L'ancienne minoterie de Charles & Pierre
Nous avons reçu les photos d'un voyageur et nous en avons fait la synthèse historique.
Voici la visite d’une ancienne minoterie abandonnée. Totalement insoupçonnée, elle est enfouie dans un écrin de nature, invisible de la route. Ce ne sont que les recherches appuyées et opiniâtres de Bénédicte qui ont permis de la découvrir ; c’est aussi elle qui a effectué la recherche au cimetière.
Il s’agit d’une ancienne minoterie, un moulin donc, où l’on fabriquait la farine à partir du grain. Le travail consiste à enlever l’enveloppe du grain : les sons et remoulages. Puis, le produit est broyé afin d’obtenir la farine.
L’étage du haut, ambiance boisée aux murs blancs, est occupé par deux vastes appareillages « plansichter », ce qu’on appelait anciennement un blutoir (plus petit). L’appareil est composé de plusieurs tamis de maillages différents permettant d'extraire les produits de mouture. L’étage d’en dessous, ambiance rouge, comporte les broyeurs.
Ce matériel de meunerie est extrêmement commun, mais au regard de l’histoire locale et de l’état de conservation, c’est indubitablement précieux.
Le bâtiment comporte « à gauche » l’atelier. En haut le traitement du son, au milieu le broyage, en bas la sacherie. A ce jour cette sacherie a servi à stocker un volume considérable de bazar divers et varié. A droite se trouve l’habitation, très touchante. On y trouve de nombreuses traces de vie des derniers occupants.
La meunerie a été créée en 1884 par les grands-parents (le grand-père Pierre, en réalité), et perpétuée par les parents : Jean et Marie. Jean est né en 1898 et décédé en 1943. Marie est née en 1897 et décédée en 1990. Au vu des dates, il ne serait pas étranger que Jean soit décédé au front.
Ils ont eu trois enfants : Pierre l’ainé, Charles son frère et Marinette, sœur cadette.
Pierre est né en 1926 et décédé en 1992.
Charles est né en 1929 et décédé en 2021.
Marinette, dont on ne trouve pas la moindre trace dans la maison, est née en 1938 et décédée en 1965. Décédée à 27 ans, c’est très tôt.
Pierre et Charles ont exploité la meunerie à la suite des parents. Ils ne faisaient que de la T150 de farine de seigle, ne possédant d’ailleurs pas d’autres tamis. Ils sortaient une tonne par jour : nos hommes étaient des forces de la nature. L’exploitation a cessé au décès de Pierre, qui a travaillé comme un forçat jusqu’à son dernier jour. Les deux étaient férus de pêche et s’en donnaient à cœur-joie dans le ruisseau attenant.
La famille est inhumée dans un caveau de très bonne facture. Le soubassement est en granit Gris du Tarn et la stèle en Noir d’Inde, ce qui témoigne d’un soin très fort. Selon nos informations, la succession est vacante malgré la grande famille, le bien est sans-maître. La presse relate la perte patrimoniale du lieu, celle-ci s’annonçant pour ainsi dire comme inéluctable.
C’est un endroit très en délicatesse. Bien-sûr saccagé comme d’habitude, malheureusement, mais en tout cas nous avons trouvé le lieu empreint de poésie et de douceur.