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Les areines de Liège - Les arts et métiers

Descriptions des arts et métiers, faites ou approuvées par Messieurs de l'Académie royale des sciences de Paris, 1780.

Epuisement des eaux
Nous venons de faire connaître les moyens usités pour se rendre maître des eaux dans le cours des ouvrages, mais pour un temps seulement. Il s'agit maintenant de pourvoir à ce que leur volume qui s'accroît toujours, ne devienne point un empêchement à la continuation des travaux. La manière de se débarrasser des eaux en dernier ressort et de les porter hors de la houillère varie selon différentes circonstances, ou selon les voies où elles sont rassemblées.

Les eaux du bougnou se tirent pendant la nuit dans des tinnes attachées au bout du chief, enlevées par le hernaz à chevaux, ou bien elles découlent au pied de la montagne par la xhorre nominée autrement areine. Lorsque la houillère est à la portée d'un courant d'eau, l'épuisement du bure se fait par un engin à pompe, de l'espèce de celui qui a servi de modèle à Rennequin Sualen pour la machine de Marly, et peut-être aux pareilles machines qui sont employées pour la mine de cuivre en Suède, lesquelles sont sur le même principe que la machine gravée dans le dictionnaire de mathématique et de physique de M. Saverien.

Le nom allemand Feld Geflange, signifiant engin qui court les champs, différencie assez bien cet engin de tous les autres, puisqu'en effet on le conduit par-dessus des montagnes et des vallées, même autour et au travers des montagnes : je lui conserverai ce nom, lorsque j'en donnerai les développements parmi les machines hydrauliques, dans la dernière section de cet ouvrage. Je m'en tiendrai, quant à présente, à placer ici la description abrégée d'une machine de ce genre, qui se rapporte davantage à celles de Liège, telle qu'elle se trouve dans Belidor.

À l'enjeu de la roue que fait agir l'eau, est une manivelle qui par le moyen d'une bielle pendante, communique le mouvement à un varia vertical ; ce varlet se meut fur un essieu et tire alternativement deux chaînes soutenues de distance en (finance par des balanciers portés fur des chevalets : les chaînes tirent à elles alternativement la tète de deux autres varias, donnant le mouvement aux tiges des pistons qui répondent aux puits. Ainsi l'on voit que les chevalets et les balanciers peuvent se multiplier à volonté, et que de même l'axe de la roue peut, au lieu d'une manivelle, en avoir deux qui feront agir quatre équipages de pompes. En épuisant les eaux du bougnou, on dessèche les pahages de la vallée, dont on doit le rappeler que les eaux ont leur décharge dans ce principal puisard, par le 'seyment' communiquant dans le pahage des niveaux du bure.

Les eaux des gralles et des demi-gralles s'enlèvent de la même manière ; elles sont quelquefois traînées dans les ghyots par les hiercheurs qui vont les verser dans le pahage de la vallée, que l'on épuise, ainsi que les vallées et borgnes vallées, à l'aide des bourriquets, ou au moyen du ghyot. Ce vaisseau qui s'attache derrière le vay , auquel tient aussi la cousade, descendant avec le vay dans la vallée, on le pousse dans le pahage où il s'emplit d'eau par sa soupape. On laisse couler pendant quelque temps dans le bougnou les eaux du ghyot, par le trou placé à fa partie antérieure, qu'on bouche avec une cheville. Les eaux des torrrets se tirent ou par des pompes, ou par des tilles que l'on attache au chief de torrets. Celles d'une veine ou d'une fosse supérieure, auxquelles on a donné communication, se xhorrent par le 'spouxheux' ou 'puiseux' ; à son défaut, par le parti-bure, à l'aide du fauconneau que nous avons fait remarquer précédemment. Ce gruau est appelle en houillerie chat ou winday, terme général par lequel ils semblent vouloir exprimer toute charpente qui renferme des poulies, et qui reviendrait à ce que l'on appelle généralement chape. L'arbre de cette charpente est, comme on le voit posé hors d'aplomb de la première poulie, placée vers le milieu de sa partie montante. La chaîne du bure, au lieu d'aller en droiture sur les rolles, est détournée de cette discrétion pour remonter en haut fur deux rolles placés dans le bec ou dans la partie saillante du gruau, d'où le chier, auquel on attache un seau., retombe dans la partie du puits.

