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La ferme Gérard

Que cela soit dit tout de suite, il faudra me rouler dessus avec un camion 36 tonnes pour que je vous révèle où se trouve ce lieu. Et encore… Il faudrait éventuellement me priver de chocolat noir durant 148 ans (là j’hésiterais, j’avoue, ça fait un peu long), ou en dernier lieu, m’obliger à prendre un repas en tête à tête avec Charline Vanhoenacker et… non sérieux ne faites pas ça je vous en prie, je vous en supplie !

Bref trop précieux, trop fragile cette petite ferme. Non pas qu’il y ait quoi que ce soit à voler ; en respect de la famille de Gérard, ce lieu sera gardé secret. Le seul but de ce documentaire est à la fois de mettre en valeur l’endroit ainsi que cette belle épopée familiale. Et puis aussi parce que c’est un village paisible, sensible, avec une municipalité géniale.

La ferme de Gérard est localisée dans un écart  isolé des Cévennes : déjà rien que la région est un éloignement à part entière. Le lieu est splendide. Combien de fois la famille s’est-elle posée devant ce paysage saisissant ? C’est d’une beauté titanesque, tout ce que l’on peut aimer de la Cévenne. Y habiter c’est sûr, c’est autre chose. Rude, dur certainement – on sait pourquoi on le fait disent les anciens.

Gérard était exploitant agricole. Il tenait un élevage de moutons. Il est né en juillet 1931 et décédé en décembre 2009 à 78 ans. Il s’est marié avec Eliane. La ferme est par succession propriété d’Eliane, et de leur fille Christiane. Si la vie courante se déroulait en cette ferme à l’époque, cela fait longtemps que ce n’est plus le cas. Eliane habite à quelques encablures désormais, au hameau B.

Gérard a été une personne aimée de tous. Il a été maire de sa commune et reconduit quatre fois jusqu’en 2001. Lorsque l’on parle de lui au village, on dit toujours avec déférence : monsieur le maire. Il fut si admiré qu’il a une plaque de rue à son nom, c’est la dernière photo de ce reportage.

La ferme révèle une structure tout à fait typique de la région, avec notamment à l’entrée, le bénitier placé dans une croix creusée dans le mur. Les étables à gauche, l’habitation à droite. L’activité autour des ovins pourrait être séculaire. L’on relève en effet que Martin D. est éleveur, comme son père Martin de même, et surtout marchand de moutons. Il rencontre un certain nombre de déboires en 1941, lorsque tous ses achats & reventes sont contrôlées par l’armée d’occupation.

Alfrédie, née M. et veuve D., cotise à la caisse de sécurité sociale agricole et habite au foyer au moins jusqu’en 1982. Elle est née en 1904 et décédée en 1989. Il serait logique qu’elle soit la mère de Gérard (l’acte de naissance référence 5 Mi 38 637 n’est pas consultable car il a moins de 100 ans). Martin D. (1929-2005) pourrait être le frère de Gérard. On a trois Martin, tous agriculteurs, ce n’est pas évident de trier les informations.

Dans l’entourage du foyer, on relève Bazile D. Joseph H. Abel D. Oléodine M. Alfred M. et Jean-Antoine D. Tous sont visés par des impôts fonciers concernant leurs terres. Lettré, Gérard s’occupe de toutes les correspondances et démarches administratives. Aussi, en cette ferme, ils sont les rares à avoir un téléphone. Un registre répertorie tous les appels ; le village entier défile au précieux service. Les courriers, il les gère à la pelle pour les uns et pour les autres, même ceux d’EDF pour les lignes électriques traversant les terres.

Gérard fut un ancien combattant en Algérie. Il a reçu la croix du mérite agricole, pour l’immensité de son travail. Ce qu’il en reste aujourd’hui, des auges dans des granges encore emplies de paille, de vieux crayons gras afin de marquer les bêtes, des outils immuables. La maison a été retournée lors d’un déménagement – au décès c’est certain – puis l’amas de vie est resté intact. C’est comme si tout s’était arrêté depuis la veille : un univers clos et fragile. Reste même une demie bouteille de Pastis Germain !

Gérard est inhumé au tout petit cimetière du village. J’ai fait trois fois le tour sans le trouver, j’ai même été demander au bar sur la place principale. C’est en fin de compte la mairie qui m’envoie la photo, tout était totalement évident. Comment ai-je été incapable à ce point ? Il faudra revenir pour fleurir la sépulture, comme un rendez-vous auquel je ne manquerai pas.


La tombe de Gérard, photo prise par la mairie, que je remercie vivement.

Hommage au pastoralisme d’antan, je vous invite à découvrir un lieu que j’ai trouvé profondément enchanteur.

La ferme Le Racou

Un peu plus loin dans la même montagne cévenole, voici une autre ferme qui y ressemble. Elle est bien jolie, mais dénuée du moindre objet de vie, je n’ai pas pu remonter son histoire.

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