Cette page est un reportage sur le sanatorium de Dreux, lequel s'appelle localement le sanatorium des Bas Buissons. C'est un très vaste ensemble, qui comporte 8 corps de bâtiments étalés sur 40 et quelques hectares. L'ensemble architectural est situé au nord-ouest de Dreux au hameau Les Buissons. Le documentaire est ici réalisé au titre du patrimoine civil, mais il est à se demander comment c'est encore imaginable tant les lieux sont délabrés sous des strates multiples et incessantes de vandalisme. Soit, il y a au moins un avantage, cela ne vise pas pour une fois le patrimoine majeur (comme c'est le cas par exemple à Lanaye avec des dégradations à la bombe sur des inscriptions du XVème siècle). Nous passerons sous silence la présence de fantômes divers et variés, de la petite fille de 14 ans décédée notamment et dont l'âme se promène dans le lieu hanté, etc etc, même si nombreux expliquent avec force de démonstration que c'est le lieu le plus hanté de France.
Durant la première guerre mondiale, la tuberculose fait des ravages, du fait que c'est une maladie extrêmement contagieuse. Notamment sur les fronts de la Première Guerre Mondiale, les guerriers sont très concernés, en cause la promiscuité et les conditions misérables dans lesquelles ils sont réduits. Après la guerre vont fleurir une foultitude de sanatorium, destinés à guérir la maladie, mais aussi des préventoriums, destinés aux formes de maladie plus légère.
Le sanatorium de Dreux est construit à la hâte en 1928, sous l'égide du maire Maurice Violette. En état de fonctionnement en 1932, le lieu est destiné à combattre la propagation de la tuberculose dans le Drouais. En 1935 le site est étendu par une maison de convalescence pour femmes. A l'apogée durant ces années, environ 1000 personnes peuvent être accueillies sur place. Il reste toutefois que jamais ces valeurs ne seront atteintes. En effet le bâtiment fonctionne a un tiers de ses capacités en 1940 et se voit graduellement désaffecté dès 1956. Les progrès de la médecine sont inévitablement en cause ; le bâtiment se voit logiquement devenir, peu à peu, inutile.
Durant la seconde guerre mondiale, il sert d'hôpital militaire tenu par l'armée américaine. Dans les années soixante, alors que la tuberculose est éradiquée, les bâtiments vivotent, avec une utilisation comme maison de retraite, un institut médico-pédagogique de 1962 à 1980. C'est en 1990 que le site ferme ses portes définitivement. En 1999, alors que le site est totalement abandonné, la ville de Dreux rachète le terrain et son douloureux héritage pour le franc symbolique.
Les architectes de ce vaste ouvrage sont Georges Beauniée et André Sarrut.
André Sarrut, originaire de Béthune et engagé comme architecte dans un bureau à Paris, gagne le concours d'architecture dédié à la construction du sanatorium. Selon le fils d'André Sarrut que nous citons : Le maire, qui était un homme prudent s'est dit : « André Sarrut est jeune, je vais associer mon architecte, en qui j'ai confiance, Georges Beauniée. Il a pris André Sarrut sous son aile, puis il lui a vendu son cabinet ». Cette spécificité explique que deux architectes ont travaillé au projet. Notons que le sanatorium ouvre le début d'une longue carrière de l'architecte Sarrut à Dreux, il sera l'architecte de la ville entre 1930 et 1965.
Du point de vue architectural,
les lieux se distinguent en plusieurs sections.
- Un préventorium, nommé Thérèse Viollette,
qui fut mis en fonction en 1931, d'une capacité de 300 places.
- Un sanatorium, nommé clinique Laennec, qui fut mis en fonction
en 1932, d'une capacité de 400 places.
- Une maison de repos, qui fut mise en fonction en 1935, d'une capacité
de 50 places.
- Un centre gériatrique, qui fut bâti en 1939 mais jamais
mis en fonction à cause de la seconde guerre mondiale.
