VOYAGE
DANS L'ÉLOIGNEMENT
LE
CAUSSE MÉJEAN
UNE TRAVERSÉE DE LA TERRE DU MILIEU
Cétait il y a si longtemps Pourtant, jen garde mémoire comme si cétait hier. Nous voilà partis dans un brulant mois daoût de lannée 1993. En cette période jétais dans les Cévennes, à Pont dHérault près du Vigan. Non loin dêtre encore enfant, de jour en jour jarpentais les terres sauvages des contreforts de lAigoual. Ce furent des instants merveilleux.
A la librairie du coin, il y avait des cartes IGN, que je ne pouvais acheter faute de moyens. Alors, je les regardais et jessayais den garder mémoire. Je fus très étonné de voir de très vastes espaces de blanc au nord de Meyrueis, une toute petite ville en Lozère. En cette époque là, je ne me doutais pas que le blanc pouvait être légion en certaines cartes, comme cest le cas en Champagne à Mailly-le-Camp, ou dans la Beauce au nord dOrléans. Soit, le lieu mintriguait, notamment à cause du contraste très marqué entre les terres cévenoles boisées de châtaigniers au sud de Meyrueis, et cette étrange zone inconnue au nord de Meyrueis.
Quelques questions aux locaux du Bouliech ou de lArboux mapprirent quil sagissait du causse, une terre nue. Les vieux cévenols avec qui je conversais, des étoiles dans les yeux, semblaient avoir une affection toute particulière pour les lieux. Cet aspect là était dautant plus renforcé que jachetais, encore gamin, des ouvrages en occitan avec mes maigres moyens, le libraire doit encore sen souvenir. De plus, Meyrueis était en fort déclin dans cette période (pas comme maintenant !!), et un vent de jeunesse férue dhistoire locale devait franchement détonner.
Je calculai les distances de manière frénétique et vu mes très maigres moyens, je me rendais compte que ce nétait pas une mince affaire. Pour quelquun possédant une voiture, le trajet dépasse les 1h30, du hameau du Rey où je logeais, jusque Meyrueis (et encore, seulement Meyrueis, car après il faut encore monter sur le causse).
Cest de cette manière que sur les coups de quatre heures du matin, je quittais Le Rey en direction du Vigan, à pied, en utilisant la voie ferrée désaffectée. Je connaissais par cur le cheminement. Je ne possédais pas de lampe (trop cher) donc je marchais à tâtons.
Très tôt au Vigan, inquiet et impatient, je me pose en stop sur la route menant à lAigoual. Je me souviens encore parfaitement quun garde forestier allant à lEspérou me prend dans sa camionnette blanche presque immédiatement, et mavance quasiment dune heure sur la route vers Meyrueis. Je nai plus gardé mémoire exacte de comment ça sest passé ensuite, mais je sais que javais eu beaucoup de chance dans lensemble.
Traversé Meyrueis, je monte par la route, c'est-à-dire la D986. Pourquoi ne pas avoir pris le sentier, bien plus agréable ? Très simple, je navais pas de carte ! Agacé par la longueur des sinuosités, je quitte lasphalte et monte pleine pente, presque en courant. Je traversais alors, je le sais, les landes à buis de la Pauparelle.
Arrivé en haut, cest là que tout sest joué. En cet instant là, le paysage magique des serres et des sotchs me saisit. Il y a limmensité belle et aride du causse, toute entière soffrant. Je me souviens parfaitement avoir parlé seul et avoir dit : comme cest magnifique, il ny a rien Si tant rien, cétait vrai
Le reste du parcours de ce jour là, je me suis attaché à le retrouver, et ce ne fut pas forcément chose simple car 22 ans séparent ces instants daujourdhui. Visiblement jétais monté jusquà Drigas via la Croisette, javais obliqué sur Hures, puis marché à travers dolines sur le moulin de Saubert. Là, jy rencontrais un berger et dimmenses troupeaux en pâture. Au berger, peu loquace, je demandais sil y avait des maisons à vendre sur le causse.
Très pris par le temps, vu le grand trajet de retour inévitable, je sais que de là, je prenais plein sud et décidai alors de descendre sur la Jonte en pleine pente, c'est-à-dire par les falaises. Mais quelle idée !! Mais que faut-il être idiot pour programmer une telle absurdité ! Je sais, et jen garde mémoire plus que précise, que le parcours fut extrêmement aventureux et que, honnêtement, par idiotie, jai failli y passer. Il est difficile de dire où cétait (jy ai regardé ces derniers jours) et je suppose quil sagissait dune descente du Cayla vers Salvinsac.
