Eijsbouts, sachant que
dans l'ordre, c'est Eijsbouts qui s'est probablement
adapté, à la demande ou volontairement...