La Seine en Bourgogne
Nous avons parcouru la Seine depuis sa source jusqu'à l'estuaire : depuis la statue de Sequana à Source-Seine, jusqu'à l'estuaire cette immense Seine au Havre. Nous avons, mon frère et moi-même, été souvent amoureux des lieux, quelquefois rebutés par des difficultés, et avons cheminé de Sequana à la mer. De tout cela, nous avons enregistré les ambiances sonores, infiniment variées. Tel pourrait être en fin de compte le tout simple résumé de cette belle promenade.
Enregistrer les ambiances sonores de la Seine, de la source à l'embouchure, n'avait jamais été réalisé. Les projets ayant existé - rares mais qualitatifs - se sont limités à des zones géographiques restreintes. Cela peut se comprendre, car la conception d'un parcours de 777 km à pied peut revêtir d'une certaine ambition.
Le projet a consisté à exister le fleuve, être le fleuve, s'unir au fleuve. L'empreinte de la personne qui enregistrait a été minimisée autant que possible. En effet, nulle gloire dans le fait de parcourir la distance, ni même de réaliser "ce" projet. Le but de la démarche fut de donner voix à la Seine, qu'elle s'exprime. Le travail a consisté à la réalisation d'une interview sous forme d'un témoignage : elle parle, nous évoque ses vieux souvenirs ; elle livre des secrets enfouis profonds.
Du fait du caractère
forgeant ce projet, plusieurs contraintes artistiques ont été
définies dès le départ.
~ Aucun enregistrement n'a été réalisé
à plus de dix mètres des berges. Tout est Seine. Aussi
intéressante puisse être l'ambiance de la boulangerie
du village, quand bien même il s'agit du "Fournil de la
Seine" de par sa dénomination, ce n'est pas le fleuve.
En contrepartie, un viaduc enjambant la Seine est Seine.
~ Afin d'éviter une désunion avec le fleuve, les nuits
furent en bivouac le long des berges, hors des parcs naturels bien
entendu. Il ne s'agit pas de camping sauvage, non autorisé,
mais de bivouac (une bâche, un sac de couchage). Aucun feu n'a
été réalisé, afin d'être en symbiose
avec la nature.
~ Les voitures et les avions furent exclus des enregistrements. Les
péniches ne le furent bien-sûr pas.
Une attention particulière
a été donnée aux flots, avec des enregistrements
inhabituels.
~ Avec un micro-contact, un enregistrement " avant " la
source. Cela permet d'avoir une vision totalement inédite du
bouillonnement de l'eau dans le sol. Ainsi, les micros ont été
enterrés. C'est en quelque sorte un enregistrement de la vie
intra-utérine, puisque la Seine n'est pas encore venue au jour.
~ Avec un hydrophone, des enregistrements immergés. Cela permet
d'enregistrer la vie au cour même des eaux, jusqu'à 2,50
mètres de profondeur.
~ Avec des micros binauraux, l'enregistrement de la vie quotidienne
du fleuve.
~ Avec un canon, des enregistrements de la vie ornithologique et globalement
faunistique.
~ Etant donné que fleuve Seine est enregistré avant
sa source, il est équitable d'enregistrer après l'estuaire,
ce qui est une donnée un peu abstraite. De ce fait vers Honfleur,
il a été enregistré la marée de salinité
avec un micro enterré dans la vase.
Ce projet a été en quelque sorte voulu comme symbiotique avec le fleuve. Les perturbations potentielles ont été nombreuses, il a fallu dès le départ analyser les potentialités de s'en affranchir. Le but a été de réellement offrir la possibilité à la Seine de s'exprimer.
Vu la particularité
de cette ébauche et le caractère totalement non lucratif,
il a été décidé de partager le projet
vis-à-vis du public selon deux aspects primordiaux :
~ Une gratuité de l'écoute, via la plateforme Aporee,
laquelle permet à tout un chacun de voyager.
~ Une possibilité de réutiliser les sonorités
dans toute sorte de projet, gratuitement (licence CC-BY), pour autant
que tous les mécènes soient cités.
D'autres projets peuvent exister (et existent, ce qui est notamment
le cas d'un projet d'édition d'un CD qualifiable d'objet d'art),
mais en aucun cas ces suppléments ne peuvent effacer la volonté
initiale de mise à disposition gratuite.
Le sujet fut riche et très loin de se limiter aux bruits de clapotis, la vie fourmille, qu'elle soit ornithologique ou anthropique. C'est aussi un fleuve d'histoire(s), exprimé au travers des ambiances sonores.
La Seine a été choisie plutôt que la Loire car elle fait assez souvent l'objet de dénigrement. Il y a eu quelque part le souhait de mettre le fleuve en valeur, car son impopularité est celle d'a-priori. Cette considération est typiquement celle d'une méconnaissance. Les travaux sonores permettent on ne peut plus à l'auditeur de poser les rames et de se laisser bercer par les flots du doux cours d'eau.
Vous pouvez écouter l'entièreté du voyage ci-dessous, il est gigantesque, énorme, exigeant, fascinant, rebutant, épuisant, fantastique.
Ce voyage n'a pas été subsidié, étant donné qu'aucune institution liée à la Seine, directement ou indirectement, n'a souhaité s'investir, quand bien même les montants étaient dérisoires (il était demandé entre 20 et 30 euros). Qu'ils en soient tous ici pas remerciés. Le projet a été soutenu par des dons de personnes privées. Ma reconnaissance envers eux est très grande, puisque ce sont ces personnes de coeur qui ont permis de réaliser ce bonheur.
La Seine en Normandie
Le voyage a été publié en presque totalité sur la plateforme Aporee, qui d'une manière graphique permet d'accéder aux sonorités du monde entier. Il suffit de se déplacer sur les cartes au gré de ses envies. La radio Aporee est disponible en cliquant sur la boussole rouge ci-dessous.