Le site minier se trouve à Cheratte, commune attenante à Liège et située dans l'entité de Visé. Il s'agit de l'ancienne SA des Charbonnages du Hasard. C'est un site d'extraction d'anthracite, un minerai très proche du charbon.
Si quelques exploitations maigrichonnes furent ouvertes entre 1511 et 1811, sur les domaines de Barchon, Cheratte et Saive, la réelle exploitation telle qu'on la connaît aujourd'hui a ouvert en 1847, en reprenant les anciennes concessions de Bouhouille. Elle a été accordée aux héritiers de Michel de Sélys et de Pierre Godefroid Lonhienne. C'est en 1827 qu'est installée la première machine à vapeur.
En 1828, l'exploitation souterraine connaît ses premières difficultés. Les multiples galeries de pied déjà existantes s'entrecroisent et le réseau souterrain est victime d'importantes venues d'eau. C'est pourquoi les ouvriers vont creuser ou rénover les 8 araines qui se croisent sous le plateau de Barchon. Une araine (ou xhorre) est une galerie d'évacuation des eaux. A ce jour, il en reste une, très difficile à visiter à cause d'un niveau de CO2 fort élevé.
C'est durant l'année 1868 que la mine connaît ses venues d'eaux les plus importantes. De ce fait, la concession est abandonnée et les pompes sont arrêtées. La mine est graduellement noyée. L'arrêt d'exploitation durera jusqu'en 1905 et sera évidemment dévastateur, les installations seront livrées au pillage. Lors de son rachat par René Henry, une étude de faisabilité montre que la houille maigre se situe à forte profondeur. Le faible espace disponible repousse les ingénieurs dans leurs dernières extrémités : la construction d'une tour d'extraction, ce qui était une première pour l'époque en Belgique. Cette installation monumentale permis un gain de place considérable. C'est la tour médiévale que nous pouvons voir aujourd'hui. Elle a été bâtie en 1907 et a presque jamais subi de modifications.
Le site est complété par une seconde tour d'extraction, en béton, dans les années 30. Le site connaît alors son apogée, il emploie 1500 ouvriers et employés. La tour n°1 est reléguée au secours et les immenses espaces libres du puits 1 servent de lampisterie et de bains-douches. La particularité de la mine de Cheratte, tout comme le bassin de Liège, c'est la faible puissance des veines. Au plus large, elles faisaient 80 centimètres de haut, mais le plus souvent elles n'en faisaient que 50. Une visite dans le musée souterrain de Blegny Trembleur permet de bien comprendre ce type d'exploitation. Autant dire que c'était épuisant pour le mineur. La particularité de Cheratte, c'est aussi la débauche de bains-douches et vestiaires. Habituellement en milieu minier, il s'agissait de douches communes. Ici, c'est un luxe.
Le charbonnage ferme en 1977, il employait alors 600 mineurs. Pour autant, son histoire n'est pas terminée, très loin de là. Le site est racheté pour une bouchée de pain par monsieur Lowie, de Mechelenn Aan de Maas. Ce propriétaire commence à démanteler le site. Les installations métalliques disparaissent peu à peu au profit d'un ferraillage sans merci. Heureusement, des arrêtés de protection (arrêté de l'exécutif de la communauté Française du 02/06/1982 et de la région Wallonne du 10/11/1992, et arrêté Royal du 20/10/1978) empêchent ce propriétaire de démanteler les installations des tours 1 et 2.
Plus tard, les lieux deviennent l'égérie des explorateurs urbains, ces personnes qui prennent en photo des lieux industriels désaffectés. Le site est littéralement assiégé, ils se promènent dans les installations par dizaines durant les week-ends. Un contrecoup s'implante et cela créée l'étonnement, un certain monsieur Gomez, ancien mineur, s'installe sur le site et demande un billet d'entrée, soit une vingtaine d'euros par personne. En cas de non paiement, monsieur Gomez appelle la police. Cela a de quoi surprendre mais le phénomène fonctionne, la fréquentation baisse, surtout pour les plus jeunes.
Fin 2008, une nouvelle surprise s'annonce, de plus mauvaise augure. Monsieur Lowie dépose un permis d'urbanisme pour la démolition de la tour d'extraction n°3 (celle en béton) et des bâtiments annexes. Le but est de remplacer par du logement et des commerces. On connaît la musique en Belgique, il y a les opposants farouches (dont nous), le site sera tout de même démoli sans aucune préservation, la reconstruction sera bloquée pour une quelconque question de vice de procédure ou pollution, et ça restera à l'état de triste friche durant 10 ans. Après, tout d'un coup, on viendra y construire de ces immondes boîtes à chaussures, des hangars à la con comme on ne sait plus faire que ça. Tout aurait été classé, ça aurait été tellement plus simple et cohérent.
En Belgique, le patrimoine, ça finit toujours mal. Heureusement que la tour n°2 ne sera pas démolie, même s'il est à déplorer qu'elle ait été extrêmement dégradée par les explorateurs urbains.
En haut de la tour n°1, une turbine.
Il y a des douches et des casiers partout, des bâtiments entiers de douches.
C'est assez impressionnant, surtout qu'il reste des chaussures et des serviettes
pourries. Il est rare de voir en milieu minier un équipement individuel
aussi poussé et luxueux.
La tour n°3, en béton. C'est celle qui est visée par la démolition.
Une
berline, ferraillée à ce jour.
Antonin simule le mineur.
La
passerelle, qui menait à d'autres installations aujourd'hui démolies.
Dans quelques pièces, il reste un important volume de chaussures et bottes.
Le
bureau administratif.
Les orifices des galeries de pied.
On suppose que ça servait à la ventilation de la mine.
Les armoires qui servaient à recharger les lampes Oldham.
Les
molettes de la tour n°3.