La maison Jean-Claude
Nous avons reçu les photos d'un voyageur et nous en avons fait la synthèse historique.
Il s’agit d’un point sur une carte, une potentialité, ce qu’on appelle « un check » dans notre langage d’urbex. Incapable de dire que c’est « une tentative » pour un point repéré sur les cartes de Google. Bref passons. Préparant mes périples, je constate que le bâtiment est enfoui dans une végétation purement démoniaque. Le voisinage sera ni plus ni moins ultra présent / oppressant. Serait-ce une bête grange et rien d’autre ? Il ne reste plus qu’à aller sur place.
Arrivé sur place, les surprises sont au nombre de… beaucoup ! Ca a été entièrement défriché, il apparait du coup une maison, toute en longueur. Elle est à vendre par une immobilière, les voisins sont en vacances (tout est fermé). Il est midi et le soleil cogne dur. Ni une ni deux, je me stationne dans l’allée et je me porte acquéreur.
Seul l’étage est visitable, le rez-de-chaussée est fermé. Mais fut-il seulement occupé ? Car la maison est complète. Et la question immédiate qui se pose, c’est comment peut-on vendre ça ? C’est dans un état ca-ta-stro-phique.
L’annonce de l’immobilière ? « Certes il faut de l'imagination mais que serions-nous sans projets ? Ce portail en fer qui s'ouvre sur un jardin, la glycine qui s'enroule le long du balcon et la belle porte d'entrée donnent envie de redonner son charme à cette bâtisse. 4 pièces de plain pied, 4 pièces à l'étage, les 1900 m2 de jardin plat et arboré, chênes, sapins... Attention… Coup de cœur ! »
Un véritable château de Bavière, au minimum, qui ne donne aucune photo de l’intérieur, et encore moins le détail que les planchers s’effondrent, les toitures sont éventrées, les murs profondément lézardés. Du pur 100% escroc en mode bien retors. Leurs photos montrent le terrain défriché, ça redevient une jungle. C’est sûr qu’avec autant d’honnêteté, vous allez vendre.
La visite révèle que nous sommes chez une célébrité locale, Jean-Claude, né en 1938 au village et décédé en juillet 2023, au terme d’une longue maladie.
Jean-Claude a un CV long comme l’autoroute en Forêt Noire. Il a été garagiste durant plus de trente ans et un véritable passionné de motos. Tout le monde appréciait son sens de l’accueil, sa gentillesse et sa serviabilité. Une vie professionnelle qu’il partagea avec un engagement associatif de tous les instants. Ici la liste s’allonge : compère de la confrérie des vignerons, ancien président du comité des fêtes, grand cuisinier, fêtard, un grand personnage en somme.
Festival international de musique avec fanfares, fête des vendanges, nuit du stockfisch, concours du plus gros mangeur de raisins, soirées folklore, cabarets, concours de danse, élection de miss Aveyron, il devait être de sortie quasiment tout le temps !
A ses obsèques, l’église était bondée, ce de surcroît que dans ses villages paisibles où tout se sait, personne n’ignorait qu’il était rongé de douleurs par la maladie. Une épreuve adoucie par la présence à ses côtés de sa compagne Monique qui veilla sur lui avec beaucoup d’amour et de tendresse.
Tous ceux qui ont croisé un jour le chemin de Jean-Claude ont en mémoire l’image d’un bon vivant, d’un homme qui aimait rire et apporter la joie autour de lui : c’est ce que l’on en dit. Il est inhumé dans un caveau familial de belle facture au cimetière du village. Pour peu que ce fût la saison, il aurait fallu que je lui dépose une grappe de raisin plutôt que des fleurs. Ceci étant l’automne approche, et la beauté des paysages me donne bien envie d’un petit rendez-vous impromptu.