De retour à Meyrueis, la côte est rude et longue en direction de lAigoual. Je fus pris en stop à hauteur des Pauchètes, par un camping-car de touristes. Je mangoissais sans arrêt de sa lenteur. Mais que jétais jeune et impatient ! Après avoir discuté avec passion du causse (que les gens ne connaissaient pas), les personnes me donnèrent cinquante francs, afin que je puisse continuer mes promenades. Tout en leur expliquant que jétais heureux sans, il ne fut pas possible de refuser. Cest ainsi que je leur fis parvenir bien plus que cinquante francs de cartes postales, de partout où jallais !
Bien que ce soit au mois daoût, je rentrais aux Magnanarelles bien après la nuit. Complètement vanné, je ne bougeais pas le lendemain, épuisé de tant de marche !
Au sein de cette promenade, je ne métais pas rendu compte que mon cur était resté accroché là-haut, sur le causse. Ou plutôt si, je le voyais bien, mais je ne pensais pas un instant que lhistoire entre nous deux allait être aussi intense. Très vite, le haut plateau me manqua.
Puis les années passèrent beaucoup sans oubli pour autant, mais voilà, le quotidien est ce quil est. On vit comme on veut, mais aussi parfois, on vit comme on peut. Ces derniers mois, une situation de covoiturage possible fit émergence. Un trajet allait avoir lieu vers Saint-Rome de Dolan, depuis la Belgique, sans que la date puisse être modifiée de quelque manière. Là-haut sur le causse, cest encore lhiver. Y aller ? En profiter ? Ou ne pas y aller ? La question sest posée. Puis les sacs furent préparés.
Ci-dessous, vous trouverez le compte-rendu de cette promenade des tous premiers jours de mars 2015. Ce compte-rendu est accessible en cliquant sur le galet.
Cest un assez long texte (39 pages, 12 mégas), mais des photos permettent daérer et dillustrer la narration. Honnêtement, le récit de ces drôles daventures nest pas triste Il fallait sen douter. Les conditions climatiques furent compliquées, ça a été beaucoup plus difficile que prévu. Ce retour sur le plateau a possédé des instants de grande magie et je vous en invite à la lecture, quand bien même je nen disconviens pas, cest assez long.
Au cours de ce séjour, 950 photos ont été réalisées. Pour une terre qui est aussi monotone, cest entièrement exagéré et jen suis parfaitement conscient. En même temps, cest cet aspect là qui ma fasciné. Du coup, toutes les serres, les sotchs, les dolines, les clôtures, etc. ont été photographiées. Le but nest pas un inventaire totalement inutile mais plutôt lindispensable retraduction dun attachement très fort à cette terre. Nen serait quun seul témoignage donne un indice non négligeable : sur ces photos la part de terre est très nettement prédominante par rapport à la part de ciel. Cest énorme et peut-être un peu superfétatoire, mais tant pis !
Jour 1 13
photos Du hameau des Vignes à Carnac. Une montée
en soirée. Peu de photos et un intérêt relativement
limité, vu quil sagit dune partie boisée
du causse.
Jour 2 67 photos De Carnac à Nivoliers,
en étendant le parcours à la plaine de Chanet. Un parcours
très pluvieux, mais dont les paysages restent tout de même
fort attachants.
Jour 3 227 photos De Nivoliers au Tomple, en passant
par le Mont Gargo. Ce long cheminement possède une série
de paysages aussi mémorables que somptueux.
Jour 4 89 photos Du Méjean, passage sur
le Sauveterre. Du Tomple au hameau de Sauveterre, en faisant un large
crochet au nord sur le village du Falisson. Photos dune certaine
austérité, vu le climat et le paysage.
Jour 5 104 photos De la ferme de Boisset à
Drigas, en passant par Sainte-Énimie. Le climat très changeant
rend les photos inégales.
Jour 6 175 photos De Drigas à la Serre de
la Pauparelle, en arpentant méthodiquement les terres de la Croisette,
de Saubert au Mas de la Font. Le parcours, non balisé, est réalisé
au sein de lieux extraordinaires.
Jour 7 197 photos De la Pauparelle au Mont Gargo,
puis retour à la croix de la Croisette. Magique. Il nexiste
pas dautre mot pour décrire cette partie du Causse, tout
comme la joie de la promenade réalisée.
Jour 8 69 photos De la Croisette à laven
Armand, puis descente à Meyrueis en fin de séjour.