Autour
de Veynes, c'est un magnifique désert. Il y a de très belles couleurs
dans ces rues et une sensation de lieu agréable à parcourir. Le
site minier qui nous intéresse est situé dans des pentes de graviers
esthétiques. Les sols sont micro-fissurés par les alternances de
gel-sécheresse. Ca ressemble vaguement aux pentes de Auvare, derrière
Puget-Théniers. Cet endroit est beau. Rien que ça, c'est déjà
agréable de s'y promener.
Le site de Veynes, on a très peu de documentation dessus. Il y avait un réseau de 3 mètres (de large, enfin, de puissance de veine) et un réseau de 1,5 mètres. Suite à des visites réalisées par je ne sais qui, les gens de la commune ont décidé de foudroyer le réseau de 3 mètres, le plus grand et le plus intéressant. Comme d'habitude, pas de photos et aucune préservation. On connaît la chanson. Du coup, ce réseau, décrit comme immense, est impénétrable.
Le réseau de 1,5 mètres est extrêmement morcelé. Les pentes de graviers s'effondrent au fur et à mesure avec le lessivage des pluies. Du coup, il ne reste plus grand chose à voir. La galerie du bas est la plus intéressante. On se croirait de retour à Valbonnais, mais cette fois-ci avec une galerie sinueuse, étayée et variée. On y trouve quelques vestiges d'exploitations de champignonnière.
Bien plus haut dans les pentes, il y a des galeries d'exploitation. Elles sont globalement en mauvais état. On termine la visite dans trois micro-réseaux, dont une poudrière. Ce sont de petits réseaux fragmentés et sans grand intérêt, et ils ne sont pas représentatifs de ce que fut l'industrie à cet endroit.
Quelles
sont les perspectives ?
-Ils vont finir de péter ces réseaux
comme ils ont fait pour l'autre côté du vallon. De toute façon,
le patrimoine est déjà globalement perdu, par la faute de ceux qui
ont foudroyé sans réfléchir une seconde.
-Les galeries
se feront (très probablement) engloutir par l'érosion des pentes.
Surtout qu'il n'y a rien dans le secteur, pas de sentier, pas de passage, il n'y
a pas d'arbres pour stabiliser l'érosion.
-Ou bien ça sombrera
dans l'oubli.
(...)
Je reproduis ici un article du "Jaboteur" rédigé par Joël Marin, ancien cadre de l'usine de Veynes. Ce document provient du site internet de Henri Favier.
Les
usines à ciments de Veynes, un passé révolu.
Nous
sommes en 1997, Les usines à ciment de Veynes, A et B, fermées depuis
1950 ne sont plus que des souvenirs. Les deux, c'est-à-dire ce qui restait
après la dépouille d'un ferrailleur, ont été rachetées
par la commune. L'usine A, dite de Glaisette, la plus ancienne, est devenue la
salle de fêtes des "Arcades".
Elle est située
sur le côté gauche de la bute qui monte au village de Glaise. De
ce côté-là rien n'a été démoli à
ce jour. Par contre, du côté droit, où se trouvaient la salle
de broyage et les silos à ciment, tout a été rasé
pour en faire un parc à autos, complément indispensable pour la
salle des fêtes. L'usine B, dite du Plan, usine nouvelle construite entre
1928 et fin 1931 était une construction entièrement métallique,
une belle usine qui coûta 7 millions à l'époque. Le ferrailleur
n'a eu qu'à déboulonner pour prendre sa marchandise. L'emplacement
est devenu une zone industrielle. A ce jour nous ne pouvons remonter qu'un siècle
en arrière. A la fin du siècle dernier il y avait dans la région
plusieurs fabriques très artisanales de liants : St Bonnet, Montdauphin,
Serres, Bons Enfants.. et Veynes. Pour cette dernière un artisan (dont
j'ai oublié le nom) exploitait une couche dite "le petit banc".
Il s'agissait d'un filon de 1m 90, donc très mince et dont l'exploitation
uniquement en galerie était difficile (on pouvait se tromper de direction,
c'est arrivé) et coûteuse. Mais cette couche avait la qualité
d'être homogène dans toute sa masse et donnait un ciment naturel
prompt de qualité exceptionnelle: résistance élevée,
rapidité de démoulage. Il faut signaler au passage qu'à la
fin du 19 éme siècle et au début du 20 éme c'était
le règne du ciment naturel (prompt et lent).
Le règne de
la synthèse, ciment artificiel et autres est venu après 1920, après
l'expérience Vicat. Toutefois cette petite affaire artisanale a été
vendue au début de ce siècle à Monsieur DumoIard (de la famille
des Dumolard de la Porte de France) qui exploitait à Grenoble une couche
de cinq à six mètres d'épaisseur et qui donnait un ciment
prompt unique au monde et très connu. M. Dumolard amenait ses connaissances
certes, mis aussi des relations et, avec l'aide d'une partie de sa famille, un
certain capital. L'exploitation prenait le nom de Dumolard et Cie. Avec ce capital
des améliorations et des agrandissements étaient réalisés:
un deuxième four, des silos à ciment, une turbine actionnée
par l'eau de Glaizette captée à la Gerle. Les écluses existent
encore, intactes, dans le torrent. Mais cette force devenait insuffisante par
période de sécheresse.