Areine, xkorre, camus
Dans le nombre des moyens propres à épuiser les eaux, on ne doit point oublier le grand aqueduc souterrain que j'ai eu occasion de nommer plusieurs fois, par lequel on supplée en certains cas au bure à pompes, dans les mines et carrières qui ne sont pas travaillées à une grande profondeur. Les bouilleurs Liégeois désignent ce chemin couvert de mines par ces deux différents noms. le premier tire peut-être son origine de via arenata, ou ex arena fada, voie ou chemin fait à ciment et à pierre. La seconde dénomination expliquée à l'article des ustensiles pour l'épuisement et l'enlèvement des eaux, semble avoir été donnée spécialement à cet aqueduc, parce qu'il porte les grandes eaux hors des ouvrages. Ainsi l'ou doit entendre, par ces deux termes, une grande décharge et tout ce que l'on comprend sous le titre d'abatissement, d'abattement d'eaux, ou conduits pour l'areine. Lorsque l'épuisement se fait par d'autres moyens que ce canal, ils ajoutent au terme le nom de l'ustensile ; ainsi l'on dit, xhorre dell tinne, épuisement à l'aide de tonneaux. Pour se déterminer à abouter, ou à avant - bouter ce canal, il Lut qu'il y ait lieu de soupçonner qu'on atteindra à la veine, en la perçant autant que faire se peut, approchant ou même dans la partie d'aval-pendage; c'est-à-dire, qu'on la suppose en avant-main, selon l'expression usitée en houillerie. Il s'ensuit qu'une areine d'une galerie souterraine, établie, quand il y a lieu de la pratiquer, au pied d'une montagne, ou dans fa partie la moins élevée, marchant en peine depuis la partie la plus déclive de la couche de charbon, jusqu'à l'endroit où elle vient déboucher au jour.

Les avantages infinis qui résultent de ce percement de jour, font aisés à présumer : en ouvrant une houilliere à la cime de la montagne qui la renferme, on ne parvient à rencontrer la houille que par des ouvrages considérables. Il faut l'aller chercher plus ou moins profondément ; il faut se faire jour au travers des couches de terre de différente épaisseur, au travers des pierres, des rocs, plus ou moins fiers; on a à surmonter sans cesse les empêchements qui résultent des eaux, Ce percement, quelque dispendieux qu'il puisse être, assure une exploitation peu embarrassante de toute partie d'amont et d'une partie d'aval-pendage, dans la ligne de niveau, et dont les eaux ne permettraient d'approcher qu'avec beaucoup de difficultés.

Dans le cas où l'on n'arriverait point à la veine par ce conduit, il n'en serait pas moins utile pour bénéficier, c'est-à-dire, décharger une grande partie des eaux de la houilliere, diminuer par conséquent l'embarras et le coût des pompes des autres épuisements , etc. Telle areine, dit on, porte le faaz ou poids de l'eau de telle fosse ; c'est de là qu'on appelle quelquefois la partie du terrain qui y répond, versage d'eaux ou endroit versant.

On juge suffisamment par-la, que pour former une areine ou xhorre, selon les bons principes, il y a plusieurs attentions a avoir :
1°. Chercher par le nivellement exact du terrain, l'enfoncement qu'on doit lui donner pour atteindre la veine en avant-main.
2°. Etablir l'ouverture dans un endroit le plus bas possible a l'extérieur, de manière que la xhorre aille toujours en montant sensiblement vers l'endroit qu'on veut bénéficier. Les eaux qui ne tardent jamais se montrer en avançant, guideront d'une façon assez certaine sur les fautes que l'on pourrait commettre en s'écartant du nivellement. Un ruisseau ou filet d'eau qui se trouverait au voisinage, indiqueront encore la pente à donner a cet aqueduc.

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