Exploration campanaire, les cloches de Thueyts
Thueyts est une lumineuse commune d’Ardèche connue pour son Pont du Diable. Un très grand merci aux services municipaux, en particulier Monsieur Chapuis, d’avoir permis cette étude.
L’escalier d’accès au clocher est dans un état un peu incertain, ce principalement dû à l’âge. La tour est bâtie séparément de la nef, dans ce que l’on appelle un style italien (identique Saint-Étienne de Fontbellon, Lalevade). Le clocher comporte 4 cloches : deux grosses, une toute petite qui s’avère ancienne, une petite en poste fixe qui servait de timbre.
La sonnerie est commandée par un boîtier Paccard de type Harmony depuis la sacristie. Les cloches sont accrochées dans un beffroi métallique qui joue parfaitement son rôle.
La plus grosse cloche, Jean-Baptiste, provient de la Lorraine. C’est une Louis Decharme, datant de 1808. Le nom du fondeur est visible dans une estampille ronde, très difficilement lisible car mal imprimée dans la potée. L’identification est certaine. Cela est corroboré par le fait qu’on a sur la robe une frise de décoration en passementeries et une dédicace en lettres assez basiques.
Non pas que Decharme soit un mauvais fondeur, très loin de là, mais il reste un itinérant du Bassigny, et dès lors un ouvrier sur les routes, n’ayant pas à sa portée tout le confort d’une fonderie. On notera les anses extrêmement caractéristiques, c’est un des rares (le seul sous réserve d’inventaire) à les faire si rondes.
Il existe moins d’une dizaine de Decharme en Ardèche et celles-ci sont en ordre dispersé, ce qui signifie qu’il a fait nombreuses campagnes. En contrepartie, il est un des rares saintiers du Bassigny à avoir exploré l’Ardèche. On notera que la faussure a été frappée avec une pierre dans des temps reculés, on voit des marques de dégradations.
La moyenne cloche, Marie-Joseph, provient d’Annecy. C’est une Paccard, datant de 1964. Elle comporte des décorations typiques de cette période, sur le thème du Magnificat.
La toute petite, Saint-Roch, est une cloche issue d’un fondeur non identifié. La dédicace est altérée. Elle date de 1730 et possède l’inscription : Si Deus pro nobis, qui contranos per intercessionem beati Rochi a langoribus epidemicae, libera nos Domine.
Cela peut se traduire de la sorte : Dieu soyez pour nous, par l'intercession du bienheureux Saint-Roch, sauvez-nous de la langueur de l'épidémie, délivrez-nous, Seigneur. L’un des termes peut s’avérer quelque peu incertain, on pourrait aussi y lire : dépérissement, épuisement, lié à la maladie. Les cloches destinées à chasser la foudre sont plutôt fréquentes, celles aux maladies nettement moins. Saint-Roch est considéré comme le saint patron des pestiférés.
Il n’existe aucune comparaison qui permettrait d’identifier le fondeur, notablement du fait que l’épigraphie est désastreuse. C’est un fait très courant pour le 18e siècle, qu’on ne relève d’ailleurs ni avant ni après ; la perte de technicité se répète inlassablement sans qu’aucune explication cohérente ne vienne expliquer cette constance.
La cloche de timbre, non utilisée et placée en hauteur dans une ouïe, est une Burdin Aîné de 1876. On s’attendrait à ce qu’elle sonne l’heure, mais ce n’est pas le cas.
L’accord est Mi(3), Sol(3) et La(4). Les grandes sont plutôt faciles à identifier. La petite est édentée vu son âge. On peut donc estimer que la Decharme pèse 920 kg. Ce n’est vraiment pas étonnant car Decharme avait tendance à couler du lourd, voire même à se spécialiser dans ce domaine. La Paccard pèse 530 kg. La petite pèserait 40 kg. Le montage est en rétrograde bien vif pour les grosses cloches, la petite est en lancé franc. C’est elle qui débute le chant en volée, ce qui est remarquablement adroit de la part du campaniste.
C’est une sonnerie très plaisante, à vrai dire autant que les services de la mairie et le territoire chatoyant de cette vallée ardéchoise.