Exploration campanaire, les cloches de Lanas
Lanas est une petite commune ardéchoise posée sur un plateau calcaire au bord de l’Ardèche. Placée à quelques petites encablures d’un tourisme régulier – notamment Vogüe – elle est moins connue et figure en tant que terra incognita sur le point de vue campanaire, ce qui n’est nullement étonnant considérant la situation à ce point peu décrite en Ardèche.
Le clocher est accessible via des volées d’échelles en métal, inclinées et robustes. La chambre des cloches est large et bien entretenue. Les deux cloches sont accrochées dans des baies ouvertes, comme bien souvent en cette part de l’Ardèche. La configuration des lieux est celle la plus redoutée : Chauzon, Berrias, les cloches sont peu accessibles derrière des grillages. De ce fait, l’expertise constitue ni plus ni moins la méthode de recoller des pièces de puzzle manquantes.
La plus petite cloche est une Paccard, fondeur à Annecy. Elle est reconnue du fait de son estampille, figurant la Savoyarde. La date n’est pas connue, elle est mentionnée en longue dédicace sur la face vide. Cette face nécessite un survol de la propriété Gérinière-Sévenier, ce qui pourra être combiné à la visite des clochers de Vogüe et/ou Saint-Sernin. Les figures sur la panse sont des grands classiques, en outre des copies de Chambonas. La date de fonte 1935 est une hypothèse solide.
La plus grosse cloche est indiscutablement ancienne et une rareté. Elle est à comparer à Vernon, Saint-Alban-Auriolles, Chassiers. Selon l’expertise, elle est une Meironet datant de plus ou moins 1780 - 1782. Accrochée en hauteur, sa dédicace n’est que partiellement lisible. Elle comporte le texte : +(main) MESSIRE FRANCOIS DEVEDELLY PRETRE DEMOISELLE MA (…) DELOYER +(main) MARIA FRANCISCA LEOCADIA J . B . CHAVCHARD.
Les éléments qui font identifier le fondeur Meironet :
a) La frise située sous le cerveau mentionne des éléments répétitifs, disposés en 3 fois 3 éléments. C’est identique à toutes ses coulées.
b) Les découpes de cire sont très saillantes.
c) Ces décorations sont montantes depuis le sommet de la panse, ne sont pas descendantes depuis le plateau, cette dernière occurrence étant d’ailleurs une forte majorité en art campanaire (telles les palmettes, les acanthes). De ce fait, c’est un peu « un style lui étant propre ».
d) Les lettres sont enserrées, presque enchâssées dans d’épais filets, ce qui est cent pour cent conforme à son style.
e) L’épigraphie est piquetée, quelquefois légèrement striée. C’est le signe manifeste qu’il n’avait pas la capacité d’ébarber. Notons que c’est aussi le cas des Baudouin précoces. Cependant ces derniers utilisaient de manière systématique un N à l’envers. Ici ce n’est pas le cas.
f) Des croix christiques sont utilisées en séparateurs.
g) Les U sont des V.
h) La métallurgie est désastreuse, témoignant en outre d’un manque certain de chaleur. En témoignent les nombreuses ébréchures sur la pince.
Ces 8 éléments sont tellement concordants que nous identifions Meironet sans doute aucun. Son nom figure immanquablement sur la dédicace, avec les termes MEIRONET FECIT. Le seul doute subsistant est la présence de VALETON pour l’aider, ce qui en somme est peu probable. Meironet est un fondeur suspecté ardéchois, et plus précisément comme étant implanté sur Largentière. On lui connait une œuvre rare 1775-1782.
Ces deux cloches sont maintenues par Plaire (très bon état). Elles ne sonnent pas en volée. Cela fait très longtemps que ce n’est plus le cas. Il n’y a ni moteur ni chaîne. Les volants démontrent la présence de cordes anciennes. Les paliers, tourillons, moutons sont morts. L’état métallurgique de la Meironet proscrit une mise en volée. De plus elle a une valeur historique indiscutable, ce comme on l’évoque, allié à sa rareté.
La Meironet sonne un do# très altéré et pèse environ 180 kilogrammes. La Paccard sonne un Mi harmonieux et pèse environ 105 kilogrammes.
Un très grand merci à l’équipe municipale pour l’accueil et la disponibilité !