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Alfons Beullens, fondeur de cloches


(Une biographie d'Alfons Beullens et Omer Michaux)


Une cloche Beullens. Photo : Irpa.

BEULLENS Alfons
Avec deux variations orthographiques : Beullens Alphonse, Beullens Alphonsius Engelbertus Felix. La deuxième variation est un détail de livret de naissance. Ce n'est certainement pas une liste de prénoms usuels !

Fils de Philippus Beullens (27/10/1810 – décédé à date inconnue) et de Marie-Joséphine Verstraeten (22/03/1804 – décédée à date inconnue), tous deux agriculteurs. Ils auront six enfants : Angelina, Alfons, Guilielmus-Henricus (probablement Willem), Maria, Carolus et Guilielmus-Hubertus (probablement Hubert). Seul Alfons sera fondeur.

Alfons Beullens est né à Werchter le 13 février 1840 et décédé à Louvain le 22 février 1924, à l’âge de 84 ans. Vu qu’il fut habitant de Flandre durant toute son existence, l’orthographe originelle est sans doute « Alfons ».

Fondeur de cloche relativement méconnu des campanologues, dans le sens où son art ne déclenche pas véritablement la passion, il est relativement difficile d’obtenir des informations le concernant. Sa fonderie de cloches est basée à Louvain.

La petite sœur d’Alfons Beullens, Joanna Maria Catharina Beullens, née le 3 septembre 1845, se marie avec Séverin Van Aerschodt le 19 juillet 1865. Ce mariage rend Alfons Beullens le beau-frère de Van Aerschodt. Cette situation plongera Beullens dans l’univers des cloches, suite à l'émulation du beau-frère. Il installera sa fonderie au n°38 Diestsesteenweg à Leuven. A ce jour, il ne reste strictement aucune trace de l’activité artisanale ayant eu lieu en ce bâtiment.

En 1894, il obtient une médaille d’or à l’exposition internationale d’Anvers, genre d’évènement dont l’époque était très friande. Il en obtient une autre à celle de Bruxelles en 1897 (informations provenant du DFIM, p.53). Ses cloches sont la plupart du temps de tradition néo-gothique. Les décorations sont d’assez larges rinceaux de remplages gothiques. Ces décors ne sont pas d’une grande finesse, sans pour autant manquer de soin. Malgré les médailles obtenues, tout laisse à penser que les cloches Beullens étaient d’une qualité passable. Cela pourrait expliquer qu’il n’en reste quasiment plus à ce jour (si ce n’est plus du tout, sous réserve d’inventaire complet).

Lors du montage du carillon de Borgherout (Antwerpen) en 1888, dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’ancienne maison communale, il collabora avec l’horloger Edward Michiels de Malines. Ce carillon est immédiatement décrié pour son manque de justesse. Le carillonneur de l’époque Emile Wambach n’arrive pas à comprendre comment cet instrument a pu être réceptionné par la ville. Ce carillon sera joué cahin-caha durant quelques décennies, sans que jamais il ne donnât satisfaction. Il fut plusieurs fois question de le refondre. Ce sera finalement en 1969, avec l’apparition de situations dangereuses, qu’il sera refondu et remplacé par un Eijsbouts.

En RECIB, il lui est connu 142 cloches de sonnerie et 49 cloches de carillon [ en décembre 2012 ]. Il ne lui est pas connu de cloches encore visible à ce jour. Le hasard a fait que les enlèvements de cloches de 1943 ont été très cruels à son égard.

En 1903, la firme est remise à Omer Michaux. Cela marque la fin de l'activité de Beullens, lequel a 63 ans. A ce jour, nous ne connaissons pas de photo ou de représentation d'Alfons Beullens. Les cloches Beullens possèdent quasiment toutes une palme sur les anses.

MICHAUX Omer
Omer Michaux est un fondeur assez reconnu en Belgique, mais il nous en reste un nombre de cloches plutôt faible vu l'ample production qu'a connu sa carrière.

Né le 25 mars 1877 à Jambes, il devient par la reprise de l'établissement l'apprenti du fondeur Alphonse Beullens, à Louvain. Il reprendra la succession de l'atelier en 1903. Les cloches sont alors signées (au moins en 1904) : O.Michaux succ. A. Beullens Louvain. En signant 'successeur de Beullens', Michaux espère profiter de la réputation de ce dernier. C'était chose courante de pratiquer ainsi dans l'univers des productions campanaires.

De nombreuses légendes circulent au sujet de la reprise de l'atelier de Beullens ; on imagine notamment une belle histoire d'amitié entre les deux hommes - une information dont j'ai participé à la dissémination. Il n'en fut rien, ou tout du moins rien de particulier. Beullens arrivait à l'âge de la pension et cherchait à remettre son affaire. Si ce fut Michaux qui en pris la suite, ce ne fut pas sans difficultés. En effet, Jean Debuyst mentionne que cette affaire était fort couteuse pour le jeune Michaux. Notre conteur campanaire explique alors que, les parents ne sachant aider en suffisance, une tante vint en aide ; Elle était nommée Flore Fitjens. C'est elle qui permit l'entrée d'Omer Michaux dans l'univers des cloches.