- Le centre comportait un théâtre et plusieurs lieux
d'activités ludiques, afin d'aider les patients dans leur longue
cure, mais le temps était inévitablement long. Les professeurs
qui étaient atteints de la maladie donnaient l'enseignement
aux enfants atteints. Le sanatorium fonctionnait en vase clos sur
une assez large autonomie, et selon des règles de vie très
strictes.
Les enfants voire les adultes pouvaient y rester plusieurs années. Nul ne conteste qu'il s'agissait avant tout d'une mesure d'éloignement, non loin d'être carcérale. Les patients étaient soignés (surtout par du solarium), mais quelque part c'était tout de même un mouroir. Au tout départ le site était à la pointe du progrès, c'est petit à petit que la population vit le lieu comme une léproserie.
Très peu larges, les bâtiments sont tout en longueur (très en longueur même) et sont exposés plein sud afin de bénéficier d'un ensoleillement maximal. Les étages sont équipés de balcons. Il s'agit d'une architecture typique des années 30, que l'on appelle héliotropique : bénéficier du grand air et des vertus reconstituantes du soleil. Les bâtiments font ainsi 4 mètres de large, pour quasiment un kilomètre de long. Les chambres font trois mètres de large et les couloirs un mètre. A ce jour, ça pose des difficultés quant aux projets de rénovation, du fait que le personnel médicinal est exposé à faire de nombreux aller-retours. Du coup, le bâtiment ne se révèle pas optimisé, même si au départ l'idée de faire profiter du soleil était la base du projet.
Sous un timide soleil d'hiver, au loin des sangliers s'enfuient, nous allons désormais visiter les lieux.
De son orthographe poétique, un visiteur nous avertis : NI
ALLÉ PAS.
En voilà un qui fut traumatisé par le fantôme
errant d'une petite fille tuberculeuse un peu rancunière.
A défaut de conseils avisés, on appréciera de
lire ne faites pas de bruit, car le silence grandiloquent et la solitude
du lieu nous conviendront.
Le sanatorium des Bas-Buissons a subi un assaut de peintures de guerre,
plus guère de mètres carrés sont épargnés
par les inscriptions de tous types.
Ainsi, débutons notre promenade...
Ce sont des infinités de couloirs.
Des infinités d'infinités non finies, c'est gigantesque.
De temps à autre dans une chambre, une oeuvre intéressante.
Toutes les chambres sont alignées et donnent côté
sud. De ce fait de manière ultra-fonctionnelle
et invariable, un interminable couloir linéaire dessert tous
ces logis.
Parfois l'on rencontre un petit coeur.
D'autres fois des scènes de meurtre prémédité.
Peu de couloirs n'en viennent à différer, si ce n'est
que l'on passe d'un bâtiment à l'autre, et encore. Le
plus long corps de bâtiment fait 400 mètres d'un seul
tenant sur deux étages !
Chaque corps de logis possède un nom. Ici le pavillon Koch,
que l'on appelle aussi le pavillon Koch-cures.
Le sanatorium possède des architectures de diverses époques,
du fait qu'il y eut des rajoutes.
Dans l'ensemble, c'est une architecture parfois constructiviste, parfois
marquée par le mouvement hygiéniste du XXème
siècle. La frise sommitale est légèrement art
déco.
On table sur l'isolement des malades, d'où un très fort
cloisonnement des lieux de vie. Il y a peu d'espaces communs, sauf
de gigantesques terrasses accessibles aux malades, lesquels s'exposent
au soleil.
Les très longs corps de logis sont reliés par des couloirs
perpendiculaires, la grande majorité des logis sont jointifs,
tout du moins en ce qui concerne le sanatorium. Les préventorium
sont à part.
L'entrée du Pavillon Koch sur passerelle.
On y voit bien la conception des chambres, toutes équipées
de balcon afin de pouvoir bénéficier de l'ensoleillement
maximal. On pensait à l'époque qu'une cure de soleil
allait arranger les choses.
Au vu qu'il faut désinfecter sans cesse, le sanatorium est
équipé de son propre château d'eau.
Le pavillon principal, le Pavillon Pasteur.
Presque tous les bâtiments sont estampillés d'un nom
qui est encore en assez bon état.