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Les cloches d'Hévillers (1/2)

Un grand merci au père Elie Nasr pour l'accueil à l'église d'Hévillers !

L'église Saint-Gertrude d'Hévillers

L'église a été construite en 1776 par l'architecte Roufflart. Elle est basée essentiellement sur un style classique, en briques et chaînages de pierre bleue. Son clocher est trapu. Cette église est homogène et donne une bonne impression, bien que de structure tout à fait conventionnelle. Elle a été lourdement remaniée en 1824 par l'architecte Moreau, notamment par l'ajout des collatéraux. Cette église est placée sous le patronage de Sainte-Gertrude de Nivelles et fait partie de la Communauté de l'Ordre Libanais Maronite.

Le campanaire

Les cloches sont au nombre de trois : une Pierre Courteaux de 1829, une Slegers de 1951, Une Eijsbouts de 1998. Elles sont toutes en montage rétrograde. La sonnerie est accordée en la-do-ré. La Pierre Courteaux est très importante pour nous, c'est la seule cloche de ce fondeur actuellement inventoriée en Belgique.

Vous pouvez écouter chacune des cloches ci-dessous :
https://tchorski.fr/9/audio/hev-courteaux.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/hev-slegers.mp3
https://tchorski.fr/9/audio/hev-eijsbouts.mp3

L'analyse de ces cloches est la suivante :

Pierre Courteaux
C'est une cloche de 1829, assez élaborée dans son épigraphie. On y relève une importante dédicace (quatre lignes), dont certaines lettres sont maladroites. En effet, il y a des lettres de travers. Cependant, travail ne manque pas de revêtir une certaine qualité, notamment dans le détail des lettres en elles-mêmes - on n'est pas dans le foutoir des Lainville. En début de dédicace, on relève l'utilisation de main-index-tendu, ce qui se relève parfois chez d'autres fondeurs, dont les Drouot. Cela n'a rien d'illogique étant donné que Courteaux a parfois collaboré avec Joseph Drouot. Sur la robe, d'un côté il y a un christ en croix, de l'autre côté un Saint-Nicolas, ces deux figures sont surmontées d'un identique blason. Il s'agit, d'après Alexis Nicolaï, du blason de la famille de Man De Lennick. En pince, l'inscription Fudit Petrus Courteaux 1829 est très claire. A noter par contre la faute de syntaxe, car normalement c'est "me fudit". Sous les bandeaux de dédicace, on trouve une frise d'inspiration gothique.

Epigraphie : MAIN + J'AI ETE DONNEE PAR MESSIRE H:J:G DEMAN DE LENNICK BOURGMESTRE LE REVEREND D. - MAIN DESCAMPE CURE ET LES AUTRES HABITANTS DE LA COMMUNE A L'EGLISE D'HEVILLERS EN L'AN 1829. - J'AI EU POUR PARRAIN MESSIRE H:J:G DEMAN DE LENNICK ET POUR MARRAINE DAME M:J:F MOSSELMAN DU CHENOY. FUDIT PETRUS COURTEAUX 1828.

Le Baron De Man De Lennick était le propriétaire du château de Bierbais.
Les Mosselman du Chenoy étaient nombreux et faisaient partie de la noblesse de l'époque. On notera que L aure Mosselman du Chenoy (1851-1925), est la grand-mère paternelle de la reine Paola. Nous concernant en épigraphie, il pourrait s'agir de Fanny Mosselman du Chenoy (1808-1880).

Nous remarquerons la présence de nombreux noms locaux (voire très locaux), dont le bourgmestre d'époque de Mont-Saint-Guibert. Les donnateurs sont des villageois du coin (Bierbais, Chenoy). Vu que Courteaux était un itinérant, cela nous fait penser que cette cloche a été fondue sur place. Il serait intéressant de creuser à côté des collatéraux, car on retrouverait assez probablement des vestiges, tels que le four ou des scories !

Analyse des harmoniques : Hum: 254,5 Hz - Prime: 526 Hz C(2)+9 - Tierce: 630,5 Hz - Quint: 751,5 Hz - Nominal : 1043 Hz - Superquint: 1554 Hz - Oct Nom: 2136 Hz. Les partiels sont bien équilibrés, avec une prime puissante, quasiment égale à la tierce. Cela en donne un son équilibré, rond et pur.

C'est une belle cloche, c'est indéniable. On pourrait s'attendre à du travail bâclé vu que le fondeur était un ambulant. C'est loin d'être le cas. Il est à penser que cette fonte a été une commande, car le fondeur a probablement préparé à l'avance la matrice du blason... Il est assez rare en Belgique (2 à 3 % des effectifs) de croiser des travaux d'intinérants. C'est intéressant ! Dans ce cas de figure, on notera la forte fréquence en Wallonie de travaux des fondeurs lorrains.

Voici quelques mots à propos de ce fondeur : Pierre Courteaux est né à Auzainvilliers dans les Vosges (France) en 1782. Lors de la fonte de la cloche d'Hévillers, il avait 47 ans. Il est décédé en 1852. Marié avec Marie-Thérèse Antoine, il sera proche par des liens familiaux avec le fondeur français Nicolas Antoine, avec lequel il travaillera régulièrement d'ailleurs. Comme Pierre Courteaux est de tradition itinérante, exportant les connaissances de fonte du Bassigny Lorrain, il y a peu de traces écrites le concernant. On sait que par certaines saisons, il parcours la Belgique en recherche de commandes. Il aura des collaborations régulières avec Joseph Drouot. Son fils, Jean-Nicolas Courteaux sera lui aussi fondeur de cloches, mais de manière plus épisodique, on ne lui connaît pas de travaux en Belgique. En ce qui concerne Pierre Courteaux, nous pensions que toutes cloches avaient été décimées en 1943, y compris ses collaborations avec Drouot. Ce n'était donc pas vrai...

