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L'usine verte abandonnée
Il est très tôt le matin. Une fine pluie glaçante baigne le paysage. Nous sommes au pourtour d'une grande ville. Lorsque j'arrive sur place, je vois une longue allée montante, un mur à escalader, et ensuite un chemin en surplomb très visible, menant à l'usine placée sur les contreforts d'une falaise.
Grimper le mur se fait en quelques instants malgré que la pluie rende tout un peu glissant. Lorsque j'avance vers l'usine, une voiture passe. Evidemment ! Il fallait que ce soit juste à ce moment-là, aussi tôt le matin. Du coup, j'ai été inévitablement vu. Le raisonnable voudrais que je fasse demi-tour et que j'ajourne le projet. Cependant, c'est loin, c'est excentré, bref j'y vais. Au bout d'une vingtaine de minutes de grand calme, j'en viens à penser que la situation se stabilise, ça ira.
Il s'agit d'une ancienne usine abandonnée depuis très longtemps. Tout laisse à penser qu'il s'agissait d'éléments relatifs à une papeterie, mais il est loin d'être acquis qu'il s'agissait de la papeterie en tant que tel. En effet, les locaux sont trop petits et trop penchés sur les contreforts de la montagne.
L'analyse du lieu me fait penser qu'il s'agissait surtout d'une centrale électrique utilisant la force hydraulique afin de produire l'énergie. Une gigantesque papeterie se trouve non loin de là, en tout cas, on dira à portée de fil électrique.
Cette usine peut se révéler relativement banale. Toutefois ce matin, ce qui la rend merveilleuse, c'est tout simplement la pluie.
En effet cette usine est majestueusement envahie de végétation. L'intime mélange de rouille et de feuilles mouillées rend le moindre paysage d'un terrible esthétisme et d'un redoutable romantisme. Il est peu dire que j'ai énormément apprécié ce lieu.
Il reste à signaler en contrepartie que j'ai trouvé cet endroit remarquablement dangereux, avec des trous profonds cachés par la végétation, des tôles rouillées et complètement moisies protégeant des trous à peine visibles. Bref, il y a véritablement tout ce qu'il faut afin de dégringoler une douzaine de mètres. Il est donc de fait que cet endroit est réservé à des personnes expérimentées et raisonnables. En tout état de cause, le mur à escalader n'est pas triste. Cela limite de facto les visites possibles.
Au sortir de l'usine, je suis véritablement trempé de la tête aux pieds. Cela pourrait donner l'occasion de râler, mais je suis encore baigné des images de ce lieu extraordinaire. La végétation envahissante reprend ses droits sur l'univers fantasmagorique de rouille déglinguée. Ce genre d'endroit ne correspond pas forcément aux desideratas de tout le monde, mais en tout cas, je l'ai trouvé empreint d'un terrible romantisme, et j'en suis encore chamboulé.