Il fallait écluser c'est à
dire faire remplir l'écluse, puis ouvrir la vanne pour que l'eau actionne
la turbine qui broyait le ciment après la cuisson. Quand l'écluse
était vide on fermait la vanne et on attendait que le réservoir
soit plein pour recommencer. C'est alors que l'électricité est venue
au secours de cette Insuffisance d'eau. L'emballage du ciment prêt à
la vente se faisait à la pelle dans des sacs de jute au début, puis
en papier par la suite. Les sacs de jute étaient consignés et au
retour la sacherie était vérifiée. Le raccommodage des sacs
endommagés était fait par des femmes. Pour l'exportation du ciment
(Algérie et autres colonies de l'époque) on utilisait des tonneaux
de bois fabriqués sur place par une équipe de tonneliers, pour rendre
ces récipients plus étanche leur intérieur était tapissé
de papier. Pendant la guerre de l4-18 l'usine est fermée car la main-d'oeuvre
a été mobilisée. Les wagonnets sont rangés dans les
galeries que l'on ferme par des barres cimentées. Après la guerre
la compagnie "Nord et Alpes à a pris la suite de à Dumolard
et Cie".
Cette nouvelle société a été
créée par un groupe de russes Blancs qui avaient quitté la
Russie et qui avaient des capitaux à placer. Comme déjà dit
plus haut, l'usine B du plan est construite. Un puits est foré vers la
voie ferrée. Des murettes sont édifiées depuis la voie ferrée
jusqu'à la route de Grenoble. Un four vertical, en cône à
la base, différent de ceux de la première usine est construit. On
avait envisagé le transport de la pierre brute à l'aide d'un câble
depuis les galeries de l'usine A jusqu'à l'usine du Plan en passant au-dessus
du plateau des Egarets. L'ingénieur Fourniaux avait même fait les
plans, mais cela n'a jamais été réalisé. La pierre
était transportée par des chevaux puis par des camions qui traversaient
Veynes. On fabriquait environ 30 tonnes de ciment par jour. L'effectif humain
était d'une quarantaine de personnes. Les années de 1932 à
39 ont été difficiles pour la vente.
Les difficultés
ont augmenté après la guerre 39-45 suite à la concurrence
des ciments artificiels Lafarge. En 1945 l'usine a été détachée
du groupe d'origine pour devenir la "Société des Ciments de
Veynes". Mais cette usine, malgré ses agrandissements était
encore trop à l'étroit. De plus les manutentions : brouettes, pelles.
triage à la main, rendaient le prix de revient très élevé,
alors qu'ailleurs, dans les usines modernes on produisait du ciment artificiel
à un prix de revient égal à la moitié. Aussi la fermeture
des deux usines a été décidée entre 1950 et 1953.
Touristes qui venez à Veynes, promeneurs, vous pouvez encore voir dans
la salle des fêtes des Arcades le bas des trois premiers fours construits,
et à l'extérieur, côté Nord, au bord de la route de
Glaise un grand four encore intact, et un peu plus loin l'entrée de quelques
galeries sous les Egarets. A la place de l'usine du Plan se sont installés
les matériaux SAMSE, l'EDF, les Etablissement Reynouard, la menuiserie
Dastrevigne, les entrepôts Rouny-fruits, les transports Pinet, l'ex usine
solaire. Et au milieu de tout cela une grande plate-forme en ciment avec deux
gros blocs de béton qui marquent l'emplacement du four, tristes vestiges.
Portrait
de François dans les galeries.
Voici
l'aspect de la galerie du bas, un tracé sinueux et en bon état,
ce réseau, contrairement à d'autres ailleurs, est loin d'être
dangereux. On y remarque le pendage du filon et l'aspect intéressant de
la galerie.
Voici
le graffiti à la flamme d'un carrier, ou d'un visiteur.
Quelques
rares vestiges de champignonnière au sol.
Les
etayages et confortations sont parfois esthétiques.
Dans
d'autres galeries, un peu plus haut, on débouche sur de l'effondrement.
Il est donc impossible de visiter.
Le
village de Veynes, vu depuis le site minier.
Voici
ces fameuses pentes qui dégagent avec l'érosion des sols.
La
roche y est naturellement très fragmentée.
Le
vestige d'une poudrière, dans un micro-réseau.
Une
galerie calcifiée dans un autre micro-réseau.
Tout
en bas, une toute petite galerie d'assèchement.
Le
très beau village de Veynes depuis la nationale.
Le
centre de Veynes, près de la fontaine.