Le battant est probablement d'origine, vu son taux d'usure très élevé. Il semblerait que la chasse ait été découpée. Cela nous fait penser que cette cloche était initialement en lancer franc, et fut passée par la suite en rétrograde (1951 ?) afin de s'accorder avec le reste de la sonnerie.

Nous avons remarqué qu'une anse était cassée. C'est pourquoi la cloche est bancale. Cela mettant en danger l'instrument tout autant que le clocher, ça a été signalé...

Une autre cloche Pierre Courteaux inventoriée, c'est à Walhain, Nil-St-Martin.


La description de la cloche Courteaux. Document donné par M. Paul Gouverneur.

Georges II Slegers
C'est une cloche qu'on pourrait soupçonner être classique. Pourtant, elle est un peu atypique. En effet, elle comporte une décoration que nous ne connaissions jusqu'alors pas pour Georges Slegers. En rinceau supérieur, on trouve un feuillage de chêne et des glands, le tout extrêmement soigné ! En inférieur, on trouve un rinceau de framboises et feuillages, très soigné et plutôt varié, qui nous fait penser aux rinceaux des Chevresson. En matière de feuillage de chêne, le seul fondeur que nous connaissons ayant réalisé ça est Michiels Jr, pour Sainte-Madeleine de Tournai.

En robe, une figure de Christ en croix, de l'autre côté, un saint non identifié, portant une ceinture ; rien d'autre ne le distingue. Les anses sont typiques Slegers, tout autant que la typo de dédicace. A noter une donnée un peu surprenante, la cloche est signée Slegers Ex. Nous ne savons pas ce que signifie ce suffixe.

Epigraphie : NOMEN MEUM - MAGDALENA CLARA - ANNO MCMXLIII EREPTA - ANNO MCMLI RESTITUTA - SUSCEPERUNT DNUS. P. POLFLIET(?) - DNA A. EVERARTS DE VELP - PASTOR DECLERCQ L. ME FUDIT SLEGERS G. EX. TELLIN.

Analyse des harmoniques : Hum: 210 Hz - Prime: 447 Hz A(1)+27 - Tierce: 511 Hz - Quint: 659,5 Hz - Nominal : 858,5 Hz - Superquint: 1288 Hz - Oct Nom: 1777,5 Hz. Les partiels montrent une prédominance majeure de la quinte. Le son est puissant mais un peu décalé, du fait d'une prime faible et d'un hum quasiment inexistant.

Vous pouvez consulter quelques documents relatifs à la commande de la nouvelle cloche auprès de la firme Slégers ci-dessous. Ces documents ont été scannés par M. Paul Gouverneur. Sont scannées les références E564-1, E-564-3 et E-564-4 (140 scans). Elles se rapportent à l'enlèvement des cloches en 1943 et à toutes les lettres pour l'obtention de la nouvelle cloche, documents de 1948 à 1952 environ : ministères, firme SLEGERS, etc... Ces documents peuvent être obtenus sur clé USB en cas de recherches sur le sujet.


Eijsbouts
C'est une grande classique ! Elle possède le décor en modèle de base : la fuite en Egypte, mais ne comporte que le rinceau supérieur. La dédicace sur la robe est assez longue et comporte de nombreux détails locaux.

Epigraphie : EIJSBOUTS ASTENCI ME FECIT ANNO MCMXCIV - SOIS BENI, SEIGNEUR, TOI QUI M'AS CREEE! - ANNEE SAINTE-CLAIRE 11 - VIII - 1998 - 4 X 1994. - BENIE PAR MONSEIGNEUR REMY VANCOTTEM - PARRAIN PIERRE WERY ANCIEN CURE REPRESENTE PAR MARIE-LOUISE (...) - SOEUR NADIA KARAKI SS. CC. CLIBAND
(?) - JEAN MOISSE MAYEUR (...) ALBERT EVERARTS DE VELP PRESIDENT (...)
Jean Moisse a été Bourgmestre de Mont-Saint-Guibert.

A l'intérieur de la robe, on voit très bien les stries d'accordage. C'est assez typique des jeunes Eijsbouts, encore plus que les Petit & Fritsen. Ça ne manque pas de charme, bien que ce soit si banal... mais bon, on s'émerveille vite des cloches ici !

Analyse des harmoniques : Hum: 293,5 Hz - Prime: 588,5 Hz D(2)+3 - Tierce: 703 Hz - Quint: 881 Hz - Nominal : 1176 Hz - Superquint: 1759 Hz - Oct Nom: 2420 Hz. La tierce est très puissante. Ca donne un son mélodieux, cristallin et léger.

Bibliographie
- Le patrimoine monumental de la Belgique, 2, Arrondissement de Nivelles. Mardaga.
- Dictionnaire des facteurs d'instruments de musique en Wallonie, Mardaga. Malou Haine, Nicolas Meeùs.


L'église est bâtie sur un tertre.


On devine bien l'ajout des collatéraux.


La tour, avec son début de chaînage en pierre bleue.


Une pierre tombale dans le mur.


A l'abside, une reproduction de Rubens.


La lumière est splendide ce soir là.


Les vitraux sont très jolis.


Certains témoignent de la conversion de Sainte-Gudule, sous l'enseignement de Sainte-Gertrude de Nivelles.


La nef.


Nous allons nous élever vers l'orgue.


La tribune d'orgue.


Nous allons à présent monter au clocher.


Voici les trois belles. C'est assez exigu. Il va falloir se débrouiller !

La Pierre Courteaux


La cloche Pierre Courteaux.


De l'autre face.


De dessus.


Voici la robe, du côté signature et Saint-Nicolas.


La dédicace.


Le blason.

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