A 26 ans et très motivé, tout juste fiancé, il reprend ainsi les ateliers de fonderie et la maison d'habitation, le tout à Louvain à l'adresse mentionnée supra (voir Beullens). Le vieux fondeur accepte de participer à un stage de quelques mois auprès du jeune homme, afin de permettre l'apprentissage. De cette période, il ne fut rien d'autre qu'un contrat et une succession a priori froide. Une touche de chaleur tout de même : l'ouvrier expérimenté (40 ans de maison) restait en place. Il se nommait Liévin. Ce fut lui qui probablement permità Michaux de progresser, car l'art des cloches est difficile à surmonter. Les débuts sont qualifiés de difficiles. Michaux est toutefois opiniâtre.

Par le fruit d'une publicité incessante et de nombreux voyages, il décroche de multiples contrats. On lui connaît comme oeuvre de jeunesse en priorité le carillon d'Arlon, totalisant 14 cloches ; celui de Braine-Le-Comte n'existe plus (remplacé par un Petit & Fritsen).

En 1913, à l'occasion de l'exposition de Gand, il restaure et complète le carillon du beffroi. Les gloires passagères seront rapidement assombries par la première guerre mondiale. Quasiment pourchassé, il s'enfuit en Angleterre en 1914, où il travaillera alors dans une usine de munitions. Lorsqu'il sera de retour, Jean Debuyst décrit que la fonderie est ravagée. Cela explique probablement le fait que le n°38 Diestsesteenweg est un bâtiment moderne sans charme.

Toujours d'après Debuyst, il est relaté que Liévin, l'ouvrier de Beullens, avait enterré les trente cloches du carillon de Ninove, afin qu'elles ne soient pas volées. Par chance, il fut ainsi possible de les récupérer. L'atelier sera peu à peu reconstruit en 1919 et opérationnel en 1920. L'année 1921 sera faste en commandes. Les années 1922-1928 représentent une part de mystère, on ne sait rien si ce n'est que nous disposons d'une liste de réalisations.

La suite de sa carrière l'amènera auprès de Marcel Michiels Jr où en 1929, il partagera certaines fabrications de ce fondeur, ce plus ou moins jusqu'en 1939. Cette collaboration fut initiée sur le conseil de Jef Denijn. Il n'est pas clairement établi le pourquoi de cette mise en relation. Serait-ce pour faciliter le travail de Michiels ? Peut-être cela ferait suite aux tensions entre Félix Van Aerschodt et Michiels ? Nous ne pouvons le préciser.

En 1935, il obtiendra un grand prix en compagnie des fondeurs et fabricants Somers, Pauli et Michiels Jr. Ses bureaux étaient alors situés au 211 avenue Rogier à Schaerbeek. De ce bureau, il ne subsiste rien de spécifique à ce jour. Cette adresse nous parait étonnante étant donné qu'il était lovaniste, mais pourquoi pas...

Les fabrications de carillon sont délicates, nécessitant un accordage au cent près. A la suite de refus de carillon ou de refontes, la production vacille. Ces difficultés de réalisation plongent Michaux dans des situations financières compliquées, il s'endette. L'affaire est peu à peu remise à Michiels, de manière globalement informelle nous semble-t-il. Michaux ne maitrisait probablement pas assez l'accordage afin de se permettre la livraison de carillon. Aucun autre fondeur ne maitrisait cette technique à cette date, mais certains s'en sortaient mieux par le profilage le plus exact possible. Il est de fait que les cloches Michaux ne sont pas forcément très justes entre elles ; isolément elles sont agréables, mais les partiels sont variables. Cela a certainement joué en défaveur.

Michiels se trouvera lui-même rapidement dans les difficultés, la seconde guerre mondiale plongeant l'Europe dans la récession et la guerre. Nous ne saurons plus grand chose de Michaux, si ce n'est qu'héroïquement, il cachera des cloches intéressantes durant le conflit, suite aux conseils de Joseph De Beer. Ces actes étaient punis de mort en cas de découverte. Il s'agit donc d'actes courageux.

Il décède à Louvain le 22 octobre 1956. Certaines sources bibliographiques mentionnent qu'il s'agit de 1955. Au cours de sa carrière, il sera nommé chevalier et officier de l'ordre de Léopold II.

En RECIB, nous lui connaissons 246 cloches en décembre 2012. Au moins 89 sont des cloches de carillon. Nous percevons très mal quelle est l'ampleur de sa production. Un nombre impressionnant de cloches a été emporté par l'occupant en 1943. Ses cloches sont le plus souvent de décoration néo-gothique. La plupart de ses cloches ont des décors identiques aux Beullens, Omer Michaux a visiblement utilisé ses matrices. En fin de carrière, des nouvelles lettrines ont fait leur apparition, d'une typographie un peu étrange et très reconnaissable. Bien que soignées, la plupart des cloches de Michaux sont aujourd'hui de piètre qualité.

Une photo d'Omer Michaux est disponible dans la biographie de Michiels.


Entête de courrier d'Alfons Beullens.



Bibliographie
-Dictionnaire des facteurs d'instruments de musique en Wallonie, Malou Haine, Nicolas Meeùs.
-L'organiste n°61 - 1984/1, article de Jean Debuyst sur Omer Michaux, p36-41.

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